Dans le remaniement gouvernemental qui vient d’avoir lieu, la véritable nouveauté concerne sans doute la création d’un grand ministère des Territoires sous la direction de Jacqueline Gourault. Cette fidèle de François Bayrou est créditée d’une excellente connaissance des associations d’élus locaux, et elle aura une rude tâche pour recoller les morceaux avec les collectivités territoriales en grave dissension avec le pouvoir. Sans doute, cette tâche a des aspects immédiatement techniques. Il faudra procéder à une refonte de la fiscalité locale déséquilibrée par la suppression de la taxe d’habitation. Mais plus généralement, il s’agira, au-delà des retrouvailles nécessaires, de s’attaquer à un véritable problème de civilisation qui ne concerne pas, d’ailleurs, la seule France.
À diverses reprises, j’ai évoqué, dans cette chronique, les travaux du géographe Christophe Guilluy, qui a mis en évidence l’existence d’une « France périphérique », à l’écart des grandes métropoles, et ne bénéficiant pas, bien au contraire, de la dynamique de la mondialisation et de ses flux économiques. Dans un nouvel essai1, où il étend sa recherche à l’ensemble des sociétés occidentales, il réitère sa démonstration. L’ancienne classe moyenne se trouve reléguée dans des espaces ruraux et périurbains. Cependant, elle disposerait d’un pouvoir de riposte, celui qui aurait permis à un Donald Trump de conquérir la Maison-Blanche.
Guilluy est en proie à de vives contestations de la part de collègues qui mettent en cause son systématisme. Le débat est-il possible ? Le quotidien Libération, qui s’était fait l’écho des contradicteurs, affirme que ceux-ci ne sont pas fermés à toute discussion et qu’il y aurait tout avantage à sortir des postures purement politiques et idéologiques. Guilluy ne se serait-il pas radicalisé à cause des attaques concertées dont il a fait l’objet ? Dans un climat plus serein, il serait possible de mieux comprendre la vérité qu’il a mise à jour et qui a une réelle légitimité. Mais on devrait reconnaître aussi la complexité de certains rapports sociaux qui ne se ramènent pas à des clivages binaires. Le grand ministère des Territoires, d’une façon ou d’une autre, sera confronté à cette réalité, qui constitue un véritable défi pour longtemps.
