En me levant l’autre jour, je râlais : « Pourquoi suis-je de mauvais poil ? »
Puis je me rappelai : « Pas de mauvais poil, seulement vieux. »
Et quand le corps commence à craquer, l’esprit commence à échapper, aussi ai-je commencé à faire de vigoureux exercices physiques et à noter des choses. Je ne peux me rappeler tout, bien sûr, et comme l’écrivait le cardinal Newman, « Nous devons former nos esprits à ignorer beaucoup, si nous voulions tout connaître »
De toute façon, mes oublis ne sont pas démence, simplement cela vient de l’âge – bien que personne n’ait mesuré les dépôts d’amyloïde bêta, les enchevêtrements neurofibrillaires hippocampiques ou les plaques névritiques dans mon cerveau.
J’ai commencé avec mon problème Norma Shearer. C’était une beauté lumineuse et une très bonne actrice, et la première fois que je l’ai vue dans Marie-Antoinette, je me suis dit : c’est une actrice inoubliable. Pourtant pour certaine mystérieuse raison, il me semblait que je ne pouvais jamais me rappeler son nom. Je pensais à elle, je la voyais, et je citais ses films et me rappelais son premier mari (Irving Thalberg), mais j’avais beau chercher, je ne pouvais ressortir son nom. C’est drôle, hein. Eh bien, non.
Et donc j’ai démarré sur mon ordinateur un fichier « Choses auxquelles je me réfère. » J’ai pensé à le doubler par un fichier « Choses que je ne peux me rappeler » mais ce n’était pas bon, étant donné que ce que je ne peux vraiment me rappeler ne peut pas être mis en liste et parce que mon intérêt concerne les choses que je me rappelle en partie (visages et non les noms) : des gens dont parfois j’aime écrire ou parler. En ce qui me concerne, le reste de ce que je ne peux me rappeler est un tas de chats que je laisse dormir (« ne réveillez pas le chat qui dort »). Norma est mon alpha.
Quand ce dossier Word a été installé, j’ai commencé à ajouter le nom d’autres acteurs – personnages, surtout – dont les identités m’échappaient sans cesse. Assez tôt je me suis rendu compte que les noms et les titres de films étaient insuffisants, flottant sans signification sur la page sans les visages qui eux sont puissamment mnémoniques. Ainsi, le nom de Norma Shearer est accompagné de sa photo, bien que dans son cas ce n’ait pas été nécessaire. Ce n’est pas la même chose cependant pour Sir Guy Standing qui joua avec Fredric March dans un de mes films préférés, Death taches a Holiday/ « La Mort prend des vacances » (1934)
Pourtant même ce remède à l’oubli peut être déficient comme ce l’était pour Shearer : un cas classique de blocage de la mémoire. Aussi chaque fois que je trébuchais sur son nom, je me disais en moi-même : « Non Sûr » N.S.= Norma Shearer. Problème résolu !
Mais je n’ai pas ce moyen mnémotechnique pour Sir Guy. D’ailleurs, je le reconnaîtrais probablement dans quelques-uns des films qu’il a faits, avec quel maquillage, contexte etc. Ce n’est pas vrai cependant pour Eric Blore (dont le nom aussi m’échappait souvent) parce que sa voix est inoubliable. (Il était le Crapaud dans le dessin animé de Disney, The Wind in the Willows/ « Le vent dans les saules ») Dans ce cas, placer son nom et sa photo dans le dossier a été suffisant.
Alors, eurêka ! Il m’est arrivé d’utiliser ce dossier qui s’allonge sans cesse pour des choses plus sérieuses : pour mes citations préférées que je cite intégralement et dont je note les références. Par exemple, j’aime beaucoup citer l’acide Jonathan Swift de cette façon : « Vous ne pouvez faire entendre raison à un homme pour lui faire quitter une idée qu’il s’est faite sans avoir utilisé sa raison. » Après avoir fouillé (pour un résultat tout à fait agréable), j’ai maintenant une entrée dans « Les choses dont je parle ».
