La famille Muard est rude, mais dénuée de toute méchanceté à l’encontre de son garçon aux dispositions si éloignées de ses préoccupations quotidiennes. Ainsi, en dépit de ses réserves, elle ne s’opposera finalement pas à voir son fils s’orienter vers le sacerdoce comme l’y invite l’abbé Rolley, le curé de Pacy-sur-Armençon, desservant de la paroisse de Vireaux. Il prend l’enfant sous son aile durant cinq ans à partir de 1820. C’est à son contact que Jean-Baptiste Muard va formaliser le désir missionnaire qui l’habite, nourri par des lectures comme celle des Annales de la Propagation de la foi. Cette ardeur obéit à une double logique : faire descendre le Salut vers le plus d’âmes possible et faire monter toujours plus d’amour vers Dieu. « Mon âme ne peut suffire à aimer le bon Dieu, j’ai besoin qu’on L’aime pour moi », écrira-t-il plus tard. Dès lors, rejoindre les Missions étrangères de Paris et mourir martyrisé en Chine lui semble le plus enviable des destins.
Petit séminaire d’Auxerre. Grand séminaire de Sens. Jean-Baptiste Muard reçoit l’ordination sacerdotale le 24 mai 1834. « Il croyait être appelé aux missions chez les idolâtres, et il espérait y conquérir la couronne de sang. Dieu le réservait à une autre œuvre et à une autre couronne », écrira le journaliste Louis Veuillot à son sujet. De fait, son évêque le nomme curé de Joux-la-Ville, au nord d’Avallon. Alors que la fièvre anticléricale a connu une nouvelle poussée avec la Révolution de 1830, que le clergé local est divisé et parfois insubordonné, que les églises demeurent délaissées, le Père Muard sent que c’est à l’échelle diocésaine que sa soif missionnaire pourrait trouver à s’étancher.
Abandonner les horizons extrême-orientaux est certes mortifiant, mais l’exemple de saint Jean-François Régis (1597-1640), le « marcheur de Dieu » qui avait rechristianisé Velay et Vivarais après les guerres de Religion, ne cesse d’agiter le jeune prêtre qui avait accompli un pèlerinage sur sa tombe. Que doit-il faire ? Le 13 décembre 1839, alors qu’il prie dans sa stalle de l’église Saint-Martin d’Avallon, dont il est devenu le curé quelques mois auparavant, tout s’éclaircit : « Je priais et je me plaignais à Dieu de ne pas me faire connaître sa volonté au sujet des missions diocésaines. Il me sembla qu’à trois ou quatre reprises, il me disait : “Je veux que vous soyez saint”. » Demandant au Christ quelles garanties de la réussite de ce projet, Jésus lui répond : « Mon Cœur ».
Retrouvez l’intégralité de l’article dans le magazine.
Pour aller plus loin :
- Liste des ouvriers pastoraux, Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laics tués en 2011 et 2010
- La paternité-maternité spirituelle en vie monastique est-elle menacée en Occident ?
- « Un curé est marié à sa paroisse »
- Quand le virtuel se rebelle contre le réel, l’irrationnel détruit l’humanité
- La France et le cœur de Jésus et Marie