Les sexes: Guerre & paix - France Catholique
Edit Template
« Ô Marie conçue sans péché »
Edit Template

Les sexes: Guerre & paix

Copier le lien

L’esprit de chevalerie n’est pas une idée évidente. Ce n’est pas aussi clair qu’une canne ferrée ou qu’un palmier. C’est un équilibre délicat entre les sexes qui donne un plaisir très rare à ceux qui peuvent l’atteindre. – G.K. Chesterton, La nouvelle Jérusalem (1920)

On pourra se souvenir de 2017 comme de l’année du Goujat. Nous savons tous les noms d’hommes coupables d’abus sexuels et on en sait plus encore qu’on ne le voudrait sur leurs escapades sordides, aussi ne vais-je pas ressasser là-dessus. En revanche, je souhaite m’adresser à la colère blanche manifestée dans beaucoup des informations, qui pourrait en conduire certains à conclure que la vieille « guerre des sexes » est devenue nucléaire.

Les femmes qui se sont dressées pour accuser leurs prédateurs – certaines après des années de silence – ont raison de le faire chaque fois que c’est la vérité qui se dévoile. Le féminisme a de nombreux visages – depuis le féminisme chrétien jusqu’au féminisme de genre – et, si disparate que puissent être les principes et le tempérament de chaque sorte de féminisme, chacune est fondée sur la conviction entièrement saine que les femmes ne sont pas des objets et que les hommes ne doivent jamais les maltraiter. Et certains féministes affirment une sorte d’égalité absolue entre les sexes, qui est certainement crédible au sens légal, intellectuel et moral.

Mais nous ne devons pas nous imaginer que les différences : mâle – femelle, n’existent pas. Même les plus ardents féministes du genre doivent admettre que les hommes et les femmes n’ont pas les mêmes dons, et pour eux la question devient : pouvons-nous changer ces dons. L’affinité de ce type de féminisme pour les théories sociales transgenres, transhumanistes et transformationnistes ne fait que confirmer qu’ils sont conscients de différences essentielles, même si les buts de ces idéologies sont impossibles et souvent immorales.

Des innovations telles que Titre IX (1972) ont donné une force légale à la poussée vers l’égalité des sexes – avec quelques effets négatifs sur les sports masculins dans les lycées et les collèges – mais même parmi les féministes les plus extrêmes, il y en a peu qui croient que la moitié de l’équipe de football Buckeye de l’Etat de l’Ohio devrait être féminine, ou que la NFL devrait se désagréger pour atteindre la parité sexuelle. Le Titre IX a eu pour effet d’amener les inscriptions au collège au-delà de la parité : aujourd’hui les femmes comptent pour 60 pour cent de tous les étudiants en études supérieures en Amérique, en dépit du fait que les femmes ne représentent que juste 51 pour cent de la population totale des USA.

Ainsi les femmes continuent à progresser dans presque tous les aspects de la société américaine, et elles progressent à une vitesse que peu de gens auraient prédite à la génération précédente. Et pourtant il y a encore des hommes qui se comportent plus comme des bêtes que comme des anges envers les femmes avec lesquelles ils vivent et travaillent.

Comme le savent les lecteurs de TCT (The Catholic Thing) j’ai écrit le livre de 2004 sur l’esprit chevaleresque, et sur l’idée de ce qu’est un gentleman. Un chapitre de ce livre est consacré aux relations entre les hommes et les femmes, c.à.d. à l’amour romantique. Comme le suggère la citation de Chesterton ci-dessus, ces relations sont un équilibre pesé sur la balance de la chevalerie.

Quand j’ai écrit ce livre (peu après le 11 septembre 2001) j’étais convaincu que les hommes chevaleresques – ou les vrais gentilshommes, comme je le disais – sont un groupe en diminution, et plus ou moins condamné. Les évènements récents n’ont rien fait pour encourager un plus grand optimisme. En effet, l’atmosphère plus ou moins empoisonnée en ce qui concerne la virilité voit probablement les hommes chevaleresques, quel que soit leur nombre, comme encore un autre groupe de mâles privilégiés pour qui le machisme est le summum bonum. C’est une absurdité complète.

Des femmes vraiment puissantes veulent des hommes vraiment puissants. Cependant ce pouvoir – des deux côtés – n’est pas celui dans lequel la domination est en jeu. Il s’agit plutôt du pouvoir de l’abnégation. Et cet oubli de soi n’est pas simplement la déférence et l’amour qu’un mari donne à sa femme, c’est aussi le respect, la loyauté l’affection et la réserve qu’un patron montre à ses employées.

Je suis tout à fait d’accord avec le commentaire de Jane Harrison, classiciste de Cambridge (1850 – 1928) quand elle dit que  «  d’être féminine est une chose et une seule : C’est d’être sensible envers les hommes, d’être douée de l’instinct de son sexe. Et d’être viril est d’être sensible envers les femmes. » Par instinct de son sexe, cependant, le professeur Harrison ne faisait pas référence à la luxure qui est un désordre de la sensibilité.

J’ai mentionné la réserve, que je considère comme une des vertus perdues de notre époque. Les causes de sa disparition sont trop nombreuses pour les citer, mais parmi les coupables évidents, il y a la pornographie. Je ne parle pas seulement de la peste d’internet. Partout nous voyons des femmes, des hommes, et même des enfants sexualisés de telle façon qu’il est difficile de ne pas se voir les uns les autres comme des « objets sexuels ».

La révulsion du public pour le comportement de muflerie masculine est largement provoquée par les féministes libéraux. Ils devraient se méfier, parce qu’un nouveau retrait face à la virilité, qui est –dans certains cas – leur souhait, peut avoir des conséquences désastreuses, suggérées par les écrits d’une autre femme professeur, cette fois-ci d’Oxford. Rachel Trickett (1923 – 1999) anciennement du Collège St Hugh. Elle traitait la recherche d’une égalité sexuelle absolue « d’inévitablement anarchique » et se préoccupait du fait que les règles de comportement entre hommes et femmes en évoluant, ne pourraient pas être jetées pardessus bord sans en payer le prix :

Quand toutes les idées d’un code de conduite s’effondrent, quand le concept de courtoisie disparait, une condition d’état primitif prévaut, et son principe est, inévitablement, la force brute. Il n’y a pas d’autre moyen d’assurer une quelconque prédominance, une sorte de direction de masse. Et dans cette situation, les hommes gagneront inévitablement pour la raison simplement biologique qu’ils sont plus forts que les femmes. Si bien que les femmes, s’il n’existe pas un code quelconque de déférence ou de respect, deviendront de plus en plus des victimes, quel que soit leur effort pour entrer en compétition avec leurs supérieurs par la force.

Curieusement, ceci n’est pas loin de la vision qu’avait la chroniqueuse médiévale Christine de Pizan (1364 – 1430) : l’amour vrai est un désastre s’il lui manque les vertus de la civilité.

11 décembre 2017

Source : https://www.thecatholicthing.org/2017/12/11/the-sexes-war-peace/

Tableau : Rachel Trickett par Margaret V. Foreman, 1992 [St Hugh’s College, Université d’Oxford]