Lorsque le président de la République admettait qu’il y avait une rupture entre l’autorité, donc lui-même, et la base du pays, il anticipait sur ce qui s’est passé dans toute la France, samedi et dimanche. Très exactement, il avait dit : « Je n’ai pas réussi à réconcilier le peuple français avec ses dirigeants. » Il s’agit bien du peuple tout entier. Et lorsqu’on observe le radicalisme des gilets jaunes, on est obligé de conclure que le désaccord peut tourner à l’aigre. Sans doute, y a-t-il incertitude sur l’avenir du mouvement. Pourra-t-il se prolonger, alors qu’il s’agit d’une initiative spontanée d’une base qui s’est auto-organisée, sans encadrement syndical, sans structure d’aucune sorte, sans trésor de guerre ?
Tout est possible, on verra très vite s’il s’est agi d’un feu de paille ou si la colère de la France profonde débouche sur un conflit direct avec l’exécutif. Tout de même, dimanche, il s’agissait d’accéder à l’Élysée. Pendant plusieurs heures, les gilets jaunes ont tenté de contourner les cordons de CRS qui protégeaient le palais présidentiel. Avec les cortèges syndicaux habituels, cela n’arrive jamais. C’est même impensable. Mais la logique du mouvement est celle d’un bras de fer direct où il s’agit de faire plier l’État, certains n’hésitant pas à réclamer la démission des principaux responsables.
Emmanuel Macron, de son côté, est persuadé que cette colère dépasse le territoire national pour s’étendre à toute l’Europe. C’est la mondialisation, avec ses flux économiques, qui est en cause, poussant à la relégation des régions périphériques hors du périmètre de l’expansion réservée à des catégories privilégiées de la population. Mais alors, il ne suffira pas de répondre aux revendications immédiates, à la demande de suppression des taxes qui ont mis le feu aux poudres. C’est la réorganisation globale de l’économie qui est en cause et qui exige, en préalable, des retrouvailles urgentes avec les catégories révoltées et la France périphérique en général.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 19 novembre 2018.
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