Il y a plusieurs années, j’ai donné une conférence intitulée « quel est le pourquoi de mon existence ? » On la retrouve dans mon livre « The Universe We Think In » (L’univers au sein duquel nous pensons). Le titre signifiait : « pourquoi Schall existe-t-il ? » Mais avec l’intention de porter à l’attention de chacun sa propre existence particulière.
Nous observant nous-mêmes, nous ne pouvons nier que nous sommes gainés dans ce corps particulier, qui nous a englobé depuis notre conception. Nous connaissons tous les limites de temps posées à notre existence personnelle dans ce monde – huit décennies, peut-être dix. Très peu d’entre nous, en fait, vivent aussi longtemps.
Les scientifiques, entendons-nous dire, cherchent des moyens d’augmenter le nombre de nos années. Mais désirons-nous vraiment vivre jusque 150 ans ? En général, nous vivons en moyenne plus longtemps que la plupart des générations qui nous ont précédés. Cette longévité accrue est sans conteste une bonne chose, mais cela ajoute différentes sortes de problèmes, tant physiques que spirituels, qui n’existaient guère auparavant.
Quand nous nous considérons, la question « pourquoi ? » surgit toujours. Nous ne pouvons vraiment pas l’éviter. De fait, nous ne voulons pas l’éviter. Si toutes les choses que nous faisons le sont pour quelque but ou pour quelque raison, nous pouvons difficilement éviter de nous demander si nous-mêmes nous existons pour un but donné qui nous inclut ainsi que la vie que nous menons dans ce monde, quand et où elle nous est donnée.
Le récit que nous avons reçu par révélation traite de ce problème. Le cosmos lui-même a été créé par Dieu en vue qu’Il puisse associer d’autres êtres libres et rationnels au sein de Son éternelle vie trinitaire. Pour faire court, nous n’avons pas été créés simplement pour être des êtres humains selon la nature, mais pour être des êtres humains élevés à un statut au-delà des limites de notre nature. Notre statut d’êtres finis demeure. Nous sommes sujets à la mort. De même, nous sommes destinés à la vie éternelle.
Récemment, j’ai reçu une généalogie de ma famille paternelle. Les renseignements montrent que le premier Schall de notre lignée est arrivé aux Etats-Unis vers 1847, venant d’Allemagne. Comme nous le savons tous, si nos ancêtres n’avaient pas existé, nous ne pourrions pas nous-mêmes exister tes que nous sommes, avec notre héritage génétique. Côté corps, nous sommes le résultat des générations précédentes.
Le monde aurait été différent, un élément de ce lignage aurait été différent, j’aurais pu ne pas exister. D’autres lignées, bien sûr, interfèrent avec une lignée familiale au cours du temps (ma grand-mère paternelle était irlandaise tandis que ma mère était d’ascendance tchèque des deux côtés). Ma famille est apparue à Joliet, dans l’Illinois, avant d’acquérir des terres dans l’Iowa. Sans la loi de colonisation, pas de Schall.
Nous ne pouvons rien faire pour notre structure génétique, qui est déjà donnée. Il semble que le scientifiques veulent maintenant manipuler nos gènes pour éliminer des défauts ou nous rendre blonds ou géniaux. Il est probable que nous ferions mieux de laisser faire le processus reproducteur.
Quand nous nous faisons à notre passé, nous voyons qu’il est fait de nombreuses rencontres dues au hasard, survenues en raison de guerres, d’immigration ou d’événements accidentels qui ont fait que telle personne a rencontré telle personne. En dépit de cet arrière-plan de hasard, nous soutenons que l’âme de chaque personne est créée directement par Dieu.
Et c’est cette âme dans ce corps qui constitue notre existence individuelle. L’intelligence que nous avons est une aptitude de nos âmes par laquelle nous connaissons plus que nous-mêmes. Vraiment, il semble que nous existions en vue de connaître, de connaître la vérité.
L’oracle nous dit : « connais-toi toi-même ». Aristote et Thomas d’Aquin nous disent de connaître également tout le reste, ou du moins de connaître autant qu’il nous est possible. Nous prenons rapidement conscience que beaucoup de gens en savent plus que nous. Mais les moins doués de notre espèce sont créés dans le même but que nous, pour la vie éternelle.
Qu’est-ce que cela implique, cette existence que nous avons au milieu des myriades d’existences des autres êtres humains ? Nous savons que nous sommes impliqués dans les vies et les actions des autres, tout comme ils le sont dans les nôtres. Nous existons également pour que d’autres puissent exister. C’est ici que surgit le problème de vivre la vérité de nos existences.
Nous savons que la divine providence n’est pas mise en échec par nos péchés. Elle les regroupe, pour ainsi dire, pour en tirer du bon. Mais il est tout à fait clair que nos existences prennent place dans un « plan », comme le dit Saint Paul, plan qui ne pourrait être ce qu’il est si nous n’existions pas comme individus particuliers et uniques, Schall comme tous les autres.
Pouvons-nous conclure quelque chose de ces curieuses réflexions ? Bien que nous puissions ne pas connaître pleinement maintenant les détails de notre existence, nous les connaîtrons. Et nous découvrirons que nous étions primitivement prévus précisément pour accepter l’invitation de Dieu. Les vies et les amours des autres n’auraient pas été possibles sans notre part unique et irremplaçable dans le plan divin.
James V. Schall, S.J. (1928 – 2019), qui a été professeur à l’université de Georgetown durant trente-cinq ans, était l’un des écrivains catholiques les plus féconds en Amérique.
Illustration : « Quatre générations » par Will Barnet, 1984 [collection d’art contemporain, musées du Vatican, Rome]. Monsieur Barnet était né à Beverly (Massachusetts) et a passé l’essentiel de sa vie à travailler et à enseigner à New York, où il est mort en 2012 à l’âge de 101 ans.
Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/02/12/why-do-i-exist-revisited/