À partir de 1859, après plus de deux siècles de fermeture absolue à l’influence occidentale en général, et chrétienne en particulier, le Japon commence à entrouvrir ses portes à des visiteurs étrangers, parmi lesquels prennent vite place des aumôniers et des religieux.
L’abbé Bernard Petitjean est l’un d’eux. Après un passage par les îles Ryukyu, puis par le grand port de Yokohama, il arrive à Nagasaki en 1863 où il commence par donner des cours de français. Malgré un climat encore menaçant, il entreprend d’y bâtir une église en l’honneur des 26 martyrs crucifiés sur place le 5 février 1597, dont Paul Miki, que Pie IX venait tout juste de canoniser. Quelques semaines après l’inauguration, en 1865, le missionnaire a la surprise de voir s’approcher de lui des personnes de modeste condition, pêcheurs ou artisans, qui lui révèlent sous le sceau du secret que la croix qui se dresse dans l’église ressemble beaucoup à celles qu’ils détiennent clandestinement dans leurs masures, transmises de père en fils au fil des décennies. « Notre cœur ne diffère pas du vôtre » lui disent-ils. L’abbé Petitjean est stupéfait par cette rencontre.
Grandes vagues de persécutions
Comme tout le monde, il pensait que toute présence chrétienne avait été éradiquée depuis le début du XVIIe siècle et les grandes vagues de persécutions, systématisées par le décret de 1614 signé par le shogun Ieyasu. Avide d’en savoir plus, et prenant garde à ne pas les mettre en danger, l’abbé Petitjean entreprend d’en savoir plus sur ces chrétiens inconnus et ne tarde pas à identifier 25 villages dans lesquels on professe toujours la foi en Jésus-Christ.
Dépourvus de prêtres, privés de sacrements – à l’exception du baptême – menacés en permanence par la dénonciation ou l’arrestation, ces kakure kirishitan – ou « chrétiens cachés » – ont néanmoins préservé une étonnante religiosité, pas toujours très orthodoxe, mais fondamentalement guidée par la croix, des bribes de prières et des souvenirs de l’Écriture sainte. Nommé vicaire apostolique du Japon en 1866, Mgr Petitjean n’a guère le temps d’exercer son ministère : le christianisme est de nouveau interdit par le gouvernement impérial. Il est expulsé et une dernière vague de persécutions s’abat sur l’archipel. Elle ne prend fin qu’en 1873. Définitivement.
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