Un des éléments importants du soi-disant compromis de 1850, tentative de dernière minute d’éviter la guerre civile menaçante, a été la loi sur les esclaves en fuite, que réclamaient les Etats du nord, même ceux qui étaient les plus anti-esclavagistes, pour capturer les esclaves en fuite et les rendre à leurs propriétaires.
Le Massachussets fut, bien sûr un de ces Etats, et quand son fameux sénateur, Daniel Webster, a soutenu cette loi dans un effort désespéré de sauver son Union bien-aimée, beaucoup de ses concitoyens les plus distingués (par ex. Ralph Waldo Emerson : voir sa conférence sur la loi sur les esclaves en fuite) ont retiré l’admiration qu’ils avaient jusque-là portée à ce grand homme.
Est-ce que la loi sur les esclaves en fuite a abouti à la capture et au retour de nombreux esclaves en fuite qui autrement auraient trouvé leur chemin vers une vie de liberté ? Probablement pas. Car en dépit de la loi, les esclaves ont continué à s’enfuir, les filières clandestines ont continué à fonctionner, et les nordistes défavorables à l’esclavage ont continué à être réticents à dénoncer les fugitifs à la police.
Alors, quel était donc le but de la loi sur les esclaves en fuite ? C’était de mettre le nez des anti-esclavagistes dans l’esclavage. « Vous pensez que c’est méchant ? Vous pensez que nous sommes de grands pécheurs pour avoir maintenu ceci, notre institution particulière ? Eh bien, nous allons vous montrer. Par cette loi sur les esclaves en fuite, nous allons vous faire coopérer à notre système. Nous allons vous obliger à nous aider à maintenir l’esclavage. Si nous sommes coupables, nous allons vous faire partager notre culpabilité. »
Qu’est-ce que cela vous rappelle ? En tous cas, qu’est-ce que cela me rappelle ?
Cela me rappelle la position politique qu’ont prise maintenant pratiquement tous les démocrates sur la scène nationale – La position politique prise actuellement, par exemple par ce fameux homme politique catholique, Joe Biden. En d’autres termes, cela me rappelle leur position sur le fait qu’il faut se débarrasser de l’Amendement Hyde, et que le gouvernement fédéral doit rembourser les avortements. Ce qui veut dire, bien sûr, que les contribuables devront payer pour les avortements, même les contribuables (moi, par exemple) qui croient que l’avortement est un homicide injustifiable.
Est-ce que cela va augmenter considérablement le nombre des avortements, si nous les rendons gratuits pour les femmes qui veulent tuer leurs enfants à naître ? Probablement pas. Alors, pourquoi se débarrasser de l’amendement Hyde ? Le but est de nous mettre le nez dans l’avortement. Le but est de faire de nous tous, même de ceux d’entre nous qui sont le plus « anti-avortement » des collaborateurs de la grande machine à avorter. « Vous n’aimez pas l’avortement ? Vous pensez que c’est mal ? Vous pensez que nous sommes de grands pécheurs puisque nous maintenons cette splendide institution ? Eh bien vous allez voir. En se débarrassant de l’amendement Hyde nous allons faire de vous des coopérateurs de notre système. Nous allons vous obliger à nous assister dans le maintien de l’avortement. Si nous sommes coupables, nous vous ferons partager notre culpabilité. »
Les gens qui sont pro-avortement prétendent être de grands partisans de la liberté de choix – de même que les pro-esclavagistes se prétendaient grands partisans des droits nationaux. Mais en fait, les pro-esclavagistes n’étaient pas de vrais partisans des droits nationaux. En effet, ils ne croyaient pas que le Massachussets (par exemple) avait le droit de rejeter l’esclavage. Ils croyaient que leur Etat avait le droit de choisir l’esclavage, mais ils ne croyaient pas que le Massachussets (par exemple) avait le droit de le rejeter.
Ils ne croyaient pas que le Massachussets avait le droit de décréter qu’un esclave qui mettait le pied sur le sol du Massachussets devenait automatiquement un homme ou une femme libre.
Quelques années plus tard, (1857) La cour suprême U.S. ratifiait cette vision des choses par son jugement Dred Scott, et Abraham Lincoln (avec d’autres qui avaient l’esprit aussi clair que lui) avait compris que cela impliquait que non seulement le Congrès ne pourrait pas bannir l’esclavage des territoires, mais que tôt ou tard, les gouvernements d’états ne pourraient pas le bannir non plus de leurs états.
Exactement de la même manière que les sudistes n’étaient pas franchement partisans des droits nationaux, de même, les démocrates pro-avortements (et d’autres) ne sont pas honnêtement partisans du libre choix. Car s’ils l’étaient, ils seraient d’accord avec notre choix de ne pas payer pour l’avortement. Ils seraient d’accord pour que nous ayons le choix de ne pas devenir collaborateurs d’homicides.
Supposons que vous soyez dans une situation dans laquelle vous faites quelque chose que tout au fond de vous, vous savez être mal ; mais vous ne voulez pas le reconnaître ; au contraire, vous voulez vous persuader que votre méchanceté est vertueuse. Dans une telle situation, votre conscience sera considérablement soulagée si vous découvrez que tout le monde autour de vous croit que le mal est bien.
Il en était ainsi des propriétaires d’esclaves sudistes. Les propriétaires d’esclaves étaient confortés par le fait que tous les « gens bien » de leur société étaient propriétaires d’esclaves. Mais ce n’était pas assez. Aussi ont-ils travaillé dur pour convaincre les blancs sudistes qui n’avaient pas d’esclaves que l’esclavage était une belle institution ; et ils ont bien réussi dans cet effort de persuasion comme cela a été démontré à l’arrivée de la guerre civile quand les pauvres blancs et ceux qui « étaient presque pauvres » ont été prêts à se battre et à mourir pour protéger « l’institution spéciale » du sud. La persuasion a réussi même parmi de nombreux esclaves.
Mais dans le nord, il est resté des millions et des millions d’Américains qui n’étaient pas convaincus – certains d’entre eux abolitionnistes, beaucoup d’autres anti-esclavagistes de sentiment, sans aller aussi loin que l’abolitionnisme.
Tant que ces gens dénonçaient l’esclavage comme méchant (et leurs voix de dénonciation devenaient de plus en plus fortes chaque année) les consciences des propriétaires d’esclaves ne pouvaient pas demeurer totalement muettes. Qu’est-ce qu’on pouvait y faire ? Obliger ces anti-esclavagistes à coopérer pour rattraper les esclaves en fuite. (Loi sur les esclaves en fuite). Mieux encore, les obliger à tolérer la présence d’esclaves au milieu d’eux (le jugement Dred Scott). Leur faire partager leur culpabilité.
Il en est de même des gens pro-avortement. Ils ont besoin de nous faire taire pour faire taire leur propre conscience.
Ils peuvent y arriver en nous faisant partager leur culpabilité. Comment ? En nous faisant payer pour leurs avortements. Si nous payons tranquillement, si nous faisons peu ou pas du tout d’histoires à ce sujet, nous serons devenus membres de la grande machine à avorter. Les consciences des pro-avortement pourront dormir en paix.
Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/07/12/catching-runaway-unborn-babies/
Tableau : « La chevauchée pour la liberté, les esclaves fugitifs », par Eastman Johnson, c. 1862