Pourquoi canoniser tous les papes contemporains ? Paul VI après Jean XXIII et Jean-Paul II ? J’ai entendu plusieurs fois cette interrogation, ces temps-ci, le plus souvent sur le mode négatif, comme s’il s’agissait de la part de l’Église hiérarchique d’une sorte de manœuvre pour s’auto-justifier. Qui plus est, dans une période de crise intense, certains voudraient que la hiérarchie, et singulièrement la papauté, se livrent bien plutôt à une sévère autocritique. Je ne suis, personnellement, pas d’accord avec cette opinion et désire m’en expliquer brièvement.
Tout d’abord, les papes ne sont pas seuls, loin de là à être canonisés, puisque Paul VI était accompagné de l’héroïque Mgr Romero, de deux fondatrices de congrégations religieuses, de deux prêtres et d’un jeune laïc mort à 19 ans. Et puis une précision s’impose, Paul VI n’a pas été canonisé parce qu’il a mené à bien le concile Vatican II, mais en raison de la sainteté de son existence personnelle. On parle traditionnellement à ce propos d’« héroïcité des vertus ». Je préfère pour ma part la formule de Bernanos, que saint Jean-Paul II avait rappelée lors de son voyage à Lyon : « Les saints ont le génie de l’amour. » L’ascétisme, en lui-même, ne suffit pas à caractériser la sainteté, même s’il est une marque de détachement de soi-même. Nous savons, par son secrétaire, qu’il arrivait à Giovanni Battista Montini de porter un cilice. Ce qui d’ailleurs souvent nous déconcerte aujourd’hui mais renvoie à ce qu’il y a d’héroïque et aussi d’exceptionnel chez les hommes et les femmes que l’Église nous invite à prier.
Pourtant, dira-t-on, le concile Vatican II a proclamé la vocation universelle des chrétiens à la sainteté. Et l’on peut penser que Paul VI n’est pas pour rien dans cette insistance de l’enseignement du concile. Oui, mais voilà, la sainteté n’enferme pas dans une catégorie, une sorte d’aristocratie fermée sur elle-même. Elle est exigence de communion et d’entraînement mutuel. Ajoutons que les saints proclamés sont des modèles appelés à être nos familiers, et que les les papes sont, de vocation, nos familiers à tous.