Paris, mais pas seulement Paris, a connu samedi une soirée d’émeutes, avec des scènes de guerre civile. Il est évident que le ministère de l’Intérieur et les forces de l’ordre ont été débordés. Que faire face à une telle violence, sinon déployer une autre violence qui nous amène à l’impasse. Certaines personnalités de l’opposition ont accusé le gouvernement de vouloir tirer profit de la situation, qui commence à susciter l’indignation de la population contre pareille chienlit. Je n’y crois pas du tout parce qu’il y a aussi risque pour le pouvoir de révéler son impuissance et de perdre le peu de confiance qu’il garde encore dans l’opinion.
Qu’on le veuille ou pas, il est extrêmement difficile de s’affronter à un phénomène de cet ordre, puisqu’il ne dispose d’aucune structure organisée et que le Premier ministre peine à trouver des interlocuteurs qui se trouvent très vite désavoués par la base. Par ailleurs, l’anarchie – au sens étymologique du terme – des gilets jaunes explique aussi leur fragilité par rapport à ce qu’on appelle les casseurs, ces professionnels de la rue qui excellent à profiter de l’agitation sociale. Il est patent que beaucoup de gilets finissent par se laisser entraîner dans des processus de débordement, au grand dam de ceux qui désespèrent de manifester pacifiquement.
Allons-nous vers la proclamation de l’état d’urgence ? Il n’est pas possible d’envisager d’autres journées d’émeutes qui nous renverraient à la révolte des banlieues de 2005. Celles qu’eurent à affronter sous Jacques Chirac, le premier ministre Dominique de Villepin et le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy. Ces émeutes ne mettaient pas du tout en cause le même public. Les banlieues dites à risque et les gilets jaunes, ce sont deux mondes différents, même s’ils sont tous les deux inflammables. Aucun signe pour le moment de contagion entre eux ! Encore heureux pour Emmanuel Macron, qui va devoir dénouer au plus vite la crise actuelle. Ce sera forcément par des décisions ciblées par rapport aux revendications des gilets jaunes, en aucun cas par de simples mesures d’ordre public.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 3 décembre 2018.