Les Guerriers de la justice sociale (Social justice warriors, SJW) dans les facultés et les universités, critiquent les banquiers qui facturent des taux d’intérêt usuraires – des taux qu’ils ont toutes les raisons de croire que ceux qui contractent des dettes aussi importantes pourraient ne pas être en mesure de rembourser ou subiraient une grande douleur s’ils essayaient.
Tel est le cas pour une grande partie de la dette du tiers monde. Une banque prête de l’argent à un dictateur du tiers monde avec « l’espoir » qu’il investira dans l’économie et enrichira tout le pays, tout en ayant toutes les raisons de soupçonner qu’il utilisera probablement cet argent pour s’enrichir, lui-même et ses amis. Cette dette devient alors une dette nationale.
Considérons que le dictateur est renversé. Lorsque la nation manque par la suite à sa dette, le peuple de la nation doit-il porter ce fardeau ? Ou la banque était-elle irresponsable en consentant le prêt ? C’est pour cette raison que Jean-Paul II a encouragé les banques à annuler la dette du tiers-monde. Il aurait probablement dû ajouter : « et ne plus jamais faire ça ! ».
Mais tournons cet œil critique vers nous-mêmes. Ceux d’entre nous qui sont impliqués dans des collèges et des universités encouragent-ils les étudiants à contracter des prêts importants que nous avons toutes les raisons de croire que beaucoup d’entre eux ne seront pas en mesure de rembourser ou auront de grandes difficultés à rembourser ? N’est-ce pas là l’essence de l’usure ?
Voici la défense évidente : ce n’est pas nous qui avons fait les prêts. Et nous ne recevons pas d’intérêts de leur part. Et en plus, ce sont des prêts à faible taux d’intérêt, que l’on peut difficilement appeler des taux « usuraires ».
Mais les collèges et les universités encouragent et même organisent les prêts, sans se soucier de la capacité de remboursement des étudiants, sans jamais se demander s’ils étaient vraiment prêts à assumer ce fardeau. Un banquier responsable conclurait-il une hypothèque pour une maison de 200 000 $ pour un garçon ordinaire de seize ou dix-sept ans ? Sinon, pourquoi les collèges et universités organisent-ils des prêts pour les jeunes de cet âge, parfois supérieurs à ce qu’ils paieraient pour une maison ?
Comme tout le monde sait que la dette de 1,5 milliard de dollars des prêts pour étudiants dépasse maintenant toutes les autres formes de dette privée dans le pays, avec des taux de défaut dépassant 10%, tandis que les coûts des facultés ont augmenté six fois plus rapidement que les dépenses médicales, les facultés et les universités peuvent-elles vraiment nier leur part dans le problème ?
Que diriez-vous d’un renflouement financier ou de frais de scolarité gratuits, deux offres maintenant sur la table ? C’est le langage de la démagogie. Pourquoi les gens qui n’ont pas fréquenté la faculté financeraient-ils l’école pour ceux qui l’ont fait ? Pourquoi ceux qui ne vont pas à l’université devraient-ils financer l’enseignement de ceux qui choisissent de le faire ?
Pourquoi les cols bleus à faible revenu devraient-ils aider à financer les frais de scolarité des enfants des familles de la classe moyenne et de la classe moyenne supérieure qui vont en faculté ?
Purification du Temple par Le Greco, v. 1600 [Collection Frick, New York]
« Nous l’obtiendrons des riches », disent les politiciens. Premièrement, « taxer les riches » n’arrive en fait jamais. Il y a trop d’échappatoires. Et deuxièmement, même si l’on réussit à « taxer les riches », cela se traduit généralement par moins d’investissements commerciaux, moins d’emplois et souvent des prix plus élevés. Et devinez qui est le plus touché par tout ça ?
Les travailleurs pauvres. Ils sont les plus durement touchés car, financièrement, ils vivent le plus près de l’os. Donc, tout manque d’emploi ou toute hausse des prix a tendance à leur faire le plus mal.
