Le grand trompettiste de jazz classique de la Nouvelle Orléans Wynton Marsalis a dit dans une interview récente que le hip-hop et le rap ont fait plus de mal aux Afro-Américains que les monuments confédérés. « J’ai commencé à dire en 1985 que je ne pensais pas que nous devions avoir une musique parlant de nègres, de garces et de putes. Cela n’a pas eu d’impact. Je l’ai dit. Je l’ai répété. Je continue de le dire. Selon moi, c’est plus nocif qu’une statue de Robert E. Lee. »
Cela alors même que Marsalis est impliqué dans le mouvement pour l’enlèvement de la statue de Lee dans sa ville de résidence.
Des musiciens n’ont pas été d’accord avec lui, mais aucune personne douée de raison ne peut nier son point fondamental : « vous ne pouvez pas avoir un pipeline d’ordure comme position par défaut » sans qu’il laisse des traces sur la société.
Ce qui me ramène au référendum irlandais d’il y a quelques semaines et comment deux tiers d’un peuple ayant le passé de l’Irlande pouvait voter pour mettre à mort sa propre progéniture dans le sein maternel. Si vous ne l’avez pas fait jusqu’ici, regardez les photos des célébrations d’après référendum : une majorité de jeunes, pas des mauvais gars, joyeusement convaincus qu’ils ont seulement fait avancer la liberté et l’égalité pour les femmes.
Ils ont en réalité et par ignorance fait avancer l’équivalent de l’esclavage pour notre époque et la déchéance pour les femmes qui choisissent d’abréger une vie innocente pour suivre leurs propres projets.
Je ne suis pas convaincu par les explications parcellaires : les évêques s’étant discrédités en couvrant des abus de prêtres, les séductions de la richesse sur le Tigre Celtique, « la course pour sortir du catholicisme et entrer dans la modernité » (comme déclarait joyeusement le ‘New York Times’. Ces facteurs ont joué, bien sûr, mais un peuple ferme dans la foi – ou tout au moins ayant les idées claires quant à ce que les êtres humains ont le droit ou pas de faire aux autres – n’aurait tout simplement pas approuvé de telles horreurs sans quelque chose de plus.
Les fans du groupe de rock parfois chrétien U2 ont été consterné que le groupe se soit exprimé en faveur de la libéralisation de l’avortement. Je n’ai jamais été fan et, de toute façon, je ne considère pas les groupes de rock comme des guides pour la vie morale.
Mais comme Wynton Marsalis, ces fans désappointés sont à deux doigts de quelque chose. Quand vous avez « un pipeline d’ordure comme position par défaut », cela va avoir des effets. De mauvais effets.
Parce que ce qui vient de se produire en Irlande est déjà arrivé depuis longtemps en Amérique. Nous avons une culture populaire dans laquelle l’abjection n’est pas un élément juste décrit parce qu’il fait partie de la vie humaine. Il y a des quantités de vilenies dans Dante, Shakespeare, Dickens et tous les grands artistes. Mais elles y sont de manière à ce qu’on puisse les reconnaître pour ce qu’elles sont pour nous en méfier – pas pour les porter aux nues.
Je n’écoute ni rap ni hip-hop mais je suis convaincu par les propos de Wynston Marsalis. Pratiquement toute notre culture populaire et même notre « culture de l’élite » – le gala blasphématoire du Met (NDT : le musée de New-York), avec la coopération du Vatican était plus une norme qu’une exception – fait partie du « pipeline destructeur ».
On nous a parlé d’évangéliser le monde – allant à la rencontre des gens et les accompagnant – depuis un demi-siècle. C’était l’un des buts de Vatican II quand Saint Jean XXIII l’a annoncé.
Mais comme nous le savons, le mouvement s’est largement fait dans la mauvaise direction. Le monde a évangélisé l’Eglise plutôt que l’inverse. Nous, catholiques « traditionnels », pleurons souvent sur les contestataires, les utopistes et les religieux malavisés – y compris certains dans les plus hautes sphères de l’Eglise – qui ont introduit la confusion et l’hétérodoxie. C’est une partie du problème.
Cependant, avons-nous fait assez attention à notre propre complicité en acceptant notre culture populaire comme « la position par défaut » dans le monde où nous vivons ?
La Fondation Pew – un institut de sondage fiable – dit que les deux tiers des catholiques sont maintenant favorable au « mariage » homosexuel, le même pourcentage que celui des Irlandais ayant voté pour en 2015. A peu près le même pourcentage d’Irlandais vient de voter pour légaliser l’avortement, alors que « seulement » une courte majorité des catholiques américains, 53%, pense que l’avortement devrait être autorisé dans certains cas.
Nous n’en sommes pas arrivés là uniquement à cause des dissidents. Nous avons besoin d’une direction plus ferme de la part de l’Eglise, bien évidemment, surtout au bénéfice des catholiques réellement pratiquants et qui sont par là même différents des catholiques en général. Nous n’avons pas besoin d’être « obsédés » et « d’insister » sur ces thèmes – pour user d’une critique maladroite du pape François à l’égard de nos frères catholiques. Mais nous avons vraiment besoin de faire du boucan quand nos principes moraux sont menacés, soit par la culture, soit – comme cela a récemment été le cas – par notre gouvernement même.
En vérité, nous avons besoin de faire deux choses pour nous sortir de ces problèmes. Premièrement, bien sûr, nous avons besoin de rester actifs pour nous protéger par tous les moyens à notre portée : actions en justice, manifestations, campagnes chocs dans les médias. Nous sommes catholiques – et Américains – et devons en permanence rappeler à nos concitoyens que nous avons des droits et que nous n’allons pas partir.
Deuxièmement, nous avons besoin d’être plus nombreux. Le nombre n’est pas toujours important. Les consacrés à Dieu sont généralement comme David contre Goliath : complètement désavantagés – en termes simplement humains. Jésus n’a eu besoin que de douze apôtres pour évangéliser le monde. Mais en des temps démocratiques – et en ne se fiant pas à un miracle pour nous sauver – nous avons besoin d’avoir bien plus de catholiques bien formés et d’autres qui savent pourquoi nous croyons et enseignons ce que nous croyons et enseignons.
Cela commence par soi-même. Le monde numérique offre plus de ressources accessibles à tout un chacun que cela n’a été le cas à aucun moment par le passé. A l’heure actuelle, cela ne coûte pas très cher d’acquérir une éducation catholique. Je viens de découvrir ce site internet (www.traditionalcatholic.co/freecatholicbooks/) où vous pouvez télécharger gratuitement des livres catholiques et les lire sur tout support.
Si vous êtes adulte, il n’est peut-être pas approprié de retourner à l’école, mais sur internet ou trouve toutes sortes de cours, séminaires, ateliers. Vous allez avoir besoin de ressources spéciales pour aller à contre-courant du « pipeline d’ordure ».
Par dessus tout, recherchez de saintes personnes : prêtres, religieux et religieuses, bons paroissiens, mais surtout pratiquez le discernement. Trop de personnes religieuses cherchent seulement à vendre quelque chose ou à gagner une argumentation. Mais d’autres se préoccupent sincèrement car elles ont elles-mêmes reçu amour, miséricorde et vérité. Ecoutez-les. Devenez l’une d’entre elles.
Robert Royal est rédacteur en chef de The Catholic Thing.
Illustration : une affiche de campagne pour le vote : « dites non à l’avortement à la demande »
Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/06/04/swimming-against-the-current/