J’imagine que tous les catholiques seront d’accord : il ne faudrait pas qu’un prêtre catholique célébrant un mariage achève la cérémonie par ces paroles adressées au nouveau couple :
« Vous venez d’entamer une des plus importantes relations humaines — mais je ne tiens pas trop à vous mettre en garde, n’imaginez pas qu’il est question d’une relation permanente. Par exemple, les vœux que vous avez prononcés ont été exprimés selon le langage Catholique traditionnel, le respect de la tradition est une fort belle chose. Tous, nous l’apprécions. Mais ces vœux ne sont que figure poétique, ils n’ont guère de signification. »
Et pourtant c’est précisément ce que les célébrants sous-entendent en procédant au mariage civil qui accompagne l’union sacramentelle d’un couple catholique. Aux États-Unis, malgré la célèbre séparation de l’Église et de l’État, les prêtres procèdent à deux cérémonies de mariage en une seule, religieuse et civile. Les lois propres à l’Église confèrent au prêtre le pouvoir de célébrer (ou plutôt de présider) une cérémonie sacramentelle, alors que les lois de nos États donnent aux prêtres catholiques le pouvoir de procéder à une cérémonie de mariage civil.
Le sacrement de mariage est un lien pour la vie, alors que le mariage civil, en raison de nos règles libérales relatives au divorce ne constitue guère un véritable lien. Selon les lois de nos états, l’un des deux époux peut parfaitement rompre le mariage à tout moment, et celui qui le décide n’a pas besoin d’un motif plus sérieux que : « je n’ai plus envie d’être marié avec cette personne » — motif jugé suffisant par les tribunaux pour dissoudre un mariage
J’aimerais alors poser une question : « les prêtres catholiques devraient-ils participer à de telles cérémonies civiles ? » question purement rhétorique, car j’imagine que la réponse est évidente : « Ils ne devraient pas participer à de telles cérémonies. Les prêtres catholiques ne devraient célébrer que les mariages sacramentels. »
Il fut une époque où le mariage civil ressemblait sérieusement au mariage Catholique en étant virtuellement indissoluble. Il n’était pas rigoureusement indissoluble, les États-Unis étant à l’origine un pays Protestant, et les pays Protestants admettant le divorce pour au moins un motif, l’adultère.
Fin XIXème, début XXème siècles, le divorce civil — alors admis dans la plupart des États pour d’autres motifs que l’adultère — devint plus accessible aux États-Unis. Mais il était rare et difficile à obtenir : difficile à faire prononcer, et socialement peu admis, car l’opinion y était encore très réticente.
Vers le milieu du XXème siècle, en raison, entre autres, de l’exemple donné par de nombreuses vedettes de Hollywood, le divorce suivi de remariage était devenu fort courant en Amérique ; il y avait cependant encore bien des obstacles légaux, et l’opinion publique éprouvait encore de l’hostilité à cet égard.
Mais vers la fin des années 1960 et durant la décennie suivante, les États-Unis ont vécu une « révolution du divorce ». Au cours de cette décennie, la fréquence des divorces a atteint des niveaux astronomiques,avec un sommet en 1979, puis se stabilisant à ce niveau élevé pendant une vingtaine d’années ; elle a légèrement chuté ces dernières années, mais reste encore fort élevée.
À ce fort taux de divorce deux causes se recouvrant mutuellement : d’une prt, la révolution sexuelle des années 1960-1970 : cette révolution a affaibli, sinon effacé, la plupart des restrictions au comportement sexuel ; et puisque le mariage implique inévitablement des restrictions importantes à la vie sexuelle, il n’est pas étrange que le mariage puisse être plus facilement rompu.
L’autre cause réside dans les nouvelles lois relatives au divorce prononcé sans qu’une faute ait été commise, lois parues vers la même époque. Ces lois permettaient le divorce sans qu’aucun des conjoints ait commis une « faute » légale. Les conjoints pouvaient désormais divorcer parce qu’ils déclaraient leur ménage « irrémédiablement » brisé ou parce qu’ils éprouvaient des « différences incompatibles ».
S’il fut un temps au cours de l’histoire de l’Amérique où l’idée de mariage civil avait une forte ressemblance avec l’idée catholique du mariage sacramentel, cette époque a totalement disparu vers la fin des années 1970.
Mais il y a pire ! Avec le « Mariage homo » — qui est devenu légal dans tous les États américains depuis la sentence Obergefell de la Cour Suprême U.S. de juin 2015 — la déclaration imaginaire citée au premier paragraphe de cet article se verrait bien étendue .
Le célébrant, procédant, en tant qu’agent de l’état-civil, à un mariage, devra ajouter :
« Vous venez de contracter une union civile entre un homme et une femme, ou entre un homme et un homme, ou entre une femme et une femme. L’institution civile du mariage à laquelle vous avez choisi d’adhérer n’est ni permanente, ni spécifiquement propre au sexe. Elle n’a aucune ressemblance avec l’institution catholique traditionnelle du mariage. Mais je me sens grandement honoré et privilégié de pouvoir procéder à cette cérémonie essentiellement non-chrétienne — grotesque caricature du mariage authentique. »
J’avoue qu’il y a d’excellentes raisons pour un couple se mariant lors d’une cérémonie catholique à vouloir bénéficier en même temps des avantages du mariage civil, aussi dégradée que soit à présent devenue cette institution. Une facilité : après la cérémonie du mariage religieux dans une église catholique, le couple pourrait faire un petit détour par la Mairie ou le Tribunal de la ville. avant de se rendre à la réception conjugale. Il y aurait alors une seconde cérémonie, le mariage civil.
Mais pour l’Église, la participation au mariage civil signifie, en plus du côté choquant pour la fonction du célébrant, que l’Église n’a en réalité guère d’objection à la priorité donnée au mariage civil.
Par contre, si l’Église catholique américaine proclamait :
« Nous ne participerons plus à ces simulacres de mariages »,
le message contraire serait diffusé. L’Église déclarera tant pour ses membres que pour le monde entier
« Nous avons vraiment la foi en l’idée traditionnelle du mariage catholique. »
11 janvier 2019
Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/01/11/separating-civil-from-religious-weddings/
Mariage Bohémien – Edvard Munch, 1925 – Musée Munch, Oslo
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