Alors que doit avoir lieu aujourd’hui la cérémonie de la sépulture de Jean Vanier à Trosly-Breuil, là où il a passé la plus grande partie de sa vie non auprès mais avec ses frères et sœurs handicapés, nous ne pouvons que faire mémoire de celui dont nous avons tant reçu. Un peu par hasard, j’ai retrouvé un de ses livres intitulé Le corps brisé (Parole & Silence) où il exprime vraiment le fond de sa conviction qui est celui-même de l’Évangile qu’il nous a appris à lire avec une acuité singulière. Que nous dit-il en substance ? Je le cite avec ses mots à lui qui ressemblent assez à ceux de Thérèse de l’Enfant Jésus puisqu’il parle d’une « petite voie ». Thérèse parlait d’une voie d’enfance, lui parle « d’une voie toute simple et cachée, mais qui est source de guérison ; une voie qui nous introduit dans l’amour de Jésus et de son Père, à travers une alliance d’amour avec le pauvre, le faible et l’opprimé ».
Avec notre mentalité moderne d’efficience, nous dirions volontiers que les personnes handicapées posent un grand problème politique, à résoudre avec les moyens adaptés. Et l’on désignerait plutôt la justice que la charité. Jean Vanier nous met en garde : « Tant de personnes brisées crient leur souffrance. Nous les considérons comme un problème à résoudre. Et ces problèmes sont trop grands, trop menaçants même. Nous ne voulons pas les regarder. » Alors nous nous évadons, même spirituellement, pour tâcher d’oublier. Autre tentation, celle de la révolte devant la souffrance. Mais attention qu’elle ne nous aveugle pas et ne nous empêche de voir « la lumière de Jésus dans la personne qui souffre ».
La démarche que Jean Vanier nous propose, pour l’avoir découverte lui-même, c’est d’oser approcher les personnes qui souffrent et qui sont brisées : « Ose les approcher et les toucher. Ose entrer en relation avec elles. Alors tu découvriras à l’intérieur de toi et d’elles une source de vie. » Je ne puis continuer plus avant mes citations, il faut suivre l’auteur tout au long de sa voie qui ouvre au secret même de la créature humaine dans les mains de Dieu. Sa dimension évangélique, celle des Béatitudes, peut aussi éclairer largement les défis anthropologique de notre société. Gunther Anders pouvait nous avertir quant à l’obsolescence de l’homme. Jean Vanier précise que cette obsolescence se traduit d’abord par le refus de voir la richesse intérieure de la personne handicapée la plus blessée. Toute l’œuvre du fondateur de l’Arche aura consisté à refuser l’obsolescence de l’homme en reconnaissant en lui la flamme d’un amour inextinguible.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 16 mai 2019.
Pour aller plus loin :
- Conclusions provisoires du Synode sur la Parole de Dieu
- Jean-Paul Hyvernat
- La France et le cœur de Jésus et Marie
- Liste des ouvriers pastoraux, Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laics tués en 2011 et 2010
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies