Certains hommes sont nés eunuques, certains le deviennent pour le royaume des cieux, et certains, pour le plus grand profit de l’industrie pharmaceutique et de chirurgiens sans scrupules, sont fait eunuques par des pères qui les ont abandonnés et par des mères qui, hélas, ne l’ont pas fait.
Le dernier castrat à avoir chanté professionnellement, Alessandro Moreschi, est mort en 1922. on ne sait pas s’il a été castré enfant pour préserver sa voix ou pour remédier à une hernie inguinale. Un médiocre enregistrement de ses chants subsiste. Sa voix était un soprano léger, pas la sorte de chose pour laquelle un partisan de la pratique aurait recommandé la mutilation. Peut-être qu’elle a été un jour plus forte et plus assurée. Nous n’en savons rien.
La voix du garçon approchant la puberté a une qualité particulière, propre à la configuration temporaire de son larynx et de sa cavité buccale. Elle produit une sonorité que les chefs de chœur ont chéri et qui a inspiré le talent de compositeurs tels que Palestrina, Allegri et Bach.
Pour conserver cette qualité, il arrivait qu’un garçon soprano accepte d’être castré. Quand les castrats faisaient fureur dans les cours et salles de concert de l’Europe des Lumières, un garçon talentueux dans une famille dépourvue de ressources pouvait être tenté de subir la mutilation pour subvenir à ses besoins et à ceux de ses parents.
Naturellement, cela l’aurait rendu bienvenu dans les chambres de dames de l’aristocratie, qui auraient joué avec lui comme avec un animal de compagnie, sans apporter la honte à leurs maris. C’est la raison du stratagème employé par le bien nommé Horner (celui qui fait porter des cornes) dans la pièce grivoise de Wycherley « The Country Wife » (en français : L’épouse campagnarde ou La provinciale), bien que dans ce cas la castration était sensée avoir été nécessitée par ce que les Anglais appelaient le mal français, à savoir la syphilis. Un eunuque pouvait également s’attirer les faveurs des sodomites.
C’était anti-naturel et barbare. Le pape Léon XII a condamné cette pratique quand il a été élu pape en 1878. Nous n’allions plus la revoir, Dieu merci.
A la place, nous voyons quelque chose de pire. Réfléchissons-y un peu.
Loin de moi l’idée de prononcer quelque disculpation en faveur des prêtres immondes dont les vices ont dégradé la vie de beaucoup d’enfants et de jeunes hommes et réduit à l’indigence plus d’une paroisse ou diocèse. Mais quand ces hommes mauvais ont eu fini de caresser les bijoux de famille, ils étaient au moins toujours attachés au corps du gamin. Il pouvait encore grandir et devenir un mari et un père.
Ce n’est pas le cas quand le garçon subit une « transition », c’est-à-dire quand il subit une chirurgie pour le faire ressembler à une fille qu’il n’est pas et ne pourra jamais être.
Le garçon qui décidait de subir une mutilation le faisait pour sécuriser quelque chose qui était bon en soi. Il est bon, et non mauvais, d’avoir une belle voix. Il est bon d’être soliste dans le Miserere d’Allegri. Il n’est pas bon de mutiler le corps pour cela. Il est bon, et non mauvais, de pourvoir aux besoins de votre famille. Il n’est pas bon de mutiler le corps pour cela. Il est bon de louer Dieu. Il n’est pas bon d’exprimer votre louange d’une façon contraire à la nature comme l’est la mutilation.
Selon toute probabilité, le garçon savait ce qu’était la sexualité, plus clairement que nos enfants actuellement. Il aurait vu toute sa vie les animaux de basse-cour. Il aurait dormi à proximité d’autres enfants. Il aurait développé une attitude neutre envers les exigences gênantes de notre vie physique. Il aurait côtoyé des hommes effectuant un dur labeur physique, chaque jour, le genre de labeur que seuls les hommes peuvent effectuer.
Il ne rejetait pas son sexe. Il n’était pas saisi par la folie de croire qu’il était en réalité une fille. On ne lui avait pas enseigné à l’école que son sexe était responsable de tous les maux de la terre. Il n’aurait pas grandi dans un divorce, auprès d’une mère contaminée par des fantasmes féministes, ou dans un monde entièrement débarrassé du masculin. Il n’aurait pas été soumis à l’heure du conte des travestis. Il n’aurait pas regardé la pornographie à portée de clic. Il n’était pas sous l’emprise d’illusions. La mutilation lui assurerait réellement le bien visé.
Il ne subirait pas chirurgie après chirurgie. Son corps ne serait pas saturé de drogues dangereuses, incluant des bloqueurs de puberté et des hormones de croissance, probablement cancérigènes. Il ne serait pas condamné à une vie entière sous dépendance pharmaceutique. Ses os continueraient à grandir. Son corps serait plutôt frêle mais sinon il ressemblerait à un homme ordinaire et non à une erreur de la nature. On ne lui implanterait pas un substitut de vagin.
Il n’aurait pas fait partie de la campagne pour propager un ethos farouchement anti-chrétien, celui de notre révolution sexuelle. Comme je l’ai dit, il aurait pu être tenté par la sodomie, mais il n’aurait pas eu recours à l’opération précisément pour pouvoir s’engager dans des relations sexuelles non naturelles. Il n’était pas impliqué dans la destruction du langage. On aurait parlé de lui en disant « il » et il aurait flanqué son poing dans la figure de quiconque l’aurait appelé autrement.
Il ne créait pas un précédent pour d’autres violateurs de la signification de l’humain : je veux parler de ceux qui croient que nous devrions nous fabriquer nous-mêmes, via la manipulation génétique, l’utérus artificiel et autres ponts lancés entre l’homme et le robot ou la bête. Il ne créait pas un précédent pour les malades qui croient ne pas pouvoir être entiers tant qu’ils ne sont pas incomplets : je veux dire par là ceux qui ne peuvent pas supporter l’intégrité de leur corps, alors ils trouvent quelque part un mauvais docteur qui enlèvera un bras sain ou une jambe saine.
Il n’était pas le fer de lance de l’assujettissement des pensées, du discours et des actes des gens ordinaires et normaux à la surveillance d’un vaste état uniformisant et à sa complémentarité avec le divertissement de masse et l’endoctrinement de masse.
Aussi malade qu’il ait été de faire cela alors, il est bien plus malade de faire ce que nous faisons maintenant.
Anthony Esolen est conférencier, traducteur et écrivain. Il dirige le Centre pour la Restauration de la Culture Catholique à l’université de lettres et sciences sociales et humaines Thomas More.
Illustration : Alessandro Moreschi, le dernier castrat chanteur professionnel
Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/12/19/some-men-are-born-eunuchs/
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