Demeure toute consacrée à Dieu - France Catholique
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« Ô Marie conçue sans péché »
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Demeure toute consacrée à Dieu

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Durant la grossesse, certaines cellules de l’enfant à naître migrent à travers le placenta dans le flux sanguin maternel. Ces cellules sont « pluripotentes », c’est-à-dire qu’elles sont capables de se développer en différents types de tissus. Si une cellule de ce type trouve son chemin vers le tissu pulmonaire par exemple, elle imitera les cellules environnantes et se transformera en cellule pulmonaire, restant là pour toute la durée de vie de la mère.

« Partout dans le monde, des mères disent qu’elles se sentent comme si leurs enfants faisaient toujours partie d’elles-mêmes longtemps après les avoir mis au monde » mentionnait une récent article du ‘Smithsonian Magazine’. « Il se trouve que c’est littéralement vrai. Durant la grossesse, des cellules du fœtus traversent la barrière placentaire et entrent dans le corps de la mère, où elles peuvent devenir partie intégrante de ses tissus ».

Cela marche dans l’autre sens également. Des cellules de la mère traversent aussi la barrière. Mais ces cellules ne sont pas « pluripotentes » ; leur durée de vie et leur influence possible sont éphémères.

Les biologistes de l’évolution sont fascinés par cet échange, parce qu’ils voient en lui une symbiose qui contribue à l’« adaptation » entre la mère et l’enfant. De forts indices suggèrent que les cellules fœtales pourraient stimuler la lactation, aider à guérir les blessures et renforcer le système immunitaire de la mère.

Appeler ce système une symbiose signifie que ce n’est pas par une sorte d’erreur ou de dysfonctionnement que des cellules fœtales pénètrent dans le corps de la mère. Les biologistes diront que le système mère-enfant a « évolué » pour leur bénéfice mutuel. La philosophie ou le bon sens diront que l’échange fait partie du projet de Dieu pour la maternité.

Mais pensons de cette manière la maternité de Marie. Jésus était « vrai Dieu et vrai homme », identique à nous en tous points excepté le péché. Par conséquent, supposons que des cellules de Jésus en gestation ont migré dans le sang de Marie et se sont logés dans divers organes, où elles ont pris les fonctions de ces organes, et y sont restées jusqu’à ce que Marie soit introduite au Ciel. Ce n’étaient pas des cellules de Marie, mais des cellules du Seigneur, bien vivantes au sein du corps de Marie et assumant les mêmes fonctions que les cellules de Marie.

Quelles sont alors les implications théologiques ? (Nous voulons dire par là les implications pour des non professionnels, des « amateurs » passionnés tels que nous.)

Premièrement, que l’enseignement traditionnel de l’Eglise selon lequel Jésus n’a ni frères ni sœurs parce que Joseph n’a jamais eu de relations charnelles avec Marie devient d’une évidence aveuglante. Pour une personne attentionnée, l’argument des convenances a toujours fait sens : comment un homme irait-il sur les brisées de Dieu et réclamerait-il pour lui ce qui a déjà été pris et consacré pour des projets divins ? Car maintenant Marie devient le lieu où d’une certaine façon Dieu est toujours présent. Elle n’a pas été l’Arche de la Nouvelle Alliance : elle l’est et elle le reste, puisque des traces du corps et du sang du Seigneur demeurent à jamais en son sein.

Deuxièmement, cet autre enseignement traditionnel de l’Eglise comme quoi Marie était préservée du péché originel quand Jésus a été conçu en elle devient encore plus solidement validé. Le péché et Dieu ne sont absolument pas compatibles. Parce qu’elle avait conçu Jésus, Dieu était devenu au sens littéral présent dans la structure même de son corps. Cette présence semble incompatible avec quoi que ce soit dans son corps inclinant au mal, ce qu’impliquerait le péché originel.

Petite mise au point : la doctrine catholique de l’Immaculée Conception a soutenu en outre que cette préservation du péché originel a été conférée à Marie dès le premier moment de son existence. Qu’elle ait été exempte du péché originel et de ses effets quand elle portait Jésus n’a jamais fait débat.

La vieille ‘Catholic Encyclopedia’ expose clairement l’argument de la tradition pour cette conception immaculée : « il y a une incongruité à supposer que la chair dont allait être formée la chair du Fils de Dieu aurait pu jamais appartenir à une personne ayant été l’esclave de cet ennemi juré dont Il venait détruire le pouvoir en s’incarnant ». La découverte moderne des cellules fœtales qui persistent dans le corps de la mère ajoute un support biologique à l’argumentation.

Une troisième implication est que Marie devient un tabernacle permanent au sens propre et non uniquement au sens figuré. Après tout, les litanie de la Vierge, dites également litanies de Lorette, lui donnent ces titres : « Réceptacle de l’Esprit, Demeure comblée de Gloire. Demeure toute consacrée à Dieu… Maison de Dieu. Arche de la Nouvelle Alliance. »

Mais peut-être en disant ces mots évoquons-nous dans notre imagination Marie enceinte. Nous supposons que ces mots sont encore vrais d’elle maintenant parce qu’ils ont été vrais autrefois – de la même façon peut-être qu’un ancien président des Etats-Unis est toujours appelé « Monsieur le Président ».

Véritablement, dans un cœur pieux, le rôle de Marie lui est attribué pour l’éternité parce que son don d’elle-même au Christ dans son ‘fiat’ était sans réserve. Il semble qu’ici, comme dans d’autres domaines de notre foi, Dieu ne se satisfait pas de laisser les choses dans l’abstraction mais désire rendre concrète les réalités spirituelles. En accord avec le principe de l’Incarnation, les cellules du Seigneur implantées dans le corps de Marie seront un signe permanent et concret de son rôle.

Quand je pense à ces choses, je me demande si nous ne causons pas du tort à Noël par notre tendance à négliger l’Epiphanie, ce qui est également une façon de négliger Marie. L’Epiphanie est la fête de l’apparition et de la révélation. Mais le Seigneur se révèle à travers sa mère : elle le porte ; elle l’enfante ; elle le veille ; elle continue de le présenter à nous. « Une épée te transpercera l’âme afin que soient révélées les pensées de nombreux cœurs » a déclaré Siméon à Marie. (Luc 2:35)

Par sa maternité, Marie est un réceptacle de gloire, mais pas un simple réceptacle, et sûrement pas un réceptacle qu’on utilise pour l’écarter ensuite, mais ici et maintenant, irréversiblement et pour toujours, le chemin vers le Christ enfant.

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Michael Pakaluk, spécialiste d’Aristote et ordinaire de l’Académie pontificale Saint Thomas d’Aquin, est professeur dans l’école de commerce et d’industrie Busch, au sein de l’Université Catholique d’Amérique. Il vit à Hyattsville (Maryland) avec son épouse Catherine, également professeur dans le même établissement, et leurs huit enfants. Il est actuellement en train d’écrire un livre sur le message de Marie dans l’évangile de Jean.

Illustration : « Vierge des anges » par William Bouguereau, 1881 [musée J. Paul Getty, Los Angeles]

Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/12/23/singular-vessel-of-devotion/