Que la crise provoquée par la révélation des abus sexuels se traduise par une remise en cause de l’institution ecclésiale ne devrait pas nous étonner, même si cela fait souffrir ceux qui aiment l’Église. Il s’agit d’envisager courageusement la nature de cette crise et ce qu’elle sollicite de la part de tous les acteurs comme examen de conscience et comme réforme. Ainsi que l’écrit Mgr Luc Ravel, archevêque de Strasbourg, dans un livre à méditer (Comme un cœur qui écoute, Artège), parce qu’il apporte un éclairage théologique et pastoral rarement présent dans les controverses actuelles : « Il n’y aura pas de retour en arrière, de remise des compteurs à zéro, de redémarrage comme “avant”. Sous la double pression délivrée par les cris des victimes et les appels de l’Évangile, l’Église en sortie de crise sera différente de celle qui a ignoré les premiers sans percevoir qu’elle méprisait les seconds. » De ce point de vue, le grand labeur qui a commencé il y a déjà longtemps est loin d’être achevé. Il concerne autant la France, avec plusieurs initiatives importantes, notamment celle de la commission présidée par Jean-Marc Sauvé qui doit établir un bilan précis des dimensions du drame dans l’Église depuis 1950, que le monde entier dans l’esprit de la rencontre récente de tous les présidents des conférences épiscopales à Rome.
La justice, pas le lynchage
Cependant, il importe aussi de bien marquer qu’il y a une différence entre l’exercice spirituel de fond qui consiste à faire la vérité devant Dieu et le dénigrement systématique qui aboutit à l’ingratitude totale face aux trésors de grâce et de sainteté dont nous sommes redevables à l’Église. Et ce n’est pas honorer la justice que de participer à certaines surenchères, par exemple à des opérations de lynchage contre le cardinal Barbarin, qui se développent en ce moment sur les réseaux sociaux, avec la complicité active de justiciers dont la vindicte est sans limite. Écouter la souffrance des victimes constitue une priorité. On l’a trop longtemps étouffée. La reconnaître, ce ne saurait pourtant se faire au prix d’une absence de discernement qui conduit à se rallier à des stratégies partisanes.
L’autorité dans l’Église
La question de l’autorité dans l’Église se pose aussi dans des termes qu’il s’agit de bien définir, sous peine de dissoudre l’institution elle-même. Ce n’est pas parce qu’elle a été exercée de façon déplorable qu’elle doit être anéantie. Le plus souvent, c’est en manquant à ses responsabilités qu’elle a défailli. À travers des conduites d’évitement ou par des dérobades qu’explique en partie seulement son désarroi devant ce qu’elle ne parvenait pas à comprendre et à sanctionner. Le remède n’est pas dans un déni d’autorité, mais dans un surcroît de lucidité et de courage. Un courage que toute l’Église doit reconquérir.
Pour aller plus loin :
- Discours final du Pape – Sommet sur la protection des mineurs
- LE MINISTERE DE MGR GHIKA EN ROUMANIE (1940 – 1954)
- EXHORTATION APOSTOLIQUE POST-SYNODALE « AFRICAE MUNUS » DU PAPE BENOÎT XVI
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- SI LE LOUP PROTÈGE L’AGNEAU, ET AU-DELÀ