Personne n’aime les longues escales dans les aéroports, mais parfois, ce sont des bénédictions. Un vol pour l’Afrique implique systématiquement de passer par une capitale européenne, où l’on arrive tôt le matin pour attraper un autre vol de nuit beaucoup plus tard le soir. Ce programme m’a donné de grandes opportunités, par exemple d’aller de Heathrow jusqu’à Londres et de passer la journée à la National Gallery.
Le Prado est probablement le musée des beaux-arts que je préfère. Je suis d’accord avec James Michener qui écrivait dans son livre Iberia : « Si je veux voir 8 peintures de premier plan, je vais à Venise. Si je veux en voir quatre-vingt, je vais au Prado. »
Mais le simple éventail des œuvres d’art de la National Gallery est stupéfiant. Les contempler, c’est réaliser que la colonne vertébrale de la civilisation occidentale est, bien sûr, religieuse, peu importe l’obstination avec laquelle ceci est dénié.
Je me suis attardé devant le « repas à Emmaüs » du Caravage, et le « Christ devant le Grand Prêtre » de Honthorst. Au premier plan et au centre de ce tableau, il y a une simple bougie qui projette sa lumière sur le drame de Dieu face à l’une de Ses créatures qui l’interroge. Un prédicateur dans toute son insolence, aurait du mal à transmettre de façon plus immédiate, que Dieu est venu racheter l’humanité.
Trouvant de telles pierres précieuses à Londres, on ne peut pas s’empêcher de s’interroger sur les innombrables trésors artistiques qui ont été détruits dans les églises lors de la Réforme.
Je ne peux pas dire que je sois très calé en art, et c’est une des raisons pour lesquelles je suis très reconnaissant à Elisabeth Lev pour son nouveau livre Comment l’art catholique a sauvé la foi : Le triomphe de la beauté et de la vérité dans l’art de la contre-réforme.
Comme le suggère ce titre, Lev organise le livre autour des domaines particuliers de l’abandon par le protestantisme de la doctrine éternelle catholique, et fournit un compte rendu captivant de la manière dont l’art s’est déployé comme instrument pour la renforcer. Les différences dans la doctrine ont de fortes conséquences dans les vies des individus et des nations entières, même si elles sont considérées comme marginales de nos jours.
De manière générale, Lev traite des sacrements, de l’intercession, et de la participation de l’homme au salut, comme l’ont dépeint des œuvres artistiques sur commande principalement entre 1570 et 1650. Cette entreprise provoquée par ce moment particulier de l’histoire, n’en est pas moins toujours pertinente. En effet, Lev écrit que les défis auxquels les catholiques ont fait face à l’époque ont « une ressemblance frappante » avec ceux auxquels ils font face de nos jours.
C’est le moins que l’on puisse dire. Notre époque est assaillie, non pas tant par les divergences à l’intérieur du Christianisme, qui sont considérées comme sans rapport avec les conforts et les maximes de la vie moderne, mais par une renonciation totale au christianisme. De plus, il semble que nous ne soyons pas plus réceptifs à la beauté que nous ne le sommes à la raison, c’est-à-dire que nous ne le sommes absolument pas.
Toutefois, il est vrai que la beauté peut encore convaincre en un instant, et nous absorbons les choses par les yeux ; Nous « préférons voir le film que lire le livre ». Bien que notre milieu culturel en fasse un sérieux défi, Lev a raison de dire que l’art a encore la capacité d’élever, d’éclairer et d’évangéliser.
Si les protestants de cette époque trouvaient que le sacrement de réconciliation n’était pas vraiment nécessaire, nos alchimistes actuels n’ont pas seulement renoncé à la notion de péché, mais encore s’imaginent l’avoir transformé en un véritable bien.
Lev décrit comment quelques courtes années après le Concile de Trente, le Titien a peint « Le Christ et le bon larron » de manière à évoquer les aspects principaux du sacrement de Réconciliation. Il a choisi un angle d’où l’on ne voit qu’eux deux sur leurs croix, avec la tête du Christ penchée vers le bon larron (comme le serait le prêtre dans le confessionnal), accordant son pardon à celui qui avait confessé son iniquité. Seul un des bras du Christ est visible car il est tendu directement vers le spectateur – une invitation à accepter l’offre stupéfiant de son pardon.
Si une explication claire de ce que fait ce sacrement pour l’âme humaine et une représentation visuelle par la peinture ne vous encourage pas à accueillir ce cadeau, il est difficile de savoir ce qui pourrait le faire.
En réponse au rejet véhément du purgatoire par les protestants, Saint Robert Bellarmine a proposé une défense écrite, tandis que le Carrache a peint « Un ange délivre les âmes du purgatoire ». C’est une œuvre émouvante : Lev en propose une vision qui pourrait ne pas être immédiatement évidente – c’est la caractéristique répétée et agréable de ce livre. Tandis qu’il libère une âme avec un bras, l’ange pointe également de l’autre vers le haut, vers Saint Augustin qui est placé entre Marie et Jésus, parce qu’il a écrit « Le traité sur : prendre soin des morts ». Les autres personnages peints dans le royaume céleste ont été choisis parce qu’ils étaient eux aussi connus pour avoir défendu la notion de purgatoire. L’Immaculée Conception, dont Calvin se moquait, est-elle seulement « une invention des moines » ? Une succession d’artistes en ont défendu l’idée, mettant l’emphase sur un aspect par-ci, un autre par-là, mais peignant Marie comme typiquement « la femme de l’Apocalypse dans la Révélation » (XII, 1). Certaines interprétations montrent Marie debout sur une pleine lune. Mais dans chacun des trois exemples du livre de Lev, – La version de Bartolome Estaban Murillo (c.1660) est probablement la plus connue – Notre Dame est debout sur un croissant de lune.
Ce détail a certainement un sens supplémentaire que Lev ne mentionne pas : Le croissant de lune est le symbole de l’Islam, et ce point ne pouvait échapper aux Espagnols qui avaient enduré des siècles d’oppression islamique. Et que cette histoire soit perdue pour la plus grande partie de l’Europe aujourd’hui est une des raisons pour lesquelles celle-ci est dans une situation aussi périlleuse.
Tout le concept de Marie comme notre Avocate – auquel un autre chapitre est dédié – est complètement étranger à beaucoup d’américains, ou tout au moins il semble difficile à saisir pour ceux qui sont imprégnés de culture protestante. Mais Lev note que Marie a été représentée pendant des siècles intercédant généreusement au bénéfice du populus ; cette image attachante qui va avec des « siècles d’un usage répandu de la prière », a été plus difficile à vaincre qu’aucune doctrine mariale particulière.
Le livre se termine avec le commentaire de Lev sur le « Jugement dernier » – « L’ultime réponse catholique à la réforme protestante » – de courtes biographies de plusieurs artistes, et une recommandation que la plupart des lecteurs sont en position de mener à bien : mettez une belle oeuvre d’art catholique dans votre maison.
21 mars 2019
Source :https://www.thecatholicthing.org/2019/03/21/art-for-a-world-in-need-of-truth/
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