Prométhée déchaîné - France Catholique
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« Ô Marie conçue sans péché »
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Prométhée déchaîné

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Prométhée – non pas le Prométhée de Shelley ou de Byron, mais le Prométhée d’Eschyle et des anciens Grecs – n’était pas un libérateur ni un martyr. Pour avoir dérobé aux dieux le feu, il a eu ce qu’il méritait. Il essayait de renverser l’ordre naturel et divin. Il a commis quelque chose ressemblant au péché d’Adam. Il a tenté ce qui ne pouvait être fait.

Les anciens Grecs étaient plus subtils et profonds que nous ne le pensons. Leur mythologie n’était pas superficielle, ainsi qu’on l’a enseigné à nos enfants. (de nos jours cela n’est même plus enseigné.) Nous les imaginons encore comme des révolutionnaires; comme des iconoclastes d’une sorte ou d’une autre. Ils étaient le contraire.

Nous les imaginons comme étant des hommes qui ont refaçonné le monde; comme les libérateurs « scientifiques » de la superstition primordiale et de la tyrannie; comme des Prométhées opposés à un Jupîter qui est insignifiant et vindicatif. Nous les célébrons en tant qu’initiateurs de la « civilisation occidentale », et en fin de compte, du modernisme. De ce point de vue moderne, ils n’étaient pas passifs; ils prirent leur propre destin dans leurs propres mains et leur héritage est liberté d’expression et investigation. Nous les plaçons en opposition aux Prophètes Hébreux de la loi.

Lisez Hésiode avec attention. Relisez Eschyle: dont les fragments survivant de la trilogie de Prométhée sont lus aujourd’hui de manière anachronique et dans une fausse lumière romantique. Notons que le châtiment infligé à Prométhée fut éternel; qu’avec le feu éternel il apporte la misère humaine. Eschyle était un tragédien et non un comédien; il ne cherche pas à créer une fin heureuse.

Il n’était certainement pas un « progressiste » dans le sens moderne du terme.

Les dieux peuvent être impénétrables pour nous.. Ils ne répondent pas à nos propres convenances. Cependant, un don plus important que le feu ou la roue, quelque autre avantage naturel, a été donné à l’homme dès le commencement. Nous sommes capables de discerner l’ordre des choses, et de travailler avec, plutôt que contre, le grain de réalité. La révélation chrétienne vint comme un achèvement, une perfection de la compréhension des choses des Grecs.

C’est arrivé comme un coup tranchant le noeud. Le conflit d’Oreste au coeur de la tragédie – tout à fait analogue au mythe de Prométhée – fut résolu de façon imprévisible. Une harmonie de l’humain avec la volonté divine était proposée à l’esprit des Grecs. Elle est venue dans le monde non par un agent humain, mais par un agent divin, sous la forme d’un homme, en humilité totale. La philosophie et la théologie convergeaient.

Comme nous approchons de l’anniversaire de l’encyclique Humanae Vitae du Pape Paul – maintenant menacée d’être révisée par les esprits spécieux qui dominent à Rome – je pense à cette plus ancienne histoire.

L’intérêt de l’homme n’est pas de se rebeller. Il y a en ce monde un ordre des choses, un grain de réalité, que nous pouvons accepter ou refuser. Comme les païens grecs le savaient, on ne peut pas le changer. Mais comme les Chrétiens l’enseignaient, on peut l’embrasser. Nous pouvons être sauvés des conséquences de nos propres révoltes, par la confiance et la foi dans cet ordre divin, par chaque aspect convergeant non sur Prométhée, mais sur le Christ.

Le pape Paul VI a laissé un legs en demi-teinte. Homme de foi réelle, il essaya d’accommoder l’esprit de la modernité, de façon désastreuse. Cependant dans ses méditations et prières les plus profondes, présentes dans le texte de sa grande encyclique, il a rencontré ce Dieu immuable, qui Est, donneur des lois et non un quelconque légiste. Il réussit autant qu’humainement possible à expliquer les lois divines dans des termes de la raison humaine.

Pour moi, il y a un demi-siècle, ce fut une déclaration choquante.

Je n’oublierai jamais un train estival, de Buffalo à Cleveland. dans un kiosque de la vieille gare de Buffalo j’avais pris un exemplaire d’un journal catholique qui présentait le texte complet de l’Encyclique, en traduction anglaise. je l’avais acheté car j’avais beaucoup de temps à tuer.

Après cela, je devins un adolescent athée, crache-le-feu et un persécuteur de charmants chrétiens dans les cafétérias des universités. Mon intention était de me procurer davantage de munitions contre les chrétiens en général et contre les catholiques en particulier.

Pendant ce voyage en train, je lus cette encyclique avec attention. Je le fis deux fois. La première lecture me désorienta : car le document était intelligemment argumenté. A la deuxième lecture, je commençais à voir, les prémices ayant été donnés et honnêtement admis, que l’argumentation était irréfutable. Pour la railler, je devrais la falsifier.

Je réalisai que je pourrais ignorer les prémices; mais si je le faisais, je devrais argumenter que l’Homme était une créature sans grande signification morale; que la vie hum:aine n’a pas d’importance. J’étais un adolescent raisonnablement intelligent. Je pouvais voir les conséquences d’une telle position.

L’année 1968 fut pour d’autres raisons une année mémorable. De tant de manières, il devint clair que l’homme occidental tentait le suicide. Les convulsions des campus universitaires américains et à leur suite, les événements parallèles à Paris et à travers toute l’Europe, se mirent à retentir dans les journaux. Même alors, mon naturel « conservatisme » était atterré; spécialement par la couardise des personnages les plus en vue, abandonnant leurs positions. Il me sembla que le pape Paul avait échoué.

Mon athéisme était dur, même si brouillé en interne. Il a survécu à cette rencontre pendant plusieurs années encore. Mais je n’étais plus capable de prétendre que la position catholique et chrétienne sur la vie humaine était (comme beaucoup de la génération de mes parents le pensaient) ridicule. Plutôt, je pouvais voir que la ligne sur la vie humaine devait être tirée au moment de la conception, et non pas à la naissance, et que l’avortement est un meurtre.

Revenant à l’université d’une petite ville de l’Ontario (pour la dernière année avant mon départ), j’augmentais ma réputation grandissante d’excentricité. Dans les cercles de débats d’étudiants, dont je faisais partie, j’argumentais maintenant – franchement en tant qu’athée – que le Pape Paul avait tout à fait raison. si nous laissons le terrain libre à la contraception, nous serions vraiment sur la pente glissante vers le véritable barbarisme meurtrier. (Ceci dans une ville protestante qui méprisait de même manière les athées et les papistes)

Un demi-siècle a confirmé chaque prédiction.

Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/07/20/prometheus-unbound-2/


David Warren est un précédent éditeur de Idler magazine et est chroniqueur dans les journaux canadiens. Il a expérience approfondie dans le Moyen Orient et l’Extreme-Orient. Son blog, «  Essays in Idleness, » peut maintenant être trouvé sur le site : davidwarrenonline.com.