Je ne serais pas capable de prononcer un hommage digne de l’immense artiste qui vient de nous quitter. Je lis dans tous les journaux les biographies de Charles Aznavour et elles m’émerveillent quant aux qualités humaines et non seulement artistiques de ce chanteur profondément enraciné dans ses origines arméniennes et donc hanté par la tragédie de son peuple. Il était devenu le plus Français des Français, un de nos grands poètes. Je n’ai qu’un seul souvenir personnel de lui. Je me suis, en effet, trouvé à ses côtés dans l’église Saint-Séverin, lors des obsèques de son ami Marcel Jullian, qui était aussi le mien. J’avais été touché par cette présence fidèle et discrète.
J’ai réécouté plusieurs de ses chansons, et j’y ai retrouvé son étonnante humanité, celle qu’il savait parfois hausser jusqu’à la prière, avec cet Ave Maria interprété devant Jean-Paul II au grand mémorial construit à Erevan en souvenir du génocide de 1915-1916. Est-ce le même Ave Maria qu’il avait chanté à Bercy, lors de son dernier concert, à 93 ans ? C’était le 13 décembre 2017, devant 20 000 spectateurs. Sur le site Aleteia j’ai trouvé une évocation de cette soirée mémorable : « Bercy se tait face à cet homme, seul et inondé de bleu, qui évoque la Vierge, et qui lui demande de consoler ceux qui pleurent, ceux qui souffrent, elle qui subit la souffrance, qui a épousé la souffrance, avec délicatesse et courage, en offrant son fils dont la mort rachète tous les hommes. »
On me reprochera peut-être de tirer un peu trop Charles Aznavour du côté de la foi, lui qui était d’abord un baladin. Bien sûr, mais les baladins ont aussi leur message, qui, grâce à leur talent singulier, nous émeut. Ce n’est pas superflu dans le monde et la culture d’aujourd’hui, si nous nous fions à la une de nos hebdomadaires, attachés à glorifier celui qu’ils appellent « le penseur le plus important de notre temps ». Celui qui nous enferme dans un univers purement technicien. Univers qui intègre l’instrumentalisation de la procréation, où le père charnel est remplacé par la technique et où le parrain universel devient l’État, pour reprendre l’heureuse formule de Marin de Viry. Par bonheur, Aznavour c’était notre humanité vive !