Spiritualités chrétiennes - un portrait spirituel de S. Paul (Philippiens 3, 8-14) - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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Spiritualités chrétiennes – un portrait spirituel de S. Paul (Philippiens 3, 8-14)

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La spiritualité chrétienne se construit à partir de convictions de foi, privilégiées parmi d’autres et de quelque façon ordonnées et hiérarchisées entre elles par la personne croyante, qui ainsi se trouve et se pose intérieurement, selon son tempérament, ses affinités, sa psychologie, ses capacités, ses besoins… et surtout selon ce qu’elle perçoit être sa vocation particulière. Par sa spiritualité, elle accède à une communion plus intime avec le Seigneur et s’efforce d’accomplir sa Parole.

La personne spirituelle (dotée de spiritualité) correspond au mieux à cette consigne de Jésus qui traverse l’Evangile et s’adresse à tous : « Veillez et priez ! » Elle met en oeuvre une tension psychologique et morale certaine (veillez) ainsi qu’une orientation de l’âme, explicitement soutenue et formulée, vers Dieu et son Royaume (priez).

La spiritualité chrétienne (au-delà des dévotions qui peuvent la marquer) est irriguée par la vie théologale de foi, d’espérance et d’amour, laquelle vie théologale est son souffle porteur, son chant et son climat.

C’est le rôle propre de la théologie comme discipline d’organiser de manière cohérente, le plus possible complète et lumineuse…, le contenu de la Révélation : « qui est Dieu et ce qu’il veut que nous, les hommes, nous soyons pour lui » (Yves Congar). La spiritualité, elle, se contente de retenir des éléments fondamentaux de cette plénitude, de manière à articuler pour soi, et pour d’autres à leur demande et si on y est appelé, un ensemble moins vaste, mais tout de même fidèle, dont la finalité est de captiver et de former simplement l’âme croyante et de l’entraîner sur un chemin de vie.

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Voici les données principales de la Révélation dans lesquelles la spiritualité chrétienne puise son bien. Celle-ci peut choisir et mettre en relief telle ou telle de ces données, selon affinités et besoins ressentis comme il a été dit, mais elle ne doit en écarter aucune sous peine d’amputer ou de déformer le dessein de Dieu dans les Ecritures. Je rappelle succinctement les « articles » de cette plénitude.

• Dieu est le créateur du monde. Il nous a créés à son image et nous a choisis en lui pour que nous soyons saints en sa présence dans l’amour. Il a voulu que nous soyons pour lui des fils adoptifs par le Christ Jésus.

• Par l’incarnation, la vie, la mort et la résurrection de Jésus, se réalisent le pardon de nos péchés et le dessein suprême de sa Sagesse : ramener toutes choses sous un seul chef, le Christ.

• C’est par la foi en Jésus Christ et le baptême que nous somme sauvés. Le Père nous aime car nous écoutons son Fils qui est sa Parole, et nous l’aimons. Recevoir l’Evangile, reconnaître qui est Jésus, le suivre et l’imiter nous est rendu possible grâce à l’Esprit d’amour, l’Esprit de la promesse, envoyé par le Père et le Fils, et qui nous fait tendre vers le plein accomplissement de notre vocation, la vie éternelle.

• Cette aventure hautement personnelle se déroule toutefois au sein du peuple que Dieu s’est acquis, communauté rassemblée par lui, l’Eglise, Corps du Seigneur.

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Voici encore quelques données incontournables de l’Evangile, qu’aucune spiritualité chrétienne ne saurait consciemment écarter:

– l’Evangile, bonne nouvelle, nous appelle incessamment à nous convertir ; il nous presse d’entrer dans le projet de Dieu sur la terre : construire avec lui, en nous et autour de nous, le Royaume de Dieu.

– Jésus n’a de cesse d’enseigner et de préciser en quoi cela consiste « d’aimer en actes et en vérité » Dieu et notre prochain. Sa « loi nouvelle » accomplit toutes les prescriptions de la vie morale qualifiée, dépasse les commandements anciens et nous montre le chemin de perfection qu’il est lui-même : « Je suis la Voie, la Vérité, la Vie ».

– le Seigneur nous donne de le rencontrer dans l’amour et le service des plus petits et démunis d’entre ses frères humains, qui sont aussi les nôtres. Cet engagement ou son absence seront décisifs au jour du Jugement.

– la Parole de Dieu, proférée par Jésus, est d’une richesse inépuisable : l’écouter, l’étudier, la garder, la faire fructifier est une passion caractéristique des disciples. Cette parole confiée à l’Eglise est revêtue de la puissance du salut. Parole de vie, Parole de vérité qui rend libre, Parole de réconciliation… Marie, mère de Jésus, nous est donnée pour mère, avant tout parce qu’elle fut exemplaire dans son accueil de la Parole de Dieu (« Qu’il me soit fait selon ta Parole »)

– tout au long de notre vie, mais surtout en des moments-clés, nous sommes appelés à vivre la grâce de notre baptême qui a fait de nous des créatures nouvelles en nous plongeant dans la mort et la résurrection du Christ.

– les béatitudes dessinent un portrait accompli de Jésus et de ceux qui par quelque côté sont assimilés à lui, et de ceux qui désirent intensément lui ressembler.

– où et comment rencontrer le Seigneur ? Outre nos frères en qui il est présent car ils portent son image, Dieu se donne dans la création et se communique par sa Parole. Il nous attire dans la prière et les sacrements, en particulier l’Eucharistie, le plus sublime des dons de Dieu. La vie spirituelle s’exerce concrètement par diverses sortes de prière : les psaumes et l’Eglise, premièrement dans sa liturgie, nous guident dans cette pratique. Ces diverses manières de nous approcher de Dieu sont chacune d’un grand prix : prière d’adoration et/ou de méditation silencieuse, prière de louange et de bénédiction, prière de supplication et d’intercession, prière de repentir et d’offrande. Toutes prières adressées à Dieu par Jésus Christ, notre Seigneur, « unique médiateur entre Dieu et les hommes ».

