J’apprends par La Croix qu’un colloque va se tenir à Paris le 27 mars prochain sur le thème « Croire et ne pas croire aujourd’hui ». Voilà une question qui ne peut nous laisser indifférents, nous autres chrétiens. Le nombre des sans religion n’a cessé de croître en France. Est-il vrai qu’il concernerait de 50 à 60 % de la population ? Et qu’est-ce que cela signifie d’être sans religion ? Le phénomène ne saurait être de nature homogène. Ainsi se dire athée aujourd’hui ne renvoie pas à l’adhésion à une idéologie aussi construite que le communisme athée ou même l’existentialisme athée à la Jean-Paul Sartre. Il s’agit plutôt d’une démarche individuelle qui s’autorise des motifs les plus divers.
Les historiens sont forcément préoccupés par les causes de cette expansion des « sans religion ». Guillaume Cuchet a publié l’an dernier un essai très important sur le sujet1. Nous l’avions signalé. Dans les années soixante, on assiste à un effondrement de la pratique religieuse, dont nous vivons toujours les conséquences. Cet effondrement s’analyse notamment comme un processus de déliaison sociale. La pratique religieuse était, en effet, en relation directe avec un type de sociabilité qui s’est défait et qui se caractérisait notamment par des références communes. On pourrait même dire, comme Cornelius Castoriadis, un « imaginaire social » commun auquel s’est substitué sans doute un imaginaire de toute autre nature, probablement celui des médias et surtout celui de la télévision.
Cette substitution ne s’explique pas sans la perte sèche de la culture chrétienne, telle qu’elle était transmise au catéchisme et dans les divers canaux de la vie paroissiale. La fin des patronages au profit des activités du mercredi constitue un marqueur important. Ce qu’on appelle généralement sécularisation ne se rapporte pas seulement à un éloignement du souci religieux. Elle se comprend d’abord comme une perte de mémoire et un changement de nature. L’Église est confrontée à ce nouvel univers qui lui impose de bien comprendre les mentalités fluides de nos contemporains. Elle doit aussi affronter nombre de préjugés qui concernent sa propre identité de la part de ceux pour qui elle est foncièrement étrangère. On sait à quel point la situation se complique en ce moment, ce qui impose aux missionnaires un véritable héroïsme, qui pourrait avoir quelque vertu dans le climat actuel.