Singulière visite que celle du pape François aux Émirats arabes unis. Le Saint-Père est arrivé hier à Abu Dhabi, à l’invitation des autorités qui entendent faire de 2019 une année de tolérance. Il ne pouvait que se féliciter d’une pareille initiative qui permet d’envisager un mode de relation pacifique, voire bienveillant entre chrétiens et musulmans. Ce faisant, il est dans la continuité de saint Jean-Paul II, qui, lors des deux rencontres mémorables d’Assise, avait voulu engager les religions du monde dans une démarche commune, à l’encontre de l’opinion tenace qui veut que la religion divise les hommes et soit facteur de guerre. « La foi en Dieu réunit et ne divise pas, déclare François, elle nous rapproche malgré nos différences, elle éloigne les hostilités et l’aversion. »
Le Pape émet-il un souhait ou entend-il conduire une action d’approfondissement d’ordre spirituel, propre à lever les obstacles à une entente entre fidèles participant de traditions différentes ? Son prédécesseur Benoît XVI avait soigneusement distingué entre le dialogue œcuménique qui concerne les chrétiens (et aussi les juifs dans la mesure où nous participons avec eux de la Première Alliance) et le dialogue interreligieux. Ce dernier ne peut se placer sur un terrain directement théologique, faute d’une tradition vraiment commune, en dépit du monothéisme de l’islam.
Il est vrai que certains spécialistes opèrent des distinctions à propos de ce monothéisme. Ainsi Christian Jambet, dans la suite de son maître Henry Corbin, remarque que le djihadisme se rattache à un courant qui rend inconcevable une relation de Dieu avec le monde et l’humanité, si bien qu’on peut parler d’agnosticisme et que cela peut expliquer le nihilisme des terroristes. À l’encontre de cet agnosticisme, d’autres courants, du côté du soufisme sunnite et du chiisme imamite soutiennent une relation paradoxale entre Dieu et l’homme, qui peut les rapprocher du monothéisme chrétien. Mais nous n’en sommes pas encore à ce genre de discussion, même dans les Émirats, où il s’agit de cultiver d’abord la tolérance effective, qui permet aux nombreux catholiques présents d’accéder librement à leurs lieux de culte.