Le village de Champeaux en Seine-et-Marne est tout proche du célèbre château de Vaux-le-Vicomte lié au souvenir du surintendant des finances Nicolas Fouquet et de sa disgrâce par Louis XIV. Mais on ne saurait trop recommander aux visiteurs du château de franchir les quelques kilomètres qui les séparent de Champeaux. Ils auraient le bonheur de contempler la grande collégiale construite à partir du XIIe siècle et qui est une pure merveille. Elle aussi est liée à l’histoire de façon impressionnante, ne serait-ce qu’à cause de Guillaume de Champeaux qui est né dans le village, fut le maître d’Abélard et comme évêque de Châlons, ordonna prêtre saint Bernard. À cette période, la collégiale est liée à Notre-Dame de Paris en tant que centre liturgique, semble-t-il. Aujourd’hui encore, l’acoustique de l’édifice rend possible des enregistrements musicaux de choix, et c’est une des raisons pour lesquelles un festival de musique sacrée s’y déroule chaque année, à l’initiative de la magnifique famille Vauthrin.
Mais à partir de tels éléments, il n’y a pas de quoi faire le buzz, pourtant, il n’y a pas que la beauté de la collégiale, il y a toute une vie continuée jusqu’à nous avec ce qu’elle a apporté à une population fière de son patrimoine et de ce qui contribue à l’enrichir en dépit de l’humilité du lieu aujourd’hui. Mais, ne voilà-t-il pas que, brusquement, et d’une façon inopinée, la collégiale de Champeaux devient l’objet de toutes les attentions, à cause d’une petite vidéo visionnée des millions de fois, depuis sa mise en ligne jeudi dernier. Sur cette vidéo, aucune perspective sur les proportions de l’église, mais une concentration exclusive sur un geste tout à fait incongru. Un prêtre de 89 ans cède à un mouvement d’impatience, en giflant un enfant de deux ans et demi qu’il s’apprête à baptiser.
Évidemment c’est mal. Nul ne songe à excuser pareil geste. Mais de là à en faire l’objet d’une sorte de réprobation universelle qui met en émoi des millions de spectateurs, qui sont autant de voyeurs, il y a une marge. Je ne connais pas le prêtre en question mais je m’interroge. Est-il juste de jeter ainsi l’opprobre sur un vieil homme, dont la vie a constitué, j’imagine, un service continuel du prochain. La conscience universelle n’a-t-elle pas mieux à faire qu’à s’indigner d’un geste nerveux, qui mérite sans doute réprimande de l’évêque, mais sûrement pas cet étalage public tout à fait indécent.