Maintenant que l’excitation initiale s’est quelque peu calmée, c’est le bon moment pour jeter un regard plus serein sur le « Manifeste de la foi » récemment publié par le cardinal Müller. Il commence en citant Notre Seigneur : « que vos cœurs ne se troublent pas » (Jean 14:1). Et troublés, les fidèles le sont en ces jours. Le chaos doctrinal et moral dans l’Eglise est évident et grave. Nous cherchons à la fois des conseils de conduite et une courageuse réfutation des erreurs.
Müller agit en bon berger en protégeant le troupeau qui erre par ignorance et est mis en péril par de faux enseignements :
De nos jours, beaucoup de chrétiens ne sont même plus conscients des enseignements de base de la Foi, si bien qu’il y a un danger grandissant de perdre le chemin de la vie éternelle… Beaucoup se demandent aujourd’hui quel but l’Eglise peut bien avoir encore pour exister, quand même des évêques préfèrent être politiciens plutôt que proclamer l’Evangile comme enseignants de la Foi.
Un politicien, dans les sociétés démocratiques, est principalement préoccupé d’acquérir le pouvoir – et ensuite de le garder. Il dira aux électeurs ce que selon lui ils veulent entendre, sans égards pour ses propres convictions. Dans l’Eglise, le clerc politicien se préoccupe de plaire à ceux qui, dans la hiérarchie, peuvent faire avancer sa carrière, quoi que cela nécessite. Il ignore, affadit ou même abandonne les dures vérités de l’Evangile quand il sent que ces vérités vont contrecarrer ses ambitions.
Müller appelle à la repentance ces bergers qui perturbent la foi des brebis : « l’entremise de la foi est inextricablement liée à la crédibilité humaine de ses messagers, qui dans certains cas ont abandonné les gens qui leur étaient confiés, les perturbant et étant sérieusement préjudiciables à leur foi ».
Qu’il est triste qu’un ancien préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi juge nécessaire aujourd’hui de reprendre des évêques pour manquements à l’enseignement de la Foi dans son intégrité.
Un premier exemple est le baratin sur qui peut décemment recevoir la communion. C’est le fruit empoisonné de la désastreuse innovation de la note de bas de page 315 dans « Amoris Laetitia » qui autorise une pratique toujours interdite dans l’Eglise, à savoir l’octroi de la Sainte Communion à ceux qui sont engagés dans un « second mariage » adultère.
De même, il réprimande ceux qui proclameraient, comme certains l’ont fait, que l’Eucharistie devrait être accordée aux protestants. Müller rejette ces innovations en citant Saint Paul : « quiconque mange le pain et boit à la coupe de Seigneur indignement se rend coupable de profanation du corps et du sang du Seigneur » (A Corinthiens 11:27). Et le Catéchisme : « quiconque est conscient d’avoir commis un péché grave doit recevoir le sacrement de réconciliation avant de venir communier » (CEC 1385).
Il ajoute : « faire remarquer cela correspond à une œuvre spirituelle de miséricorde ».
Il est éminemment miséricordieux de prêcher la vérité toute entière et d’exiger que les fidèles respectent la loi morale de Dieu et le droit canonique de l’Eglise : « la loi morale est l’oeuvre de la sagesse divine et conduit l’homme à la béatitude promise » (CEC 1950). En conséquence, « la connaissance de la loi divine et naturelle est nécessaire » pour faire le bien et atteindre ce but. (CEC 1955) : « la loi morale n’est pas un fardeau, mais une partie de la vérité libératrice (cf. Jean 8:32) par laquelle le chrétien marche sur le chemin du salut, et elle ne devrait pas être relativisée.
Plus loin, Müller nous rappelle que « l’Eglise n’est pas une association faite de main d’homme dont les membres votent pour la modeler à leur gré. Elle est d’origine divine. » C’est « le Christ lui-même qui est l’auteur du ministère dans l’Eglise. Il l’a installée, lui a donné autorité et mission, orientation et but » (CEC 874). Les évêques sont des ambassadeurs à qui est confié un message qui ne vient pas d’eux-mêmes. Ils ne doivent pas déformer ce message.
Le point le plus fort du Manifeste est le rappel que la véritable mission de l’Eglise est le salut des âmes. La réalité de l’Enfer et de la damnation éternelle pour les âmes qui meurent en état de péché mortel est quelque chose que nous entendons rarement en chaire. L’impression que donnent aujourd’hui de nombreux pasteurs est qu’ils se soucient énormément d’essayer d’améliorer l’ordre social de ce monde et très peu de la perte des âmes dans le monde à venir.
Müller est sans équivoque là-dessus :
Tout être humain a une âme immortelle, qui est séparée du corps au moment de la mort, dans l’espérance de la résurrection des morts (CEC 366). La mort rend définitive la décision pour ou contre Dieu prise par l’homme. Chacun doit faire face au jugement particulier immédiatement après sa mort (CEC 1021). Soit l’homme a besoin d’une purification, soit il entre directement dans la béatitude céleste et il est autorisé à voir Dieu face à face. Il y a aussi la terrible possibilité qu’une personne reste opposée à Dieu à la toute fin, et en refusant définitivement Son Amour, « se condamne lui-même immédiatement pour toujours » (CEC 1022). « Dieu nous a créés sans nous, mais Il ne veut pas nous sauver sans nous » (CEC 1847). L’éternité du châtiment de l’enfer est une terrible réalité qui – selon le témoignage de l’Ecriture Sainte – draine tous ceux qui « meurent en état de péché mortel » (CEC 1035).
Le cardinal Müller ne fait que déclarer ici comme dans d’autres points du manifeste ce qui était jusque récemment un lieu commun et considéré comme allant de soi par tous les catholiques, depuis le pape jusqu’au plus humble des fidèles dans sa paroisse locale. Pourtant il est maintenant accusé d’être un nouveau Martin Luther par son confrère le cardinal allemand Walter Kasper (ce qui est étrange compte tenu des affinités de Kasper avec Luther).
L’évêque Athanasius Schneider, lui aussi d’ascendance allemande, défend courageusement Müller : « de nos jours, une profession claire des vérités divinement révélées n’est souvent plus tolérée dans la vie de l’Eglise et est même perçue comme une provocation, comme on peut le voir, par exemple, à la réaction rapide, intolérante et étonnamment agressive avec laquelle le cardinal Walter Kasper a rejeté le Manifeste de Foi du cardinal Müller ».
Müller mérite notre merci et nos prières. Le bon combat en faveur de la vérité catholique doit être mené quel qu’en soit le prix.
Le père Gerald E. Murray est spécialiste du droit canon et prêtre de l’église de la Sainte Famille à New York.
Illustration : le cardinal Gerhard Müller
Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/02/21/thank-you-cardinal-mueller/