Excelsa super sidera,
Qui te creavit, provide
Lactasti sacro ubere.
Quod Heva tristis abstulit,
Tu reddis almo germine :
Intrent ut astra flebiles
Caeli fenestra facta es.
Tu Regis alti janua
Et aula lucis fulgida :
Vitam datam per Virginem
Gentes redemptae plaudite.
Patri sit et Paraclito
Tuoque Nato gloria,
Qui veste te mirabili
Circumdederunt gratiae.
Traduction française
Élevée au-dessus des astres,
Celui qui t’a créée, tu veillas
À l’allaiter de ton chaste sein.
Ce que la triste Ève nous enleva,
Tu le rends par ton fruit maternel ;
Afin que gagnent le ciel ceux qui pleurent
Tu donnes accès au paradis.
Tu es la porte du Roi très-haut,
Le seuil étincelant de lumière.
La vie nous est rendue par la Vierge :
Peuples rachetés, applaudissez !
Gloire soit au Père, à l’Esprit
Consolateur, à ton Fils :
Ils t’ont enveloppée
Du merveilleux vêtement de la grâce.
De la prose lyonnaise de l’an dernier, revenons à un grand poète chrétien des temps mérovingiens, Venance Fortunat (530 – 609), qui fut évêque de Poitiers. Il suffit de citer les premiers mots de quelques hymnes, Vexilla Regis, Pange lingua, pour expliquer sa présence aujourd’hui encore dans la liturgie. C’est avec son admirable Salve festa dies que nous avons chanté Pâques l’an dernier.
L’hymne des laudes de l’Annonciation a subi quelques retouches plus ou moins heureuses : nous gardons le texte d’origine : quatre strophes (en comptant la doxologie) d’octosyllabes – nous sommes toujours dans la tradition de l’hymne ambrosienne.
Cette hymne est brève : le poète va à l’essentiel. Dès la première strophe, une exclamation de louange, justifiée par la part qui fut celle de la Vierge dans l’Incarnation. Marie n’est pas nommée, non plus que la Vierge, son titre c’est Domina, la Dame par excellence, devenue Notre Dame, que son Assomption a élevée dans les hauteurs du Ciel. Lactance, comme tant d’autres poètes après lui, souligne ce paradoxe unique d’un être créé qui met au monde et nourrit son Créateur. Le mystère de la Rédemption tient une de ses plus heureuses expressions dans ces deux vers.
La strophe suivante est elle aussi « classique » : à Eva elle oppose Ave, Abstulit, reddis l’une rend ce que l’autre a enlevé. Par là elle rouvre le Ciel fermé. Le texte ne recule pas devant l’image concrète : fenestra, à entendre comme accès, ouverture. Image un peu réductrice ? Avec un bel élan lyrique, le poète lui donne son lustre : janua Regis, aula lucis : ces vers, deux fois quatre mots tout en a et en i, éclatent de lumière. Devant cette vision, plaudite, explosion de joie des peuples rachetés.
La doxologie n’a rien de figé, comme le plus souvent : elle est adaptée à la fête. Les trois Personnes sont là, mais en glissant tuo devant Nato elle rappelle que le Fils est aussi celui de celle que l’on fête aujourd’hui. Et surtout, finale magnifique, les trois Personnes ont enveloppé Marie du plus beau des vêtements : la grâce.