La lecture des journaux, hier, donnait une idée fort intéressante des débats actuels sur les réformes des programmes dans l’enseignement secondaire. Toutes les disciplines sont à peu près touchées, et d’abord les plus formatrices pour l’esprit. La philosophie. Une pétition publiée par Le Monde réclame un élargissement des références à des auteurs extra-européens. La géographie. Une autre pétition s’indigne d’abdications majeures, qui concernent les grandes dynamiques de la géopolitique du monde contemporain. Ce qui constituerait une catastrophe absolue à l’heure de Trump et de Poutine, de l’islamisme radical, du règne des GAFA sur le net et de la remilitarisation de l’espace.
L’histoire. La Croix s’intéresse aux programmes d’histoire. Elle a demandé à quatre historiens, de sensibilités différentes, d’exposer leur propre conception de l’enseignement dans le monde tel qu’il est. Difficile de faire une synthèse de ces quatre points de vue. Mais à les lire, on a le sentiment que l’école demeure, quoi qu’on dise, le lieu d’une formation spécifique, originale, que rien ne remplacera, et sûrement pas les médias. Quant à l’utilisation d’internet, elle est tout entière subordonnée à une culture générale qui permet de dominer l’instrument et lui faire rendre les meilleurs services.
Quant aux querelles sur les programmes, elles mettent en cause une philosophie générale de l’existence, qui rappelle ce que Charles Péguy écrivait sur le même sujet en 1904 : « Les crises de l’enseignement ne sont pas des crises de l’enseignement ; elles sont des crises de vie ; elles dénoncent, elles représentent des crises de vie elles-mêmes ; elles sont des crises de vie partielles, éminentes qui annoncent et accusent des crises de la vie générales. » Ce texte est connu, mais on devrait le méditer régulièrement, surtout aujourd’hui où il semble que ce qu’on appelle « humanisme » vole en éclats. En fait, la querelle est ancienne. Elle est au cœur de ce qu’on appelle les Lumières. Quelle est la culture qui convient vraiment à la formation de l’esprit ? Il faut, disait encore Péguy, qu’une société soit capable d’enseigner.