Dans l’avion qui le ramenait de l’Île Maurice à Rome, le Pape s’est longuement exprimé, comme il en a l’habitude, devant les journalistes qui l’accompagnaient. Et pour la première fois, il n’a pas hésité à parler explicitement des divisions dans l’Église, divisions qui l’affectent personnellement parce qu’il se trouve en butte à des attaques personnelles. Certaines viennent des États-Unis, comme le rapporte dans un livre récent Nicolas Senèze, correspondant de La Croix au Vatican1. François a même dit à propos de ce livre qu’il s’agissait d’une « bombe ». On reconnaît bien là le langage direct de ce Pape, qui n’hésite pas à dire les choses avec la plus grande franchise. Mais il a encore été plus loin, en invoquant la perspective d’un schisme. Un schisme, on ne prononce pas pareil mot à la légère. Il appartient de longue date à la tradition chrétienne. François a d’ailleurs fait un rappel de cette tradition, en revenant sur des événements marquants de l’histoire du christianisme des premiers siècles. Et il fallait certaines connaissances théologiques pour pouvoir le suivre.
Pape François : « Je ne crains pas les schismes » Dans l’avion qui le ramenait de Madagascar, le pape François a précisé ses déclarations à @LaCroix sur les critiques que lui adressent certains catholiques des États-Unis, soulignant ne pas craindre de schisme. pic.twitter.com/2GXau6zuXe
— La Croix à Rome (@LaCroixRome) September 10, 2019
On s’interrogera sans doute longtemps sur une de ses formules : « Je prie pour qu’il n’y ait pas de schisme, mais je n’ai pas peur. » Certes, le successeur de Pierre n’est-il pas celui dont l’autorité est fondée sur l’assurance donnée par le Christ qu’il ne saurait défaillir dans la foi ? Mais tout de même, on s’interroge. La menace est-elle si grave ? J’ai eu la curiosité de consulter saint Irénée de Lyon qui, dans sa somme Contre les hérésies, fustige précisément les fauteurs de schismes. Ils sont dit-il « vides de l’amour de Dieu et visent à leur propre avantage, non à l’unité de l’Église. Pour les motifs les plus futiles, ils déchirent et divisent le grand et glorieux corps du Christ et, autant qu’il est en leur pouvoir, lui donnent la mort. Ils parlent de paix et font la guerre, et en toute vérité filtrent le moucheron et avalent le chameau, car il ne peut venir d’eux aucune réforme dont l’ampleur égale celle des dommages causés par le schisme ».
D’Irénée au second siècle de notre ère à François, c’est toujours la même hantise de l’unité du corps du Christ. Et l’on ne peut que souhaiter que le schisme, la déchirure, n’intervienne pas. François se dit d’ailleurs soucieux de dialogue pour s’expliquer loyalement avec ceux qui s’opposent à lui. Alors posons franchement les questions, semble-t-il proposer à ses contradicteurs, et confrontons-nous à la règle de la foi qui doit impérativement nous réunir.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 12 septembre 2019.