L’enseignement catholique est comme un orchestre. Il y a de nombreuses parties interactives comprenant des doctrines, des dogmes, des pratiques (disciplines) qui renforcent l’enseignement de l’Église (comme les vendredis sans viande, en souvenir du sacrifice du Vendredi Saint), la liturgie, les Écritures, la tradition, etc. La spéculation théologique essaie d’harmoniser tous ces éléments de la foi.
Même les illettrés parmi nous sentent lorsqu’un orchestre n’est pas dans le ton. Appelons cela le « sens de la foi ». De temps en temps, il est cependant utile de rappeler le portrait général de la « chose » catholique, et d’identifier quelques fausses notes que les gens ordinaires peuvent identifier avec certitude, ainsi que des choses qu’il est judicieux de considérer comme incertaines.
Par exemple, lorsqu’un enfant en deuil demande à un prêtre de paroisse si un chien bien aimé mort et allé au paradis, une décision pastorale et théologique devient inévitable. Thomas d’Aquin affirme que les animaux ont des âmes, mais pas des âmes éternelles. Donc, lorsqu’un chien meurt, très aimé ou pas, il retourne à la matière première d’où il est sorti.
Cependant, les théologiens conventionnels préfèrent généralement les métaphores de l’Écriture. Ils auront tendance à se tourner vers le livre de l’Apocalypse. Les animaux de compagnie, de la même manière que toute la bonne création de Dieu, seront purifiés de tout mal et considérés comme bénéficiant de la gloire céleste et « renés » au dernier jour (cf. Ap. 21, 1-5).
Les deux réponses sont possibles mais aucune n’est de foi.
Mais les théologiens tentent également de résoudre d’apparents conflits dans la doctrine de l’Église. Le baptême (liturgique, par le sang ou de désir) est nécessaire au salut. Lorsqu’un nouveau-né meurt sans être baptisé, la question du salut se pose. Saint Augustin avait proposé la doctrine des limbes – un lieu de bonheur, mais sans la vision béatifique. Certains théologiens considèrent cette opinion peu judicieuse et invoquent l’infinie miséricorde de Dieu. En ce qui concerne les discussions théologiques non abouties, nous devons nous contenter de mystères doctrinaux, même si nous continuons d’espérer le règlement des différends.
Certains théologiens ont suggéré la possibilité d’un « enfer vide ». Jésus nous a rachetés, bien sûr. Mais notre salut vient en coopérant avec Ses grâces – et n’est donc pas une chose sûre. Nous n’avons donc pas besoin de faire semblant d’être des théologiens érudits pour remettre en question la théologie de « l’enfer vide ». Jésus semble dire à plusieurs reprises que des anges y sont tombés, avec des êtres humains.
Pourquoi des êtres composés de corps et d’âme comme nous s’en tireraient-ils mieux que les anges ? Le salut universel semble trop beau pour être vrai. Néanmoins, la charité exige que nous considérions a priori la bonne volonté des théologiens qui travaillent aux frontières de l’enseignement catholique.
Après tout, nous ne pouvons pas réduire la beauté de la foi catholique uniquement à des déclarations conceptuelles. Même les doctrines les plus contraignantes peuvent être reformulées, sans violation de leur valeur de vérité, à la lumière de l’évolution de la compréhension provoquée par la science et d’autres branches de la connaissance humaine.
Les progrès dans notre compréhension scientifique de l’univers créé, par exemple, améliorent merveilleusement le récit de la création poétique dans la Genèse. La science est l’étude de l’œuvre de Dieu, qui élargit nos horizons à des mystères sans fin. Pourtant, nous continuons à regarder le monde avec le même émerveillement simple que les anciens.
Au bout du compte, même les détenteurs du pouvoir théologique se mettent de temps en temps hors jeu. Incontestablement, le grand Thomas d’Aquin n’a pas compris la signification de l’Immaculée Conception (qui ne fut pas un dogme officiel de l’Église jusqu’en 1854). Aussi longtemps que ces puissants attaquants permettent aux poids légers théologiques comme nous de s’en tenir aux enseignements des bases de la foi, il n’est pas nécessaire que nous soyons perturbés.
Mais la théologie est trop importante pour être laissée aux théologiens. Il y a donc des limites à la charité intellectuelle. Parfois, les fidèles doivent fermement rejeter le non-sens théologique quelles que soient les prétentions des intellectuels. Diverses doctrines issues de la spéculation théologique sont dangereuses et erronées.
Martin Luther a comparé l’homme à un tas de fumier. Selon ce point de vue, le péché originel a détruit notre nature humaine. La grâce de Dieu ne restaure pas notre dignité mais recouvre le gâchis comme une chute de neige sur un tas de fumier. En revanche, les catholiques croient que le péché originel a gravement blessé – mais n’a pas détruit – notre nature. Dieu nous restaure dans les fonts baptismaux et continue de nous guérir lors de notre rencontre avec Lui dans les sacrements. Point n’est besoin d’être un intellectuel imposant pour rejeter les enseignements protestants égarés et soutenir que Dieu ne crée pas d’épaves.
Nous pouvons également trouver des bêtises à des niveaux élevés de la hiérarchie de l’Église catholique. Dans une récente interview, le père Arturo Sosa, S.J., le supérieur général de la Compagnie de Jésus, a déclaré : « Le bien et le mal sont dans une guerre permanente dans la conscience humaine et nous avons des moyens de les souligner… Les symboles font partie de la réalité et le diable existe en tant que réalité symbolique et non en tant que réalité personnelle. »
Un symbole a-t-il tenté Ève dans le jardin et le même symbole a-t-il tenté Jésus dans le désert ? Saint Paul écrit : « Car nous n’avons pas à lutter contre la chair et le sang, mais contre les princes, contre les puissances, contre les dominateurs de ce monde de ténèbres, contre les esprits mauvais répandus dans l’air » (Éph. 6, 12). Saint Paul a-t-il menti ou manquait-il simplement d’une instruction jésuite moderne? Nous ne croyons peut-être pas au diable, mais le diable garde un œil sur nous.
Lorsque l’Ange Gabriel a annoncé à Marie qu’elle allait concevoir un fils, Marie fut perplexe. Sa question à Gabriel n’était ni irrespectueuse, ni dédaigneuse, ni sceptique. Avec fidélité, elle a demandé : « Comment cela se passera-t-il, puisque je ne connais pas d’homme ? » (Luc 1, 34). Marie a répondu à l’explication de Gabriel avec son magnifique fiat : « Voici la servante du Seigneur; qu’il me soit fait selon ta parole » (Luc 1, 38). Et le Verbe s’est fait chair et a habité parmi nous.
Dieu nous parle à travers l’orchestre glorieux de la foi catholique, et l’essentiel de la doctrine catholique est accessible à tous. Nous répondons avec dévotion et, avec la grâce de Dieu, avec une sainte réflexion théologique. En cas de doute, la foi simple mais ferme de Notre-Dame est la réponse.
29 septembre 2019
Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/09/29/dung-heaps-the-devil-and-the-catholic-orchestra/
Tableau : Débat sur le Saint Sacrement par Raphael, 1509-10 [Palais Apostolique, Vatican]
Le père Jerry J. Pokorsky est prêtre du diocèse d’Arlington. Il est le curé de la paroisse Ste Catherine de Sienne à Great Falls, Virginia.
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