L’allocution du président de la République, hier soir à 20h, était empreinte de gravité et d’une force incontestable. Elle signifiait, sans conteste, un tournant du quinquennat. Il n’est pas possible encore, en dépit de réelles décisions concrètes, de déterminer à quel point ce tournant va marquer une révolution au sens d’un changement radical d’orientation de la politique économique. Comment cette nouvelle impulsion va-t-elle se traduire tout au long de l’année 2019 ? Cette volonté de retrouver la France profonde, en allant à la rencontre des maires à travers tout le pays, constitue-t-elle une remise en cause des tendances lourdes mises en évidence par le géographe Christophe Guilluy ? Sans doute était-il difficile d’envisager une stratégie à long terme, alors qu’il fallait répondre, de façon urgente, aux colères qui s’expriment sur les ronds points de nos provinces.
De plus, cette allocution a-t-elle produit le choc psychologique propre à désarmer la révolte des gilets jaunes ? Les premières réactions enregistrées hier soir montraient que ce n’était pas gagné. La réplique immédiate d’un Jean-Luc Mélenchon constituait un appel, non seulement à la continuation du mouvement mais même à son amplification avec comme point de mire le rendez-vous de samedi. De la part du leader de La France insoumise, c’était prendre une grande responsabilité, car il sait très bien que la revendication se trouve associée à une violence qui a pris une allure insurrectionnelle. Peut-on prendre le risque d’encourager la propagation d’un incendie dont on se demande si les forces de l’ordre seront en mesure, demain, d’arrêter les ravages ?
Au moment où le président parlait, la ville de Guéret en Creuse était envahie par les paysans du département et les carrefours prenaient feu. Si Emmanuel Macron n’a pas convaincu, faut-il se résigner à l’amplification de la révolte ou trouvera-t-on les moyens d’une négociation nationale avec tous les partenaires que le président avait réunis, lundi matin, à l’Élysée ? Emmanuel Macron a demandé aux Français de l’aider. Sa bonne volonté ne pourra accomplir tous les miracles. Hier soir, c’est une lourde incertitude qui planait sur notre avenir le plus immédiat.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 11 décembre 2018.