Il y a vingt ans, avant que j’aie eu le privilège d’entrer dans l’Eglise catholique grâce aux dispositions pastorales pour le clergé précédemment anglican, j’étais prêtre épiscopalien pendant l’ « ecclesiacide » entrepris par l’évêque John Shelby Spong. L’instrument de l’exécution était ses « Douze thèses », collection hérétique de négations des articles de base de la foi chrétienne qu’il a promulguées en 1998, comme une sorte de caricature de la porte de Wittemberg. Je les reproduis ici au profit des lecteurs catholiques qui ne les ont probablement jamais vues et n’ont jamais réalisé combien de ce qu’elles contiennent est encore en usage dans nos églises.
Thèse 1 « le déisme comme manière de définir Dieu, est mort. On ne peut plus comprendre Dieu de façon crédible comme un être aux pouvoirs surnaturels, vivant au-dessus du ciel, et prêt à envahir l’histoire humaine périodiquement pour faire appliquer sa volonté divine. Aussi une grande partie des discours théologiques sur Dieu de nos jours n’ont pas de sens. Nous devons trouver une nouvelle manière de conceptualiser Dieu et de parler de Lui. »
Thèse 2 « Puisqu’on ne peut plus concevoir Dieu en termes théistes, il devient absurde de vouloir comprendre Jésus comme « l’incarnation d’une déité théiste. » Les concepts traditionnels de christologie d’autrefois sont de ce fait en faillite. »
Thèse 3 « L’histoire biblique de la création parfaite et finie d’où nous, les humains, sommes tombés dans le péché originel est une mythologie pré-Darwinienne, et un non-sens post-Darwinien. »
Thèse 4 « La naissance d’une vierge comprise en biologie littérale rend impossible la divinité du Christ, telle qu’on la comprend traditionnellement. »
Thèse 5 « Les histoires de miracles du Nouveau Testament ne peuvent plus être interprétées dans notre monde post Newtonien comme des évènements surnaturels réalisés par une déité incarnée. »
Thèse 6 « La vision de la croix comme sacrifice pour les péchés du monde est une idée barbare, basée sur des concepts primitifs de Dieu qu’il faut évacuer. »
Thèse 7 « La résurrection est une action de Dieu. Jésus a été élevé selon la volonté de Dieu. Ainsi, la Résurrection ne peut pas être le fait d’une « ressuscitation physique » à l’intérieur de l’histoire humaine. »
Thèse 8 « L’histoire de l’ascension de Jésus implique que l’univers ait trois niveaux et de ce fait, on ne peut pas la traduire dans la conception de l’espace de l’âge post Copernicien. »
Thèse 9 « Il n’existe pas dans l’Ecriture ou sur des tables de pierre, de critère révélé pour gouverner notre comportement éthique à tout jamais. »
Thèse 10 « La prière ne peut pas être une demande adressée à une déité théiste pour qu’elle agisse dans l’histoire humaine d’une façon particulière. »
Thèse 11 « L’espérance d’une vie après la mort doit être séparée à tout jamais de la morale qui contrôle la conduite par la carotte et le bâton. Aussi l’Eglise doit-elle cesser de se reposer sur la culpabilité comme motivation de conduite. »
Thèse 12 « Tous les êtres humains portent l’image de Dieu et doivent être respectés chacun pour ce qu’il est. C’est pourquoi, aucune description de l’aspect extérieur de quelqu’un, qu’elle soit basée sur la race, l’ethnie, le genre ou l’orientation sexuelle, et aucune foi basée sur les paroles humaines développées dans la religion dans laquelle chacun est élevé, ne peuvent être correctement utilisées comme base d’un quelconque rejet ou d’une quelconque discrimination. »
Les contradictions logiques internes (comparez les thèses 1 et 12 par exemple – quel Dieu, quelle image ?) sont nombreuses. Le relativisme moral et le subjectivisme sont patents.
Mais quelle que soit leur absurdité théologique pour un esprit catholique orthodoxe, le travail de Spong n’aurait pas pu avoir le succès radical qu’il a eu dans l’église épiscopalienne, qui est maintenant au bord de l’extinction, sans la complicité d’évêques de cette église. En effet, ils ont refusé de le sanctionner et de rejeter ses thèses. La déficience due à l’absence d’autorité dans la communion anglicane fut extrêmement poignante dans ce cas.
On a remarqué plus d’une fois que lorsque des évêques, pour le consacrer, se rassemblaient autour d’un nouvel évêque pour lui imposer les mains lors de sa consécration, ce qui se passait vraiment était qu’ils effectuaient une « spinectomie » (c.a.d . extraction du courage moral) et qu’ils exigeaient que le nouvel évêque s’engage par serment à ne jamais remettre en cause les méandres théologiques des autres évêques. Ceci fait penser à la fameuse phrase d’Edmund Burke comme quoi : « La seule chose nécessaire pour que le mal triomphe, est, pour les hommes bons, de ne rien faire ».
Dans l’Eglise catholique, nous avons des évêques courageux et fidèles, qui ont influencé ma vie et mon ministère, et ceux de beaucoup d’autres personnes aussi. Voici venir le temps d’une ardeur renouvelée face aux défis théologiques qui consistent, au mieux, à essayer de détourner les règles de la doctrine de l’Eglise, et au pire, à répandre l’hérésie aux Amériques et à l’étranger.
Les paroles de l’épitre de Jude sont aussi urgentes maintenant que toujours :
J’ai été contraint de vous écrire afin de vous exhorter à combattre pour la foi transmise aux saints une fois pour toutes. Car il s’est glissé parmi vous certains hommes qui depuis longtemps ont été marqués d’avance pour cette sentence : ces impies travestissent en débauche la grâce de notre Dieu et renient notre seul maître et seigneur Jésus Christ.
Il n’y a rien d’étonnant à ce que cette épitre n’ait jamais été placée dans le lectionnaire. Il est certain que j’espère que les méandres théologiques épiscopalien (avec un petit « e » ) actuels , surtout aux Etats Unis et en Europe, n’apparaîtront pas dans l’Eglise catholique comme ils l’ont fait dans l’Eglise Episcopalienne. J’ai déjà vu cela se produire, et cela ne finit pas bien.
4 mars 2018
Image: Jude l’apôtre par Anthony van Dyck, c. 1620 [Kunsthistorisches Museum, Vienne]
https://www.thecatholicthing.org/2018/03/04/deja-vu-all-over-again/
Pour aller plus loin :
- Liste des ouvriers pastoraux, Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laics tués en 2011 et 2010
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- LA « MODERNITÉ » : UN CENTENAIRE OUBLIÉ
- LE MINISTERE DE MGR GHIKA EN ROUMANIE (1940 – 1954)
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies