On trouve de tout chez les Gilets jaunes, y compris l’inattendu. Un samedi, l’un d’entre eux arborait ce message : « Maurice Clavel a prophétisé les Gilets jaunes dans Le soulèvement de la vie à voir sur YouTube ». Je me demande qui, dans la rue, a pu décrypter pareil message, qui renvoie à des événements vieux d’un demi siècle. Évidemment, pour moi, ça parle et ça me touche énormément. Car j’ai bien connu Maurice Clavel, ce prophète de l’espèce d’un Bernanos, qui, en 1968, faisait retentir un appel tonitruant à la transcendance. Il était bien seul, en période idéologique marxisante, à en appeler à Dieu, alors que les groupuscules qui conduisaient l’agitation ne juraient que par Lénine, Trotski ou Mao Tse Tung.
Mais lui, Clavel, avait compris que le marxisme était mort ou en train de mourir, et qu’il fallait décrypter avec un autre instrument que l’idéologie ce soulèvement d’une jeunesse qui ne savait pas vraiment dans quelle aventure elle était engagée. Bien sûr, c’était un pari qu’il faisait, et il n’était pas certain qu’il fût gagnant. Et d’ailleurs il n’en a pas vu l’aboutissement, laissant aux générations suivantes le soin de poursuivre son entreprise.
Clavel aurait-il reconnu dans les Gilets jaunes un appel analogue à celui entendu en 68 ? Cela peut se discuter. Un évêque au moins, celui de Montauban, en allant retrouver ses diocésains réunis au principal rond-point de sa ville, a saisi que derrière les revendications immédiates, au demeurant les plus justifiées, il y avait une aspiration spirituelle qui se révélait pour peu qu’un médiateur lui permettait de s’exprimer. Certes, on fait bien des reproches aux Gilets jaunes, et il est vrai que parfois leur mouvement est en grand risque de se perdre dans la confusion ou même des itinéraires dangereux. D’où la nécessité d’avoir un éclaireur d’avant-garde comme Maurice Clavel pour décrypter le sens d’une révolte et lui ouvrir des chemins de reconnaissance et de Salut.