Et franchement, quelqu’un pense-t-il que les facultés et les universités profiteraient de la gratuité des frais de scolarité ou de la remise de prêts aux étudiants à grande échelle pour réduire leurs coûts sans cesse croissants ? Pourquoi le feraient-elles ?
Les universités vont-elles se mettre à être socialement responsables de la dette dont elles chargent leurs étudiants ? Je ne m’y attends pas de sitôt. Comme ceux d’entre nous qui enseignent la justice sociale dans les universités l’ont découvert à plusieurs reprises, la « justice sociale » est toujours quelque chose à utiliser contre d’autres personnes et jamais quelque chose que nous, dans le monde académique, appliquons à nous-mêmes et à nos propres pratiques. Il suffit de demander aux auxiliaires et aux professeurs non titulaires.
Certains pourraient appeler cela de l’hypocrisie. D’autres appellent simplement cela de bonnes affaires. Lorsque vous achetez un foulard Gucci sans valeur à un prix ahurissant, vous savez ce que vous faites. Vous achetez une marque. Si vous l’achetez avec un crédit à un taux d’intérêt de 21%, c’est votre droit. Lorsque vous payez 75 000 $ pour un enseignement qui vaut moins que celui que vos parents payaient il y a vingt ans à un quart de ce montant, vous ne « financez pas une éducation », vous achetez une marque de prestige.
Mais nous savons tous que si Gucci incluait des appels à la « justice sociale » et à « l’option préférentielle pour les pauvres » dans sa publicité, ce serait une posture. Gucci vend des articles hors de prix à des gens riches qui veulent montrer leur statut. S’ils devaient un jour parler de « justice sociale », ils ne feraient que prendre une pose.
Il en va de même pour les universités – en particulier les plus chères et les plus prestigieuses. Tous ceux qui discourent sur la justice sociale et l’option préférentielle pour les pauvres, pourraient prendre au sérieux toute cette rhétorique vide lorsqu’ils sont engagés dans l’exemple classique de la maltraitance des pauvres : le prêt d’argent à taux usuraire.
J’ai visité une petite institution catholique en Europe cet été, où ils avaient naguère dix administrateurs ; maintenant, ils en ont trois. « La communication est plus facile, a déclaré le doyen, et nous ne perdons plus autant de temps en réunion ». Frais de scolarité annuels : 6 000 euros (environ 6 600 $). Une institution d’élite et coûteuse aux États-Unis a récemment fait une enquête sur le nombre d’employés non enseignants dont le travail était de faire de la communication pour l’université. Réponse : plus de 200. Si cela vous semble comme General Motors dans les années 1970, surchargée de bureaucrates, en route vers le désastre et incapable d’innover vraiment (tout en parlant sans cesse d’innovation), alors vous n’êtes pas seul.
Dante a trouvé des usuriers dans le cercle des violents en enfer, à côté des assassins et des sodomites. Au lieu de la meule que Christ a promis à ceux qui « font trébucher l’un de ces petits », ils avaient des sacs d’argent attachés autour du cou sur lesquels était imprimé le symbole de leurs familles / maisons bancaires respectives. Une version moderne les remplacerait-elle par des logos universitaires ?
Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/08/21/are-colleges-and-universities-guilty-of-usury/
Randall B. Smith est le titulaire de la chaire de théologie de l’Université de St. Thomas à Houston. Son dernier livre, Reading the Sermons of Thomas Aquinas: A Beginner’s Guide (« Lecture des sermons de Thomas d’Aquin : un guide pour débutants »), est maintenant disponible chez Amazon et aux Presses Académiques Emmaüs.
Pour aller plus loin :
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- INFLATION, DEVALUATION, JUSTICE ET INJUSTICE
- EXHORTATION APOSTOLIQUE POST-SYNODALE « AFRICAE MUNUS » DU PAPE BENOÎT XVI
- SYRIE : ENTRE CONFLITS ARMES ET DIALOGUE INTERNE
- Liste des ouvriers pastoraux, Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laics tués en 2011 et 2010