L’acte conjugal a une signification à la fois unitive et procréative, c’est ce que nous dit avec autorité Humanae Vitae, dont le cinquantième anniversaire est ce 25 juillet, mais ce n’est pas le seul endroit. On nous dit également que ces significations sont inséparables. Ainsi, les couples qui pensent qu’ils réalisent la seule dimension unitive en utilisant la contraception, se trompent et ne la réalisent pas du tout. Ils transforment ce qui apparaît comme des actes d’amour en une simple coordination d’égoïsmes (ainsi que le dit Wotyla dans Amour et responsabilité).
Un acte matrimonial isolé, pourtant, semble suffisant pour que sa signification procréative ait toute sa force, à savoir lorsqu’un enfant est conçu. Le couple s’unit rien qu’une fois et, comme cela arrive, il procrée avec succès. Donc, si les significations unitive et procréative sont inséparables, est-ce qu’il s’ensuit qu’un seul acte conjugal puisse être suffisant également pour que sa signification unitive ait toute sa force ?
Je veux affirmer que oui, pas simplement en soi, mais pour aider à réfuter une hérésie actuelle. Selon cette hérésie, lorsque les couples se marient, ils devraient vouloir deux choses : engendrer et élever des enfants, et jouir de la satisfaction sexuelle pendant leur vie. Que l’on appelle cette seconde chose « compagnonnage sexuel », « une bonne vie sexuelle » ou « intimité continuelle » ou autre. L’hérésie consiste à dire que cette seconde chose, ou la contribution à cela de l’acte conjugal, est ce que signifie la dimension unitive.
Certains disent même qu’un couple marié a droit à « la satisfaction sexuelle ». Mais comme la grossesse, l’accouchement et les tensions du rôle parental sont tout simplement en contradiction avec cette « satisfaction sexuelle », il apparaîtrait que la contraception est nécessaire pour équilibrer les deux, dans ce qu’on appelle « la parentalité responsable ».
Pour cette hérésie, une fois n’est pas assez, aucun nombre de fois n’est jamais suffisant. L’acte sexuel a une signification purement progressive, en tant que contribuant à une vie d’accomplissement sexuel. L’acte suivant est toujours nécessaire pour entretenir cette satisfaction et même, pour la prouver. L’acte passé doit apparaître comme comptant pour rien.
Mais une fois est suffisante pour ce qui est de la plus importante unité dans le mariage, par laquelle ils deviennent deux en une seule chair : « Un mariage valide entre baptisés est déclaré seulement ratifié s’il n’a pas été consommé, il est appelé ratifié et consommé si les conjoints ont effectué entre eux de manière humaine un acte conjugal qui est adapté par lui-même à la procréation d’une progéniture, à laquelle le mariage est ordonné par nature et par lequel les époux deviennent une seule chair. » (CEC 1061, §1)
Et il y a effectivement de nombreux couples pour lesquels une fois est suffisante pour tous les types d’unité. Vous connaissez probablement de ces couples – mon oncle et ma tante étaient de ceux là – il était soldat et elle, sa chérie du lycée. Ils se sont mariés juste avant qu’il fût envoyé en Europe pendant la Seconde Guerre mondiale. Il a passé trois ans au loin.
Supposons, pour l’amour de l’argumentation, que leur lune de miel n’ait duré qu’une nuit. La consommation lors de cette unique nuit, ou leur mariage vu par ce prisme, n’a-t-elle pas été suffisante pour qu’il pût affirmer, pendant toutes ces années, avoir eu toutes les formes de l’union conjugale ? Ainsi, il a eu une raison importante de refuser de rendre visite à des prostituées ou de flirter avec les jeunes filles des villes françaises.
Le cas est encore plus fort, évidemment, si un enfant est conçu. Dans le film The Natural (« Le Meilleur »), Iris (le personnage joué par Glen Close) envoie à Roy Hobbs (Robert Redford) un mot, en disant au messager : « J’ai ici son fils. Il ne sait pas que son fils existe. » Lorsque Hobb (sur la liste d’attente) lit le message et réalise que cet unique acte avec cette femme quatorze ans plus tôt a conçu un enfant, il ne met pas en balance le fait d’avoir un fils avec elle avec le manque de satisfaction sexuelle avec elle, pendant leurs années de séparation, comme si le manque de respect de l’un pourrait toucher l’unité dans le respect de l’autre. On le mépriserait, s’il le faisait. Au lieu de quoi, dans le film, il doit délibérément rejeter comme un idéal faux et rival, le compagnonnage sexuel promis par Memo (Kim Basinger).
L’attitude « une fois suffit » est autant rétrospective que prospective. Un homme au cœur pur, pendant qu’il fait sa cour, désire être uni avec sa bien-aimée. Lorsqu’il la gagne, il garde cette union dans son cœur. Ce qui était désir avant devient reconnaissance ensuite. La gratitude n’est jamais statique. Mais chaque union ultérieure, selon cette manière de la comprendre, est libre et non obligée. Il n’y a pas de nécessité de constituer quoi que ce soit – la satisfaction sexuelle continuelle – parce que l’unité de la chair dans le mariage existe déjà, ce que le couple va naturellement vouloir perpétuer et rappeler.
J’ai dit que la signification procréative pouvait atteindre sa pleine force dans un acte conjugal unique. En fait, non : parce que la procréation, pour les êtres humains, n’est pas seulement la conception d’une nouvelle vie, mais aussi la croissance et l’éducation de cet être pendant une durée de l’ordre de vingt ans. Donc, la signification procréative n’est pas quelque chose d’inerte, elle doit être obtenue par la volonté délibérée des parents qui coopèrent ensemble. Mais dans ce même sens, elle peut remplir la signification unitive, si parents choisissent délibérément de voir la croissance des enfants comme un mode de réalisation de leur union en une seule chair.
On ne peut pas discuter de la bonne direction de la volonté ni de “voir” les choses de la bonne façon sans introduire les vertus. C’est pourquoi c’est une calomnie de dire, comme certains, contre l’enseignement du magistère de Jean-Paul II, qu’il ne parvient pas à apprécier les difficultés des couples mariés qui sont dans la nécessité de s’abstenir.
Ce que j’ai appelé l’hérésie de la satisfaction sexuelle, il en parle comme de la « concupiscence » Il conclut sa célèbre catéchèse sur la théologie du corps avec une longue discussion sur la vertu de « continence » au service de « la chasteté conjugale » qui « se révèle petit à petit comme une capacité singulière de percevoir, d’aimer et de pratiquer ces significations du langage du corps qui restent complètement inconnues de la concupiscence. »
https://www.thecatholicthing.org/2018/07/24/humanae-vitaes-singular-vision/
Michael Pakaluk, spécialiste d’Aristote et Ordinaire de l’Académie pontificale de St Thomas d’Aquin, est professeur à l’École Busch des Affaires et d’Économie à l’Université Catholique d’Amérique. Il habite à Hyattsville, Maryland, avec son épouse Catherine, également professeur à l’École Busch, et leur huit enfants.