De nos jours, les catholiques sont pris entre deux attitudes compréhensibles mais tout autant incomplètes à propos de la crise des abus sexuels. Du côté le plus ”avancé” Massimo Faggioli a récemment déclaré à raison qu’à une époque de grave corruption au sein de l’Église nous devons résister à la tentation d’”iconoclasmie institutionnelle”, tournure qui fait dire à certains : « c’est juste bon à mettre au feu. » Aucun catholique sérieux ne peut soutenir une telle idée.
Du côté plus ”conservateur” Mgr. Robert Barron soutient à peu-près la même idée dans sa ”Lettre à une Église souffrante”: un Évêque s’exprime sur la crise des abus sexuels devant l’incapacité à envisager quelque changement institutionnel. Là non plus les catholiques ne doivent soutenir des idées de réformes importantes et durables.
L’essentiel, chez Faggioli comme chez Barron, comme l’exprime Faggioli, se trouve dans ”la conservation des institutions qui nous sauvegardent”. Par ailleurs, les institutions auraient besoin d’évoluer. Mais quelles institutions, et quels changements ? Et qu’adviendra-t-il, même après des bouleversements, si les changements des institutions n’ont pas les effets escomptés sur notre époque? Reste-il au sein de l’Église de la place pour réhabiliter des institutions tombées en désuétude pour telle ou telle raison ?
Des orientations ont été données à l’Église selon S.S. François par la ”synodalité” lancée, mais incomplète et sottement caricaturée. Ce qui ne signifie nullement l’approbation des bruyantes discussions des Évêques dans les salons du Vatican sur divers sujets. Comme je l’ai déjà soutenu, il ne s’agit pas d’un véritable synode au sens propre. Il n’y en a guère actuellement dans la vie de l’Église Catholique même si on assiste à présent à une lente mais inexorable montée d’une gouvernance synodale, remarquablement soulignée dans un document peu répandu de la Commission Théologique, intitulé ”La synodalité dans la vie et la mission de l’Église à présent”
Mais malgré sa richesse, ce document reste abstrait. Car à chaque fois que le Pape dit “synodalité“ — ce qui déclenche une anxiété dans certains milieux — on ne voit guère quelle sorte d’institutionnalisation serait nécessaire pour le bien de l’Église. Il faut d’urgence des éclaircissements avant que ce terme soit piraté et traduit par ceux qui emploient le terme “synodalité“ pour camoufler les restes du Catholicisme des années 1960.
Disons-le crûment, on n’a pas besoin à présent d’entendre parler de “synodalité“ ni de lire des documents à ce sujet. Il nous faut des synodes. Il nous faut des synodes parfaitement organisés, dotés de pouvoirs, des synodes diocésains, régionaux, et même paroissiaux — disons, si vous préférez, des “conseils“. C’est le genre d’organismes qu’il nous faut pour prendre le chemin de sérieuses réformes.
Dans mon livre Everything Hidden Shall Be Revealed: Ridding the Church of Abuses of Sex and Power, [Tout ce qui est caché sera révélé. Débarrasser l’Église des abus de sexe et de pouvoir] je soutiens que les réformes dont l’Église a besoin à présent ne relèvent pas de l’iconoclasme en ce qui concerne les institutions. Mais qu’une sorte de solution spirituelle (priez et jeunez davantage) sera inefficace car l’Église du Christ a double nature. Il nous faut considérer la “nature“ humaine-pratique-institutionnelle de l’Église car comme le Christ l’Église a deux natures. Il nous faut adhérer à la “nature“ humaine, concrète, institutionnelle de l’Église tout comme à sa nature extra-corporelle, spirituelle, et divine.
Nous devons donc, bien sûr, prier et jeûner à la recherche de nouvelles institutions responsables pour nous guider vers l’issue de la crise et bloquer les échappatoires dont papes, évêques et prêtres ont usé pour camoufler le mal.
L’absence d’institutions contraignant les évêques à rendre des comptes leur a permis de se comporter en monarques absolus depuis des décennies, camouflant leurs abus — sexe, argent, pouvoir — tournicotant sans rien dire à personne, dépensant des sommes considérables de l’argent des fidèles pour résoudre des affaires d’abus, acheter des fleurs, des boissons ou des petits amis. Il faut que cela cesse, les synodes diocésains et régionaux (échos des conseils paroissiaux) ont un rôle majeur mais négligé dans la tradition Catholique. Pour éviter le renouvellement de tels abus il nous faut de véritables conseils paroissiaux et des synodes diocésains analogues à la gouvernance des Églises Apostoliques orientales.
Il faudrait que des conciles paroissiaux dotés de pouvoirs puissent travailler avec les pasteurs pour élaborer les budgets annuels et approuver les dépenses, mettant l’arrêt aux folles dépenses telles que celles révélées récemment en Californie.
Les conseils paroissiaux, coopérant avec leurs Évêques, seraient consultés avant les mutations et nouvelles installations de prêtres. Les Évêques devraient donner les motifs de telles mutations, évitant ainsi toute dissimulation.
Dans le même esprit, les synodes diocésains discuteraient et informeraient les représentants des paroisses sur les questions et analyses de budget annuel. Un synode annuel contraint un Évêque à rendre des comptes et permet au diocèse de poser des questions sans porter atteinte à l’autorité apostolique légitime, sans toucher par des votes aux questions de doctrine.
Des synodes bien compris ne sont nullement l’occasion pour tel ou telle de dire aux prêtres ou à l’Évêque comment faire le catéchisme, pratiquer le baptême ou donner l’absolution. Ce ne sont pas des pièges tendus contre la structure ”Épiscopat-Papauté” pour la remplacer par une structure congrégationniste ou presbytérienne. Convenablement installés et protégés, ils ne pourront être employés par des votes qui altéreraient la divine vérité Catholique transmise par les Apôtres.
Pour moi, ils sont une expression d’amour. L’amour de l’Église à notre époque, c’est l’amour pour ses institutions, telles la papauté et l’épiscopat, mais aussi les aimer avec un esprit vigoureux, non pas sentimental, en attendant pour leur bien comme pour le nôtre, des actes que nous n’avons pas encore vus.
18 Août 2019
Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/08/18/recovering-and-recreating-the-institutions-we-need/
Le miracle du Feu Sacré. Église du Saint Sépulcre. William Holman Hunt, (1899). Musée Fogg, Harvard, Cambridge, Ma.
Pour aller plus loin :
- Discours final du Pape – Sommet sur la protection des mineurs
- LE MINISTERE DE MGR GHIKA EN ROUMANIE (1940 – 1954)
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- LA « MODERNITÉ » : UN CENTENAIRE OUBLIÉ