Un bref exposé sur le Démon - France Catholique
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Marie dans le plan de Dieu
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Un bref exposé sur le Démon

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J’ai écrit bien des choses sur l’angélologie selon Saint Thomas d’Aquin. Mais je n’avais pas jusqu’ici beaucoup plongé dans la démonologie, bien que Thomas d’Aquin ait pas mal à dire sur le sujet dans sa « Somme Théologique » (I,Q.63-64). Fort heureusement, Thomas a posé de nombreuses questions qui me viennent à l’esprit, et c’est peut-être également votre cas. Alors, ci-joint quelques-unes d’entre elles, avec des réponses crédibles :

Q : Les démons, étant de purs esprits, ne font pas des choix à la manière des humains : par exemple, « oh, si seulement j’avais su quelles seraient les conséquences ! » Les anges ont eu le choix initial de se mettre du côté de Dieu ou pas. Ils avaient une compréhension claire de ce qu’ils étaient en train de faire et de ce que serait le résultat s’ils rejetaient Dieu, les châtiments compris. Comment pouvaient-ils être aussi stupides ?

L’intelligence des purs esprits n’est pas discursive, comme la nôtre ; en d’autres mots, ils ne pensent pas logiquement – commençant avec une certaine hypothèse, imaginant les connexions ou les implications et en arrivant aux conclusions. Pour nous, même les conclusions peuvent être ignorées par paresse ou en raison d’intérêts contradictoires ; les regrets viennent plus tard, quand les mauvaises conséquences se manifestent.

Nous pouvons imaginer les âmes dans le Purgatoire regrettant des actions qu’elles ont commises durant leur vie, ou des âmes en Enfer se maudissant et maudissant toutes les conditions et les personnes qui les ont menées sur le mauvais chemin. Mais cela ne peut jamais se produire avec les démons. Ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes puisqu’ils ont prévu aussi clair que le jour les futures conséquences de leurs choix.

Alors pourquoi ont-ils rejeté Dieu et les récompenses et l’amour qu’Il a offerts ? La tradition raconte que Satan lui-même, le chef des anges, était comme un dieu, avec des pouvoirs et une intelligence que nous pouvons difficilement nous représenter. Quand Satan a emmené Jésus au sommet de la montagne (Matthieu 4:8), lui a montré toutes les richesses et les grandeurs du monde et a affirmé que tout cela était sous son pouvoir et qu’il pouvait l’accorder à Jésus, Jésus ne l’a pas contredit. Avant sa chute, Satan était probablement l’être le plus proche de la divinité. Mais cela a été également sa ruine. Un « fils de Dieu » (Job 1:5,2:1) originel auréolé de tant de majesté et de pouvoir pouvait-il accepter la soumission à Dieu – même si c’était le Dieu qui l’avait créé ? Comment un être aussi grand pouvait-il accepter un tel asservissement et une telle humiliation ? Comment le cri de Saint Michel, « qui est comme Dieu ? », pouvait-il pénétrer un orgueil aussi arrogant ? Et si Satan et ses sbires avaient également l’information de la création à venir des humains, comment pouvaient-ils résister à la possibilité d’installer leur propre royaume là en bas, étant suivis et même adorés pour les bénéfices et les pouvoirs qu’ils pourraient fournir ?

Q : Les châtiments de l’Enfer sont décrits pour nous humains comme un feu inextinguible et des tourments corporels. Mais les démons n’ont pas de corps, alors les châtiments auxquels ils font face sont-ils moins redoutables ? De quelle sorte sont-ils ?

Ce serait une erreur de penser que des châtiments « spirituels » pourraient être plus supportables que le feu et les tourments physiques que les humains résidant en l’Enfer recevront. Par analogie, nous pouvons concevoir des individus fiers bouillant de colère ou de jalousie à cause de concurrents qui réussissent, perdant le sommeil et la santé dans la recherche d’une vengeance, allant éventuellement jusqu’à commettre un meurtre ou un suicide en raison des « feux » émotionnels qui brûlent sans relâche dans leur psychisme. Oui, les mauvais anges sont bouillants de haine à l’égard de Dieu et des êtres incarnés pour lesquels le Fils de Dieu a décidé de venir sur terre, de s’offrir en rançon et d’accorder d’infinies bénédictions.

Il grincent des dents, si l’on peut dire, au vu des restrictions continuelles qui sont posées à leurs projets néfastes. Leurs succès à rabaisser les créatures humaines « inférieures » seront le seul répit aux feux de haine qui les consument. Un courroux spécial surviendra depuis les hauteurs où une femme inférieure, Marie, a été élevée – celle qui, selon la prédiction, allait même écraser la tête de Satan lui-même. Mais comme le dit Thomas d’Aquin, les pires châtiments de l’Enfer pourraient être reportés, peut-être pour des siècles, pendant que les démons sont autorisés à chercher des compagnons dans « l’atmosphère lugubre » du monde avant d’être relégués en bas.

Q : Les démons tirent-ils une sorte d’avantage à tenter les humains ? Des humains futés peuvent-ils vraiment éviter leurs malices et leurs tromperies ?

Dans nos combats contre les puissances du mal, quel plus grand avantage ces ennemis pourraient-ils avoir autre que le savoir – acquis par des millénaires d’observation de l’humanité – de quelles sont exactement les stratégies qui seront les plus efficaces pour bercer les humains dans des péchés graves ? Car bien que les démons ne puissent être complètement sûrs que tel ou tel qui est mort est au Ciel ou au Purgatoire, ils savent en toute certitude qui a été condamné à l’Enfer, et – le plus important – quelles sortes de péchés les y a amenés. Ils ont de l’expérience à la tonne, et ils sont capables de reconnaître avec une bonne probabilité quelle sorte de tentations sont les plus à même d’inciter et piéger telle ou telle personne avec telles faiblesses ou forces psychologiques. Comme pour les réseaux d’espionnage des grandes nations de notre monde, cette connaissance des tactiques et des vulnérabilités est un avantage indispensable pour un succès final.

Q : Nous avons entendu dire que la plus grande malice des démons est de convaincre les gens qu’ils n’existent pas. Est-ce vrai ? Il est sûr qu’à l’époque actuelle, beaucoup moins d’humains croient à l’existence des démons que dans les temps anciens. C’est peut-être leur atout maître.

Certainement, les camouflages de toutes sortes sont un ingrédient important dans toutes les guerres. Mais avec les démons, nous ne devons pas oublier une précaution : leur chute à l’origine était causée par une fierté démesurée. Une créature dotée d’excellence et de la fierté qui va avec peut-elle résister, de temps en temps, à manifester sa puissance – soit dans des exorcismes, des manifestations surnaturelles et même d’authentiques miracles ? Ils peuvent revêtir le visage « d’anges de lumière ». Mais ils doivent être prudents ; des erreurs peuvent révéler leur véritable identité à ceux qui ont développé le discernement spirituel.

Cependant, il est sage de ne pas trop faire confiance à nos propres forces dans une telle guerre. La prière (tout spécialement à Saint Michel Archange), le jeûne, l’aumône et une humble confiance en Dieu sont nos meilleures armes.

Howard Kainz, professeur émérite à l’université de Marquette, est l’auteur de vingt-cinq livres sur la philosophie allemande, l’éthique, la philosophie politique, la religion et de plus de cent articles dans des journaux scientifiques, des magazines imprimés et en ligne, des tribunes libres.

Illustration : « Saint Michel vainquant Satan » par Raphaël, 1518 [musée du Louvre]

Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/01/15/a-brief-primer-on-the-devil/