Notre confrère, l’hebdomadaire protestant Réforme, titrait la semaine dernière sur une interrogation : « Où va l’Église catholique ? » Et de préciser : « Abus sexuels, conflits de générations, crises de l’autorité pour ne pas dire des vocations : les catholiques en France sont partagés entre retour à la tradition et réformes radicales. » Cette attention à notre égard de la part de nos frères protestants n’est évidemment pas indemne de présupposés qui s’enracinent dans l’histoire conflictuelle de nos Églises. Le choix des interlocuteurs ou des « experts » n’est pas neutre, même si un réel effort est fait pour tenir compte d’une certaine diversité d’éclairages. Au terme d’une enquête forcément rapide il est bien difficile de tirer des conclusions. Par ailleurs, le protestantisme n’est-il pas, lui aussi, confronté à des difficultés, voué à des divisions, qui ajoutent aux incertitudes du christianisme aujourd’hui ?
Pourtant, c’est la voie protestante qui semble privilégiée dans cette analyse, avec la mise en valeur de « la conscience individuelle » à l’encontre de l’obéissance catholique (Denis Pelletier), et du « droit à la parole dont jouissent les citoyens dans la société politique » (Joseph Moingt) et encore de la promotion des laïcs « qui devraient être intimement associés à la gouvernance, animer des paroisses et contribuer à la vie sacramentelle » (Anne Soupa). Sans vouloir minimiser ce qu’il peut y avoir d’intéressant dans cette intention d’associer plus largement le laïcat, et notamment les femmes, à la vitalité des paroisses et des communautés, il faut prendre conscience de ce qu’elle comporte d’élitisme. Ces revendications, même dans ce qu’elles ont de légitime, sont portées par de petites minorités qui ne reflètent pas nécessairement les attentes de toute une population frustrée de relation avec la culture chrétienne et la nourriture des sacrements.
Ce qui s’est défait dans les années soixante, c’est une forme de sociabilité chrétienne partagée au profit d’un autre type de société, où les médias se sont emparés de l’imaginaire collectif pour produire une autre représentation de la vie sociale. Ce qui s’est perdu, c’est fondamentalement la révélation biblique de l’Alliance de Dieu avec les hommes, pénétrant les consciences et rassemblant les communautés, le christianisme étant forcément social (de Lubac). Cette dimension de la sociabilité chrétienne est à réaffirmer avant toute revendication individualiste. De ce point de vue, ce qu’il y a de puissant dans le mouvement évangélique est à méditer, en ce qu’il consonne avec le catholicisme, dans son exigence de foi et d’affirmation visible. Ce dont nous avons besoin, c’est d’abord de témoins de l’Évangile en capacité de recréer la solidarité de la charité. Cela s’exprime dans une institution qui se reçoit, non de nous-mêmes, mais du Dieu en trois personnes.
Pour aller plus loin :
- Discours final du Pape – Sommet sur la protection des mineurs
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- La paternité-maternité spirituelle en vie monastique est-elle menacée en Occident ?
- LA « MODERNITÉ » : UN CENTENAIRE OUBLIÉ