Les deux piécettes de la pauvre veuve - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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Les deux piécettes de la pauvre veuve

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A l’heure où nous sommes pris, sollicités, éberlués, bluffés ou inquiets par le spectaculaire, le démesuré, le gigantisme parfois, la rapidité des transactions financières et leur volume considérable, hors du travail humain proprement dit, la mondialisation de l’économie et la domination des marchés, l’exploitation sans précédent des ressources planétaires, l’envie presque irrépressible de l’homme de transgresser ses limites biologiques naturelles… bref dans un monde moderne ou post-moderne, où l’on ne sait plus très bien – ou plus du tout – ce qui est normal, sain, régulier, à échelle humaine… le geste de cette pauvre veuve, exalté aujourd’hui par Jésus – cette femme pauvre qui donne deux petites pièces de monnaie comme contribution au service du Temple de Jérusalem ; ce geste discret et modeste – sans effet appréciable sur les finances liées au culte – mais pour elle, et pour le Seigneur, hautement significatif, puisqu’elle se prive pour l’accomplir de biens essentiels à sa vie…; ce geste de la veuve prend la valeur d’un symbole d’authenticité, d’équilibre, d’humanité saine, vertueuse et religieuse dans l’accomplissement des petites choses pour l’amour de Dieu.

Le remarquable est que Jésus le donne en exemple, ce geste, en contraste non seulement avec le don copieux de gens riches, mais surtout en opposition à la vanité ou à l‘orgueil de maîtres influents et hauts placés «qui tiennent à se promener en vêtements d’apparat et qui aiment les salutations sur les places publiques, les sièges d’honneur dans les synagogues et les places d’honneur dans les dîners. » Pendant ce temps, « ces gens dévorent les biens des veuves et, pour l’apparence, font de longues prières… »

Les transpositions ne sont pas très difficiles à faire (longues prières excepté): Combien de gens riches et puissants, de nos jours, cherchent des honneurs, soignent leur réputation, veillent à leur respectabilité et se flattent surtout d’être utiles au progrès et au bien-être de l’humanité, alors qu’ils pensent premièrement à se servir et à faire prospérer leurs affaires, et alimentent projets et performances d’un monde qui irait irrémédiablement à sa perte, si on laissait libre carrière à leurs entreprises monopolistiques sous le signe de l’accaparement, « légal » ou non, de biens terrestres communs, et de la violation, consentie ou programmée, des droits fondamentaux de pauvres sur-exploités ou de citoyens tranquillement dépossédés…

Or, il ne s’agit pas, selon l’Evangile, de produire toujours plus, d’accumuler toujours plus de richesses, de construire toujours plus grand, de s’étendre toujours davantage, d’aller toujours plus vite pour traverser continents et mers, en un mot « de gagner l’univers » (Mt 16, 26), de réaliser les prouesses scientifiques nous permettant de transgresser notre condition et nos limites, de nous prétendre seigneurs et maîtres d’une nature qui est notre mère, dont nous faisons partie et dont nous devons être les gérants respectueux.
Il s’agit premièrement pour nous de vivre bien : de grandir humblement, sagement, moralement, généreusement au milieu des nôtres et de notre peuple, « devant Dieu et devant les hommes » (Lc 2, 52), et avec la préoccupation de gagner la vie éternelle.

A notre mesure, à notre échelle, selon nos capacités et nos lumières, donnons, comme la pauvre veuve citée en exemple, nos deux piécettes d’argent – un peu plus, si possible – afin que la justice progresse chez nous et autour de nous. Contribuons ainsi, par un engagement puisé dans nos réserves d’existence (matérielles, psychologiques, spirituelles…) à rendre le monde plus humain, libre de la violence, de la volonté de puissance, de l’orgueil de la richesse et de la démesure. – et qui attire sur lui la faveur de Dieu et les bénédictions du ciel.

9-10 novembre 2018