Le bienheureux John Henry Newman a remarquablement réussi dans de nombreux domaines, mais sa propre Université Catholique d’Irlande a échouée en peu de temps. Cependant Newman ne manque pas d’enfants remarquables. Je désire partager quelques réflexions en particulier sur l’héritage de John Senior. Senior est atypique dans la mesure où il a tiré sa pédagogie de Newman mais non pas de son « Idea of a University », mais de sa « Grammar of Assent ».
John Senior n’est pas très connu aujourd’hui en dehors de certains cercles, mais il a eu un brillant début de carrière à l’académie, rédigeant une dissertation dans les années 1950, sous l’égide de Mark Van Doren à Columbia, acquérant un premier poste d’enseignant à Cornell, publiant un premier livre prometteur dans la presse universitaire, et servant d’éditeur pour des revues de premier plan.
Mais il n’était pas heureux. A Cornell, en lisant Thomas d’Aquin et Newman, il s’est converti au Catholicisme, et abandonna les lauriers pour enseigner et travailler dans un ranch à Laramie, Wyoming. Le choix d’un mauvais président à cette université fut la cause de son départ pour l’université du Kansas, où, avec l’aide d’une dotation nationale pour les sciences humaines, il fonda, dans les années 1970, le « Integrated Humanities Program » (IHP) avec Dennis Quinn et Frank Nelick pour collègues.
Le IHP est fameux dans les cercles catholiques parce que durant sa courte activité (environ 5 ans de 1972 à 1977) plus de deux cent étudiants se sont convertis, ou sont revenus au Catholicisme, et beaucoup d’entre eux sont devenus ultérieurement moines, prêtres, abbés, et évêques. Nous prenons ceci comme un signe que Senior faisait quelque chose de bien, et non parce que le but du collège est la conversion. Le portail de Harvard Yard dit « Entrez pour grandir en sagesse », et nous pensons que la vérité catholique a quelque chose à voir avec la sagesse.
Le IHP avait pour objectif de bien éduquer, et non de convertir, et tous ses textes étaient tirés des « Grands Livres » et de la grande littérature. Un étudiant dans ce programme participait – deux fois par semaine, avec ses pairs, à une conversation de groupe dirigée par les trois professeurs – Une fois par semaine, dans un petit groupe d’environ une dizaine, à une intensive session d’écriture, mené par un étudiant diplômé – et une fois par semaine, également dans un petit groupe, à une session d’entraînement menée par des étudiants plus âgés, pour mémoriser les noms, les dates et les faits.
La plupart des étudiants prirent un cours optionnel en Latin, enseigné par Senior dans la méthode « active » ou dans la méthode « parlée », deux fois par semaine. Chaque semestre les étudiants devaient mémoriser dix grands poèmes. Il y avait chaque semaine des sessions d’observation d’étoiles ; de valse en costume de soirée et aussi des voyages en Irlande et à Rome. Les étudiants étaient encouragés à maîtriser l’art de la calligraphie en tant qu’art de beauté facilement accessible.
Ce détail au sujet de la calligraphie me fascinait. Au collège, le grand sociologue David Riesman m’avait dit qu’il avait plaidé, sans succès, que Harvard aussi institut une exigence de premier cycle d’apprendre la calligraphie, précisément suivant le raisonnement de John Senior. Il était consterné que le collège n’accordait aucun crédit à l’apprentissage de la musique et des autres arts, mais seulement cours de théorie. Avait-il tiré son idée de John Senior ?
Apparemment soucieuse par les conversions apparentes, combinées avec le caractère non technique des études, l’Université du Kansas commença à étrangler le IHP en tenant plus compte de ses cours pour les crédits accordés au secteur de l’éducation libérale. Et ensuite ils le supprimèrent, en les réduisant à un seul cours de sciences humaines, au prétexte que le programme qui était engagé dans « le plaidoyer », et pas l’enseignement. Dans son récent livre sur Senior et le IHP, « John Senior et la restauration du réalisme » le Père Francis Bethel, O.S.B., un de ses élèves, attribue les actions de l’université au relativisme qui régnait et qui règne encore comme étant la philosophie non officielle de l’université moderne. On peut suspecter que les petites jalousies et les batailles au raz du sol des politiques académiques ont joué un rôle égal.
Senior publia deux courtes euvres sur l’éducation, « la mort de la culture chrétienne », et « la restauration de la culture chrétienne ». Il est temps de les relire de nouveau. Elles semblaient un peu étranges et presque incroyables quand elles furent publiés initialement ; Maintenant elles paraissent presque évidentes et trop familières.
En résonnance à d’autres grands avertissements au du déclin et de la disparition de la civilisation occidentale – « L’homme contre la société de masse » de Gabriel Marcel semble en être le cousin le plus proche -et bien avant MacIntrye et Dreher, Senior argumente que notre meilleure option est de revenir à l’exemple de St Benoit. S’il a fallu 700 ans pour que le sol de la communauté du Mont Cassin fasse émerger un St Thomas d’Aquin, nous devrions comprendre que notre nécessaire projet de reconstruction, nous dit-il, implique un laps de temps similaire.
Mais il n’y a t-il pas quelque chose que les Catholiques peuvent faire entretemps ? oui, Senior le dit, soignez la culture du foyer. Son idée maîtresse en éducation, sa principale avancée au-dessus de tous, est sa perspicacité que les étudiants qui arrivent au collège, étant passé à travers des sortes d’usines éducatives (l’école moderne), inévitablement conditionnés par la société technologique, seront plutôt lésés que bien formés par des études immédiatement spécialisées.
Ils arrivent aliénés de la nature. Ils ont besoin d’espace et de liberté, simplement pour découvrir de façon non structurée, et s’étonner, ce qui est réel. En fait ils n’ont jamais été des enfants. Leur sensibilité et imagination devrait être informées avant qu’ils entreprennent une éducation supérieure qui forme seulement l’intellect.
Il parle ainsi aux pères et aux mères :
Pour conclure, pas tellement avec une preuve de quoique ce se soit, mais comme une exhortation à l’expérimenter : « Lisez, de préférence à voix haute, les bons livres anglais depuis Ma Mère l’Oie jusqu’aux œuvres de Jane Austen. Il n’y a vraiment pas besoin de liste de lecture ; le plus sûr signe d’un classique c’est que tout le monde connaît son nom. Et chantez quelques chants du trésor mélodieux autour du piano chaque soir. La musique est réellement la nourriture de l’amour, et la musique dans son sens le plus large est un signe spécifique des races humaines civilisées. Imbibés dans le réceptacle ordinaire de l’imaginaire chrétien, nous avons appris à écouter ce langage par absorption, ce mystérieux langage parlé par l’époux ; et nous commençons à l’aimer comme lui-même nous aime.
Newman aurait reconnu là un esprit profondément similaire à ses convictions.
Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/09/03/newmans-children-john-senior/
Michael Pakaluk, un érudit d’Aristote et Ordinarius de l’Académie Pontifical de Saint Thomas d’Aquin, enseigne à la Bush School of Business and Economy à la Catholic University of America. Il réside à Hyattsville, MD, avec son épouse Catherine, qui enseigne aussi à la Bush School, et avec leurs huit enfants. Son récent livre sur l’Évangile de St Marc, « The Memoirs of St Peter » est sorti chez Regnery Gateway.