La foi catholique enseigne que l’univers a été créé par le Dieu unique, vivant et vrai, source de tous les êtres et de tout ce qui est bon, qui a donné naissance au monde par Son amour infini. Dans cette optique, tout dans l’univers est une expression, une incarnation de l’amour de Dieu, nous y compris. Nous participons à l’amour de Dieu d’une façon spéciale parce que nous sommes « créés à l’image de Dieu » et sommes par conséquent capables de coopérer avec l’acte de création aimant et donneur de vie de Dieu.
Quand un catholique agit par amour désintéressé envers une autre personne, alors cela a du sens. Il croit que l’amour désintéressé et la générosité débordante sont tissés de l’étoffe de l’univers tel que Dieu l’a créé. Quand nous agissons en accord avec ce même Esprit de bienveillance aimante par lequel le monde a été créé, les choses sont en ordre nous faisons ce pour quoi nous sommes faits. Cela a autant de sens pour un catholique que de brancher une lampe et de l’allumer. C’est quand la lampe ne s’allume pas que nous sentons que quelque chose va de travers.
La foi nous enseigne également que nous sommes des créatures déchues qui nous sommes détournées de Dieu et qui avons endommagé nos aptitudes natives. Souvent, au lieu de faire le bien que nous voulons, nous faisons le mal que nous ne voulons pas. Et dans notre condition détériorée, même notre intelligence est souvent aveugle à la vérité en ce qui concerne le monde.
Nous pensons que ce qui est mal est bien, ou nous nous imaginons que des gens innocents sont nos ennemis. Au lieu de voir les autres gens comme des humains comme nous, possédant une infinie dignité, des pécheurs pardonnés par un Dieu qui est mort pour les racheter eux et nous, nous les considérons comme « les autres », « des extra-terrestres ». Nous les déshumanisons en quelque chose d’infra-humain afin de pouvoir les asservir, les contrôler ou même les exterminer.
Alors quand un catholique agit mal, par égoïsme, avidité ou colère, cela aussi a du sens. C’est tragique, mais pas inattendu. Quand l’électricité de la maison est coupée, nous ne nous attendons pas à ce que les lampes s’allument. Cela a du sens qu’elles soient hors service, peu importe les désagréments qui en découlent. Les catholiques ne devraient pas se chercher des excuses ou prendre leurs péchés à la légère, mais ces péchés sont une part explicable de nos vies – et de la vision chrétienne du monde.
Cependant, la situation est bien différente pour les sécularistes modernes. Ne me comprenez pas de travers, s’il vous plaît. Je ne suggère pas que les sécularistes modernes ne s’engagent pas fréquemment dans des actes de bienveillance désintéressés. Tout le contraire. Le problème est qu’ils le font.
Maintenant, il est vrai que pour ceux qui partagent la vision du monde chrétienne, ce n’est pas un problème ; c’est une bénédiction. Mais si vous pensez que le monde est un néant dépourvu de sens et que les humains sont un sous-produit accidentel d’une antique explosion cosmique par laquelle la « soupe » primordiale à partir de laquelle nous avons évolué a été dispersée dans l’univers en motifs aléatoires qui, lorsque congelés d’une certaine façon sous certaines conditions, ont produit les briques de construction de la vie, lesquelles, suivant la loi de survivance des plus adaptés, nous ont produits nous – alors il est difficile de comprendre pourquoi vous voudriez vous compliquer la vie à vous engager dans des actes de bienveillance désintéressés.
Si c’est un univers vide de sens et si les humains sont, comme un auteur l’a écrit, « une minuscule et éphémère étincelle solitaire dans un vaste cosmos qui semble n’avoir ni objet ni but », et si nous ne sommes rien d’autre que des êtres matériels luttant pour survivre dans un univers purement matériel, le plus raisonnable ne serait-il pas de soumettre à votre volonté et à votre contrôle la plus grande quantité de monde matériel que vous pourrez, incluant ces choses matérielles spécialement troublantes que nous appelons « les autres êtres humains » ?
Je ne dis pas que cela ne pourrait pas avoir de sens, si nécessaire, d’entrer dans une sorte d’arrangement avec vos camarades humains – un genre de trêve ou de contrat social – pour éviter d’être tué par d’autres gens. Mais il n’y aurait pas de réelle raison de ne pas violer cette trêve si vous pensez pouvoir vous en sortir impunément. Ou de mentir si cela vous apporte plus de richesse ou de pouvoir, ou un meilleur statut. Vous ne penseriez pas aux « générations futures » parce qu’elles n’auraient pas plus à revendiquer de vous que vos voisins actuels avec lesquels vous seriez en compétition constante pour vous assurer un profit maximum.
Ce qui est étrange, c’est quand des gens qui déclarent avoir une vision nihiliste et purement matérialiste de l’univers font vraiment quelque chose d’altruiste et louent les autres de faire de même. Quand nous trouvons un séculariste purement matérialiste exhortant les gens à « se soucier des pauvres » ou à « préserver l’environnement pour les générations futures » ou à « cesser de traiter les femmes comme des objets sexuels », n’ont-ils pas « vendu la mèche » ? N’ont-ils pas montré qu’en dépit de leurs paroles, dans leur vraie vie, eux également acceptent qu’il y ait des standards objectifs de moralité et de valeur ?
Un chrétien a toutes les raisons du monde d’être altruiste. Il comprend pourquoi il n’agit pas toujours dans ce sens, mais il sait qu’il le devrait. Un séculariste nihiliste bassement matérialiste ne peut pas trouver de telles raisons dans le monde qui l’entoure. Quand il agit de façon contraire à la vision de la réalité qu’il professe, nous pouvons seulement dire : « vos actions ne sont pas cohérentes avec vos croyances. Mais que Dieu en soit remercié. »
Les sécularistes sont souvent étrangement ravis quand des chrétiens échouent à vivre en accord avec la vision du monde et les valeurs qu’ils proclament. Les chrétiens on de meilleures raisons d’être ravis quand des sécularistes échouent à vivre en accord avec la vision du monde qu’ils proclament.
Car se pourrait-il que la valeur morale que notre société place en des choses telles que dire la vérité et ne pas falsifier les données ; la préoccupation que nous avons que les progrès de la science profitent aux générations futures et les vertus que nous développons pour permettre une paix et une stabilité relatives dans la société de sorte que la science puisse se développer – que toutes ces choses dépendent, ironiquement du fait que la majorité des gens dans la société n’ont pas accepté la vision du monde séculariste et croient à la place dans les valeurs morales objectives que le nihilisme et le matérialisme réducteur proclament « non scientifiques » ?
Ne serait-ce pas ironique ?
Randall B. Smith est professeur de théologie (chaire Scanlan) à l’université Saint Thomas de Houston.
Illustration : « Lamentation » (il s’agit des funérailles d’un très jeune enfant) par Karol Tichy, vers 1900 [musée national de Varsovie, Pologne]
Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/01/02/a-foolish-blessed-inconsistency/