Si « amour » et loi » vous semblent deux termes opposés – si vous avez dans l’idée que l’on doit seulement « aimer et faire ce que l’on veut » – alors considérez ce passage populaire :
L’amour est patient ; l’amour est chaleureux ; il n’est ni envieux, ni vantard, ni arrogant ni malpoli. Il ne cherche pas son propre intérêt ; il n’est ni irascible ni rancunier ; il ne se réjouit pas de l’injustice mais il se réjouit de la vérité. Il résiste à tout, croit tout, espère tout, supporte tout. (1 Corinthiens 13:4-7)
Beaucoup de gens admirent ce passage. Vous l’entendrez souvent lors de mariages, même lors de mariages non-chrétiens. Des gens l’accrochent sur leur mur, imprimé sur des photos de tournesols. Il faut reconnaître que c’est très beau. Alors prenons un moment pour penser à ce que cela signifie.
Si nous prenons ce passage au sérieux, alors nous devrions nous poser à nous-mêmes certaines questions révélatrices et potentiellement gênantes sur la façon dont nous aimons réellement. Devenir plus aimant ou devenir une personne plus aimante est peut-être un peu trop flou pour la plupart des gens. Peut-être devrions-nous faire une liste basée sur ce passage et nous poser plusieurs questions bien concrètes et personnelles.
• Ai-je été patient aujourd’hui ( vis à vis des requêtes de ma mère, des histoires de mon oncle qui déraille, quand la serveuse a pris ma commande de travers ou quand j’ai dû attendre au feu rouge) ?
• Ai-je été gentil avec les autres aujourd’hui ? Ai-je été généreux ? Très généreux ? Un peu ? Ou pas du tout ?
• Ai-je été envieux, vantard, arrogant ou malpoli ? Peut-être les quatre à la fois ?
• Ai-je exigé – de façon répétée – ce qui était dans mon propre intérêt ?
• Ai-je été irascible ou rancunier ? Un peu (et qui y a vraiment prêté attention) ? Beaucoup ? A peu près toute la journée ?
• Me suis-je réjoui du mal ? (par exemple, ai-je apprécié de faire la mauvaise langue ? Suis-je satisfait de ma manière d’éviter la tricherie et le mensonge?)
• Est-ce que je me réjouis de la vérité ? Ou ai-je pour défaut d’accumuler les « demi-vérités » ou « ma vérité » ou « ce qui me met en colère » ?
• Est-ce que je supporte les fautes avec compréhension et pardon, les malheurs avec dignité, continuant de croire en Dieu, aux autres et à moi-même et donc continuant à espérer ? Ou est-ce que je m’abandonne au cynisme et au désespoir, devenant irritable et rancunier, cherchant mon propre intérêt et traitant les gens avec rudesse et impatience quand je n’ai pas pu obtenir ce que je voulais ?
Vous voyez ? Si vous aimez le son de ce passage de la Première Lettre aux Corinthiens, et si vous pensez depuis longtemps qu’il y a du vrai dedans, alors examinez la liste et demandez-vous : « à quel point suis-je réellement aimant ? »
Remarquez que nous n’avons pas dit : « l’Eglise vous prescrit de faire x, y ou z ». Ou « la Bible vous commande de faire ces choses ou vous irez en Enfer ». (Serions-nous des protestants ? Bien que pour être honnêtes, les protestants nous ont souvent utilement rappelé que l’on ne « gagne » pas le Ciel par nos bonnes œuvres.)
Ce sont des considérations légitimes, mais nous ne les avons pas abordées ici. La question n’est pas de savoir si j’aime ce passage de la Première Lettre aux Corinthiens, ou si quelqu’un d’autre l’aime. La question est de savoir si vous, vous l’aimez, et si c’est le cas, ce que vous voulez faire, quels changements voulez-vous apporter dans votre vie si vous pensez que cette Lettre dit vrai ?
Il n’est pas question de savoir si vous voulez être « moral » ou être « un bon chrétien ». Pour le moment, nous sommes simplement en train de demander si vous êtes la personne que vous voulez être, et si vous voulez devenir la personne que vous dites vouloir devenir – la sorte de personne que vous dites admirer. Faire remarquer qu’il y a une « logique interne » ou une « cohérence intérieure » dans l’amour n’est pas la même chose que commander que vous agissiez d’une certaine façon ou même que vous deveniez plus aimant. Ce choix est vôtre.
Je ne pose pas non plus à « l’expert » – comme quelqu’un étant spécialement bon moi-même dans l’exercice d’aimer. Nous avons été guidés par ce beau passage dans 1 Corinthiens 13, lequel est largement admiré par des gens de toutes religions comme un conseil d’une grande sagesse. Si cela est – et beaucoup de gens semblent penser que c’est le cas – alors la question à poser est : comment ces mots s’appliquent-ils dans ma vie ?
Si ce passage ressemble à une bonne description de l’amour et si je désire être une personne aimante, n’est-il pas important de se demander si la personne décrite dans ce passage me ressemble assez ? Ou pour être honnête, pas tant que cela en fait ?
Si, après réflexion, nous devenons conscients de certaines occasions où nous avons échoué à aimer (et rappelez-vous, « échoué » non aux yeux de l’Eglise mais au sens de ne pas atteindre les normes de l’amour telles que nous les proclamons), alors, la Bonne Nouvelle, pour nous, pourrait être que, en dépit de ces échecs, il y a toujours de l’espoir.
Le message chrétien est que l’amour qui nous a créés ainsi que l’univers tout entier est un amour si grand qu’il est entré dans notre nature déchue en s’incarnant pour nous montrer que l’amour de Dieu peut vaincre même notre manque d’amour. Comme nous le dit Jean (1 Jean 4), nous aimons parce que Dieu nous a aimés le premier.
Une vie humaine sans un amour désintéressé tel que celui décrit dans 1 Corinthiens 13 est comme un tournesol sans soleil. Rapidement, il se fane et meurt. Donc, comme le tournesol, nous avons besoin de rester tournés vers le soleil et ensuite de garder en nous cet ensoleillement pour le transformer en quelque chose de beau.
Si vous pensez pourvoir vous réjouir en faisant le mal ; en encourageant l’envie, la vantardise, l’arrogance et le manque de correction envers les autres ; cherchant toujours votre propre intérêt ; passant votre vie à être irascible et rancunier, à faire fi de la vérité et être cependant florissant comme un tournesol en bonne santé, et bien je vous suggère que vous n’avez absolument rien compris à 1 Corinthiens 13:4-7.
Ni à l’amour.
Randall Smith est professeur de théologie (chaire Scanlan) à l’université Saint Thomas de Houston.
Illustration : « Les bougies de mariage » par Marc Chagall, 1945 [collection particulière]
Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/12/05/the-laws-of-love/