Le pape François a fait récemment modifier le texte du Catéchisme de l’Eglise catholique sur le sujet : la peine de mort n’est acceptable en aucun cas, elle doit être abolie car elle s’oppose au respect absolu qui est dû à la dignité de la personne humaine, et les catholiques sont invités à oeuvrer dans ce sens.
Je crois que le meilleur argument que l’on puisse invoquer contre la peine de mort est la possibilité de l’erreur judiciaire, irréparable, à l’encontre des personnes qui la subissent. L’autre argument d’un poids énorme est aussi l’infamie de procès politiques faits pour se débarrasser d’opposants indésirables.
Mais dans ce cas l’injustice concerne plus encore la perversité de ces procès indignes que la radicalité de la sentence exécutoire. C’est le cas dans maints régimes dictatoriaux.
Je ne suis pas favorable à la peine de mort, mais je pense qu’il y a beaucoup plus urgent que de militer pour son abolition dans les pays où elle existe encore, pays dont le nombre est en diminution.
Pourquoi ? Premièrement parce que les personnes coupables à qui elle s’applique représentent un nombre d’êtres humains infiniment moins important que celui des petits embryons humains innocents condamnés à mort de par le monde par avortement. Plus de cinquante millions ! Voilà une urgence première, incontournable et absolue, valable pour tous : lutter contre ce fléau, qui relève souvent de la barbarie, lorsque ses motivations, personnelles ou sociales, sont d’une objective et affligeante légèreté, au regard du prix incommensurable de la vie humaine en gestation.
Il ne faudrait pas que le combat légitime pou l’abolition de la peine de mort, occulte ou fasse passer au second plan ce que doit être l’engagement chrétien primordial et indiscutable contre la pratique généralisée de l’avortement, jouissant, non pas de la seule tolérance des Etats, mais des faveurs de certains d’entre eux. La France fait partie, hélas ! de ces derniers.
Il est remarquable que dans la classe politique et l’opinion en général, la prise de position contre la peine de mort soit considérée comme progressiste, et la prise de position contre l’avortement conservatrice et rétrograde… Autrement dit, on se situe dans le sens de l’histoire et du progrès, on se donne bonne conscience à peu de frais en approuvant l’abolition de la peine de mort, et plus encore en luttant pour cette cause ; mais on est un démocrate déclassé ou, pire, un religieux fasciste si on défend le premier des droits de l’enfant, support de tous les autres, qui est celui de vivre…
Alors je crains que cette modification du Catéchisme de l’Eglise catholique dans le sens qu’on a dit ne fasse involontairement le jeu de cette répartition aberrante et hypocrite.
Dernière considération : la grande théologie classique médiévale légitimait le tyrannicide, pourvu que certaines conditions soient réunies. Autrement dit, pour le bien supérieur de la communauté, il pouvait être légitime de tuer le dépositaire suprême de l’autorité. Cette action est presque impensable dans le contexte actuel. Mais il reste comme enseignement, me semble-t-il, que l’exécution d’une personne coupable de crimes ne s’oppose pas radicalement à la morale chrétienne. La foi dans la survie et dans le jugement de Dieu permettent d’affirmer que la personne exécutée n’est pas totalement supprimée et anéantie, mais transférée dans un autre espace et remise entre les mains de Dieu. Des athées qui ne le croient pas pensent au contraire que la vie terrestre telle que nous la connaissons est dépourvue de prolongement, qu’elle est donc notre unique bien à respecter absolument. Ils sont pour cette raison, et pour d’autres, contre la peine de mort.
Que n’ont-ils la même attitude s’agissant des petits d’homme dans le sein de leur mère… ?
16 août 2018
PS du 19 août :
Il y a deux ou trois ans, une revue chrétienne importante avait publié une interview à Robert Badinter, ex-garde des sceaux de François Mitterrand et auteur de la loi française Abolition de la peine de mort. A la lecture de l’article qui faisait l’état de la situation dans le monde et s’interrogeait avec compétence et sensibilité sur les perspectives d’avenir, je fus surpris et déçu du silence complet de Robert Badinter sur le drame, au moins parallèle, que constitue la mort infligée, par avortement volontaire, aux êtres humains récemment apparus à la vie dans le sein de leur mère. Un autre type de condamnation à mort, en masse….
Mais après tout, ce silence était explicable, vu la configuration de certaine pensée socialiste et libérale en matière de mœurs.
J’écrivis toutefois à la rédaction de la revue chrétienne pour demander pourquoi elle n’avait pas essayé au moins de brancher M. Badinter sur cette autre question, et suggéré peut-être de sa part un engagement déterminé comparable dans le sens de la défense de la vie éliminée des tout-petits…., mais par forcément par le moyen d’une loi.
La personne en charge adjointe à la rédaction me répondit succinctement (et apparemment sans hésiter) qu’elle ne voyait pas le rapport entre les deux sujets.
Signe éloquent et navrant de l’hémiplégie mentale et spirituelle de la population française, y compris chrétienne, en ce domaine, et du travail qu’il nous reste à accomplir.
Benoit A Dumas
Pour aller plus loin :
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- EXHORTATION APOSTOLIQUE POST-SYNODALE « AFRICAE MUNUS » DU PAPE BENOÎT XVI
- LA « MODERNITÉ » : UN CENTENAIRE OUBLIÉ
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- CE QUE DIT LE FER À REPASSER