Une affaire de Cour Suprême. - France Catholique
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« Ô Marie conçue sans péché »
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Une affaire de Cour Suprême.

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En 2014 un groupe d’athées s’est trouvé offensé à la vue d’une Croix dans le domaine public de l’État de Maryland et a sollicité d’une Cour Fédérale l’ordre de sa destruction. Voici deux semaines [20 juin 2019], par décision « Association Américaine Humaniste contre American Legion » la Cour Suprême a rejeté cette requête, rappelant ainsi aux Américains la pierre angulaire fondatrice du « Vivre Ensemble » établie en 1791 par le Premier Amendement à la Constitution.

La Croix de la Paix, haute de douze mètres, a été érigée en 1925 au bord de la route à Bladensburg, Maryland, à la mémoire des soldats tombés lors de la Première Guerre Mondiale. Les membres de l’Association Humaniste d’Amérique soutenaient que la présence d’une croix sur le territoire national violait la Clause d’Installation promulguée par le Premier Amendement. Les plaignants s’appuyaient sur la sentence de la Cour (1971, affaire Lemon contre Kurtzman) où un témoin « offusqué »entamait des poursuites contre un soutien du gouvernement à une religion.

Par sa sentence du 20 juin la Cour expliquait qu’en dépit de son symbolisme typiquement religieux la présence de la Croix de la Paix dans le domaine public ne signifiait nullement une position Chrétienne, mais apportait une lumière au contexte historique à la mémoire des vétérans de toutes religions. Et elle apportait un éclairage sur le Libre Exercice d’Établissement prévu par le Premier Amendement : « développer une société où les gens de toutes croyances peuvent vivre ensemble en harmonie ». Et la Cour de conclure : « La présence de la Croix de Bladensburg où elle se trouve depuis tant d’années est parfaitement cohérente avec cette vision ».

L’Équipe de l’Institut de liberté religieuse d’Islam, dont j’assure la direction, a soutenu cette même thèse dans un mémoire remis à la Cour à l’occasion de cette affaire. Nous expliquions que dans une société de diverses religions telle qu’aux États-Unis le gouvernement dispose de trois attitudes vis-à-vis de la religion : il peut soutenir une religion et interdire les autres, il peut bannir toutes les religions du domaine public, ou bien il peut traiter toutes les religions avec une « neutralité bienveillante », ce qui permet d’accepter, respecter et soutenir les croyances religieuses des citoyens sans employer de contrainte pour les inciter à adopter telle ou telle croyance religieuse.

C’était selon nous conforme aux idées des Pères Fondateurs et la Croix de la Paix de Bladensburg respectait cet esprit. La demande par les athées de démolition de ce monument pour apaiser leur sensibilité choquée révèle un manque de tolérance et de respect envers les tenants de diverses croyances et le sentiment qu’un pluralisme apaisé ne sera possible qu’après la disparition de tels comportements dans le domaine public. La Cour Suprême a rejeté leur requête :

Un régime parcourant le pays pour y détruire les monuments porteurs de symboles religieux et éradiquer toute référence au divin choquera de nombreux citoyens par son hostilité agressive envers la religion. Des régimes officiellement séculiers ont naguère mené de tels saccages et, pour les amateurs d’Histoire, les images de monuments ravagés ne peuvent qu’évoquer une telle horreur.

La Cour a cité un tel régime « doctrinaire du sécularisme », la France de la Révolution, dont l’acharnement contre l’Église Catholique est la racine de la doctrine de laïcité. Le régime peut bien s’être adouci, mais il ne peut renier ses origines.

La Croix de la Paix de Bladensburg aurait été abattue au nom de l’Article 28 de la Loi Française de séparation de l’Église et de l’État, qui prévoit « qu’aucun signe ou emblème religieux ne sera érigé sur des monuments publics ni en quelque emplacement public, quel qu’il soit ». En 1989, un avis émis par le plus haut tribunal administratif de France a soutenu l’interdiction du voile islamique dans les écoles car il heurte la dignité ou la liberté de tous les autres membres de la communauté de l’Enseignement. Une Loi de 2004 interdit aux élèves et étudiants de toutes religions le port de symboles religieux « affichant manifestement un attachement à une religion ».

En France, la laïcité prétend être neutre vis-à-vis des religions, mais ne l’est guère. Selon Éric Vœgelin, la Révolution était hostile au Christianisme et tendait à établir un système Césaro-papiste d’une religion non Chrétienne. De plus, cette tendance n’a pas pris naissance lors de la Révolution, mais pré-existait dans les œuvres des philosophes précédant 1789. Le rejet des symboles religieux en public ne résulte pas de neutralité à l’égard de la religion mais de l’idée que les pensées religieuses sont empreintes d’erreurs et méritent d’être éradiquées.

La position en Amérique n’est pas plus neutre en ce qui concerne la religion. Elle débute « au Nom de Dieu » dans la Déclaration du Mayflower de 1610, et poursuit en déclarant en 1776 que le peuple tient ses droits du Créateur. « Nous sommes un peuple religieux », proclame la Cour Suprême en 1950, « et nos institutions présupposent l’existence d’un « Être Suprême ». Le principe en Amérique donne aux gens la pleine liberté de religion, non par neutralité envers la religion, bonne ou vraie, mais parce que « la religion peut être inspirée par raison et conviction, non pas par force et contrainte ».

La Cour a réaffirmé ce principe constitutionnel fondamental dans son arrêt Humanisme Américain. Tous les citoyens sont égaux en tant qu’Américains, qu’ils aient ou non une religion. Mais elle a refusé d’aller contre l’ordre constitutionnel requis par la plainte des athées dans cette affaire de liberté face à une contrainte dite religieuse — et il nos faut lui en être reconnaissants.

2 juillet 2019.

Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/07/02/the-supreme-courts-tale-of-two-cities/

Illustration : Une règle d’or – Norman Rockwell, 1961