« Ceci n’est pas une pipe ». Difficile de ne pas penser, en lisant les propos de l’éminent franc-maçon, à la légende du célèbre tableau de René Magritte représentant, précisément… une pipe. Considérant la cathédrale Notre-Dame, le grand maître du G.O.F. estime en effet qu’il ne s’agit pas d’un lieu de culte, mais d’ « un lieu de culture », comme le rapporte Jean-Dominique Merchet dans L’Opinion du 17 juin. C’est à cette condition d’ailleurs, que les frères de la rue Cadet se sont mobilisés pour recueillir des fonds pour la reconstruction de l’édifice, dans un « geste de solidarité républicaine ».
Ces propos n’ont pas manqué de susciter de vives réactions, courroucées ou narquoises. Karine Dalle, directrice de la communication du diocèse de Paris n’a pas manqué de répliquer sèchement. « L’Église est affectataire de @notredamedeparis, qui est et restera un lieu de culte, de foi, un lieu d’accueil, de générosité, de gratuité. Tout sauf ce qu’est la franc-maçonnerie », a-t-elle écrit sur Twitter. Pour le directeur de la rédaction de La Vie, Jean-Pierre Denis, bien plus ironique, ces paroles seraient « un effet de l’âge » ou de la « cataracte ». « Le Grand Orient a vraiment la vue que baisse », ironise-t-il sur le même réseau social.
Le Grand Orient est à l’ouest. https://t.co/GCv7d4aPdd
— diane de fortanier (@diradefo) 18 juin 2019
Le 16 avril, pourtant, au lendemain de l’incendie qui a ravagé la cathédrale, le Grand Orient de France consentait encore à reconnaître une dimension religieuse à l’édifice. « C’est une épreuve pour les chrétiens. Un grand malheur pour l’humanité », avait fait savoir l’obédience dans un communiqué, avant de promouvoir une vision syncrétique de ce « symbole national » : « Aujourd’hui, Celui qui croyait au ciel et Celui qui n’y croyait pas, partagent la même émotion et se retrouvent dans le même recueillement, qui est universel », soulignait dans ce même communiqué l’obédience de la rue Cadet, inspirée par Louis Aragon.
Une phraséologie bienveillante, qui réduit néanmoins la dimension catholique de Notre-Dame à un accident de l’histoire parmi d’autres. « Bien sûr, Notre-Dame accueille tout le monde, et la foi catholique l’anime. Mais elle n’appartient à personne ou bien seulement à tout le monde, comme les pyramides du plateau de Gizeh » avait ainsi écrit Jean-Luc Mélenchon sur son blog dès le 15 avril, dans une lettre dans laquelle une certaine élévation le dispute à l’ambiguïté. « Que le bâtiment soit un édifice religieux n’empêchera jamais qu’il soit l’incarnation de la victoire de nos anciens contre l’obscurantisme », notait aussi le leader de La France Insoumise, toujours membre du Grand Orient de France en dépit du trouble qu’il a pu y semer récemment.
Face à ces tentatives conscientes ou non de laïcisation de la cathédrale de Paris, l’archevêque de Paris, Mgr Michel Aupetit, n’a pas manqué de monter à plusieurs reprises au créneau pour rappeler que, contrairement aux affirmations du Grand Orient de France, Notre-Dame était et demeure un lieu de culte. Il l’a redit avec force dans l’homélie prononcée le 15 juin au cours de la première messe célébrée dans la cathédrale depuis l’incendie : « Peut-on vraiment par ignorance ou par idéologie séparer la culture et le culte (…). Je le dis avec force : une culture sans culte devient une inculture. Il n’est qu’à voir l’ignorance religieuse abyssale de nos contemporains en raison de l’exclusion de la notion divine et du Nom même de Dieu dans la sphère publique en invoquant une laïcité qui exclut toute dimension spirituelle visible. Comme tout édifice, la cathédrale comprend une pierre angulaire qui porte l’ensemble du bâtiment. Cette pierre angulaire, c’est le Christ ».