Swift : “Reasoning will never make a Man correct an ill Opinion, which by Reasoning he never acquired.” (« Raisonner ne fera jamais corriger à quelqu’un une mauvaise opinion, à laquelle il n’est jamais parvenu en raisonnant ») A Letter to a Young Gentleman, intégré plus tard dans Holy Orders by a Person of Quality,1721.
Cela m’a conduit à ajouter des mots et de citations de l’Ecriture. Ceci n’est qu’une amplification des « Citations » et maintenant existe comme l’une des catégories qui se multiplient dans le dossier, incluant Acteurs, Définitions, Prononciation, Citations, Ecriture, Sports.
Par exemple j’ai compilé une réponse à une description souvent inexacte de la façon dont mes chers Buckeyes ont gagné le premier championnat national de football universitaire (2014). Les gens disent que c’est à cause du « quart-arrière de seconde zone » Cardale Jones. Il a été fabuleux, intervenant dans le dernier match de la saison contre Michigan après que le starter eut brisé sa cheville, mais la réelle raison de cette série de quatre victoires consécutives a été le porteur de ballon Ezekiel Elliott. Ses résultats de fin de saison Michigan (121 mètres) ; Wisconsin (220 mètres), Alabama (230 mètres), Oregon (246 mètres). Je suis abasourdi chaque fois que je regarde ces résultats, maintenant confondus dans ma mémoire. Ou, sinon, difficiles à retrouver.
Mais c’est la collection de citations bibliques et de termes de théologie qui m’aide le plus à ce moment de ma vie. Et quand je rencontre une citation d’un mot que je reconnais comme un mot que souvent je n’arrive pas à me rappeler, je prends le temps de le placer dans « Les choses auxquelles je me réfère » de façon à ce qu’il y reste fixé.
C’est souvent un peu plus qu’une définition de dictionnaire, comme dans le Merrial-Webster sur théodicée : « affirmation de la justice divine spécialement quand il s’agit d’ordonner et de permettre le mal naturel et moral. » Pourtant il vient davantage, parce que j’ai découvert que connaître la forme simple m’envoie sur la piste de la forme complexe, avec des résultats parfois déconcertants. Dans le cas de « théodicée », les entrées qui s’y rapportent dans mon petit glossaire sont mysterium tremendum et numinous avec renvoi aux articles sur Rudolph Otto.
J’ai aussi des difficultés à me rappeler comment prononcer certains mots – quelle que soit la fréquence avec laquelle je les ai cherchés (je suis allé à l’Université mais je suis surtout un autodidacte). Pour ces mots je m’adresse à Emma Saving, un guide de prononciation en ligne qui a pour ambition de dire chaque mot en anglais, pour un vocabulaire aussi important que koinè et Chalcédoine. Si voir est croire, c’est la même chose pour entendre. Je suis un peu amoureux d’Emma, mais c’est bon, c’est un produit de l’ordinateur.
J’ai éliminé du fichier quelques phrases dans des langues que je ne connais pas et ne m’y réfère que pour me remémorer ce que d’autres disent. Oui, parfois je note du latin.
L’autre jour, j’ai écrit au père Schall et à propos de je ne sais quoi, j’ai glissé un Sic transit gloria mundi, auquel j’ai ajouté « Je suis allé à l’Université avec Gloria Mundi ; Une gentille fille. »
Je vous souhaite un merveilleux lundi.
4 février 2019
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Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/02/04/things-i-refer-to/
Brad Miner est rédacteur en chef de The Catholic Thing, chargé de cours au Faith & Reason Institute, et secrétaire du Bureau de l’Aide à l’Église en détresse aux USA. Ila été conseiller littéraire de la National Review. Son nouveau livre, Sons of St. Patrick, écrit en collaboration avec George J. Marlin est maintenant en vente. The Compleat Gentleman, est disponible en audio.