– l’Esprit Saint, Esprit de Jésus, est le maître de notre « vie spirituelle ». Par lui, il nous est donné de prier selon le coeur de Dieu, de mener une vie selon l’esprit, opposée à la vie selon chair, et de porter les fruits de l’Esprit. L’Esprit de force nous est donné pour rendre témoignage au Christ, l’Esprit d’intelligence et de sagesse pour scruter le mystère de Dieu ainsi que ses lumineux ou impénétrables desseins. L’Esprit distribue ses dons à chacun pour le bien, la croissance et l’harmonie du Corps tout entier.

– de nombreux saints et saintes qui marquent l’Eglise et leur époque se sont souvent signalés par une qualité évangélique remarquable recommandée par Jésus : ils ont su déchiffrer et reconnaître « les signes des temps », qui sont comme «les voix de Dieu à travers l’histoire». Leur perception est à l’origine d’un engagement inspiré et laborieux pour les progrès du Royaume de Dieu dans l’histoire des hommes. D’autres figures chrétiennes souvent inconnues, ou les mêmes, excellent dans la veille et la prière.
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La spiritualité véritablement chrétienne ne peut abandonner tel ou tel élément essentiel détaché précédemment. On doit essayer de tout intégrer, mais avec des affinités plus prononcées avec tel ou tel aspect, selon tempérament, capacités, besoins, appels ressentis… comme on l’a mentionné. Car difficilement on peut tout assumer avec une égale lucidité et ferveur.
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La personnalité de l’apôtre Paul est si riche, et il communie si intensément et si pleinement au mystère du Christ qui lui a été révélé et qu’il a mission d’annoncer, que dresser de lui un unique portrait spirituel reviendrait à reprendre la totalité de son message et de son engagement au service du Christ. C’est donc plutôt divers portraits spirituels de l’apôtre qui se présentent, dont chacun livre une part de sa spiritualité, et qui s’ajoutent et se complètent sans se contredire ni éliminer les autres. Le passage de l’épitre du cinquième dimanche de carême dessine l’un de ces portraits. Quelle que soit notre spiritualité personnelle, si nous en avons une, nous pouvons la confirmer et surtout l’éclairer et la stimuler par ce portrait-ci de l’apôtre Paul, porteur, à l’égal de plusieurs autres rapportés en ses lettres, de sa communion au mystère du Christ, Sauveur et Seigneur, présent parmi nous.
Sa spiritualité tient ici en quatre points :

• Considérer les avantages qu’il avait autrefois comme de la balayure en comparaison de ce bien suréminent qui l’emporte sur tous les autres : la connaissance de Jésus Christ son Seigneur. A cause de lui, il a accepté de tout perdre : la confiance en ses mérites propres et en sa justice, son attachement à ses pratiques de Pharisien irréprochable et satisfait de l’observation stricte de la Loi… Pareillement, il nous faut nous défaire d’une quelconque satisfaction et construction orgueilleuse et autonome de nous-mêmes sur le plan moral et religieux, et nous en remettre à Jésus et au souffle de son Esprit. L’adhésion au Christ est placée par S. Paul au-dessus de tous les avantages d’ordre moral et religieux, nous l’admettons sans peine. Mais je crois qu’il nous faut amplifier et extrapoler la comparaison : nous sommes appelés à faire prévaloir la «possession» du Christ sur toutes sortes de valeurs et situations humaines, même de grand prix : profession, renommée, culture, capacités, talents, fortune, famille…

• Miser à fond sur la foi en Jésus Christ et sur l’élan soutenu qu’elle nous donne pour plaire à Dieu.

• «Eprouver la puissance de la résurrection du Christ et communier aux souffrances de sa Passion, en devenant semblable à lui dans sa mort avec l’espoir de parvenir à la résurrection d’entre les morts.»

Un mot d’explication à ce langage qui tient plus de la folie que de la raison. Nous n’avons certes pas à rechercher la souffrance : seulement nous efforcer d’accepter dans la foi avec courage et sérénité les souffrances et les épreuves que la vie nous envoie ; y discerner dans l’Esprit des moyens dont la Providence de Dieu Bon et Tout-Puissant peut disposer et se servir pour parfaire notre assimilation au Christ et notre amour pour lui, en solidarité et au bénéfice des membres du Corps tout entier ( marcher à la suite de Jésus et se charger de sa croix chaque jour – Luc 9, 23 – devient chez S. Paul : «Je complète en ma chair ce qu’il manque aux épreuves du Christ pour son Corps qui est l’Eglise » – Colossiens 1, 24). Alors se trouve assurée en plus vrai notre participation au mystère pascal.

• Poursuivre notre course, tâcher de saisir comme nous avons nous-mêmes été saisis, aller de l’avant en oubliant le chemin parcouru, toutes nos énergies tendues vers le but, afin de recevoir – tels des athlètes en compétition – le prix auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ Jésus.

Cette spiritualité de l’apôtre Paul, à cause de ses différents moments, est valable pour tous. Aussi bien pour ceux qui se trouvent engagés dans la vie active que pour ceux qui font plutôt l’expérience de la passivité, en raison de lourdes épreuves, de la maladie, de la vieillesse. A la ressemblance du Christ qui fut pleinement Acteur du Royaume de Dieu avant de Souffrir sa Passion.

6 avril 2019