La canonisation du pape Paul VI, Jean-Baptiste Montini, dimanche place Saint-Pierre, est l’occasion de revisiter le grand œuvre de son pontificat, le concile Vatican II. Il n’est pas sûr, en effet, qu’il soit bien compris. Il s’éloigne dans le temps et, en dehors de ceux qui apprennent la théologie et ont forcément étudié ses constitutions, ils sont sans doute peu nombreux les catholiques, qui, aujourd’hui, se réfèrent directement aux actes de Vatican II. Éric Zemmour, dont je parlais hier et qui se définit comme « un Français de rituel juif et de culture catholique », ne semble pas apprécier beaucoup un concile à l’égard duquel il conçoit de gros soupçons, dans la ligne d’un Chesterton condamnant des idées chrétiennes devenues folles.
Il est vrai que, selon l’expression du cardinal de Lubac, Vatican II a souvent été trahi, dans sa lettre et dans son esprit. Mais si l’on veut vraiment l’apprécier, il faut retourner aux textes eux-mêmes, pour en discerner la doctrine. Paul VI, à la suite de Jean XXIII, n’avait nullement l’intention d’édulcorer le message, encore moins de le réduire à une sorte d’humanisme consensuel. Il s’agissait, au contraire, d’offrir au monde contemporain une synthèse complète du mystère chrétien. En ce sens, il se différenciait de la tradition conciliaire qui avait correspondu à la nécessité de combattre des hérésies qui mettaient en péril la substance de la foi. Il y avait une chance à saisir. Plutôt que de s’engager encore dans une posture négative dénonçant les erreurs du moment, il était préférable de s’engager dans une présentation complètement positive du trésor de la Révélation, pour qu’il brille aux yeux de ce monde contemporain.
Paul VI avait un grand ami français, le philosophe Jean Guitton, avec lequel il avait régulièrement des conversations approfondies. Or, Guitton avait compris que Vatican II devait être une prise de conscience, par l’Église entière, de son mystère total. Il ne se terminera pas, disait-il, « par la définition d’un point de foi particulier, mais par un exposé universel ou du moins très vaste ». Paul VI était complètement acquis à cette conception théologique avec ses conséquences directement pastorales. Sa canonisation peut être l’occasion de restituer son intention plénière, à l’encontre des chemins de traverse qui ont fait perdre de vue l’axe fondamental de Vatican II.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 11 octobre 2018.
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