Crise de la littérature - France Catholique
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Crise de la littérature

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Le café Les édieteurs à St-Germain-des-Prés

Le café Les édieteurs à St-Germain-des-Prés

CC by-sa : Jean-François Gornet

Notre bel aujourd’hui fournit au chroniqueur du quotidien une ample moisson de sujets à traiter. Je ne les énumérerai pas, pour éviter de m’excuser d’en choisir un qui ne ferait peut-être pas le poids face à leur écrasante présence. En effet, et je ne cache pas que c’est par goût, je choisis l’actualité littéraire, non par désir d’évasion mais par exigence personnelle de discernement. Ainsi, on décrit le Quartier latin, ou plus exactement Saint-Germain-des-Prés, comme en plein émoi. Ce petit territoire, appelé germanopratin par ironie, serait en pleine crise, à cause d’un scandale sur lequel je ne reviendrai pas aujourd’hui, sauf à reprendre à Marc Weitzmann le mot « illettrisme » qui lui semble caractériser son mal à l’âme. Non, les germanopratins n’ont pas perdu le goût et l’habitude, sinon la frénésie de la lecture. Tout simplement, ses lecteurs seraient incapables de donner le moindre sens aux mots qu’ils ont sous les yeux.

Bien sûr, le terme d’illettrisme est exagéré. Mais il pourrait aider à faire comprendre la crise que j’espère salutaire et qui s’est emparée de ce que j’ose encore appeler la république des lettres. Certes, cette crise n’est pas d’aujourd’hui. Raymond Aron a pu parler en son temps de l’opium des intellectuels et il avait, parmi ses cibles, son petit camarade Sartre, star germanopratine par excellence. C’était déjà une sacrée confusion que celle-là. Celle d’aujourd’hui consiste, sous le prétexte de faire fi de la morale, qui ne serait pas l’objet de la littérature, de nous tromper sur la réalité des mœurs dissolues et des effets dévastateurs des transgressions. Mais je crains que l’élan de lucidité, que devrait provoquer cette crise, n’aille pas au bout de sa logique. Ces publications qui dénoncent cet illettrisme sont celles qui apportent toute leur caution à ce super confusionnisme qu’est le gender, avec toutes les conséquences que les mêmes publications ne manqueront pas de dénoncer dans cinquante ans.

Et puisque nous sommes dans le domaine littéraire, j’évoquerai finalement la belle figure d’Albert Camus, qui nous a quittés il y a soixante ans, et dont toute l’œuvre est précisément un défi à l’illettrisme, à l’opium intellectuel et à la confusion, à cause de son exigence suprême de vérité et de justice.

Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 9 janvier 2020.