Dimanche des Rameaux 2018 : 2 500 étudiants venus de 150 Universités du monde entier se sont réunis à Rome pour UNIVFORUM 2018 ; au programme, approfondir la compréhension du Catholicisme et son rapport avec le monde futur. Opus Dei organise ces rassemblements annuels depuis 1968. Une délégation a assisté à une audience papale, remettant au Saint Père une somme collectée pour soulager les misères ainsi qu’une mosaïque Syrienne représentant Marie Mère de l’Église Chrétienne. Les délibérations ont duré jusqu ‘au Dimanche de Pâques.
Il ne s’agit pas — soyons clairs — des 305 jeunes délégués invités par S.S. François pour une réunion préparatoire au Synode, tenue la semaine précédente, et citée dans un article récent. Ces jeunes gens-là ont alors conclu en remettant au pape un rapport utile par certains aspects, fort discutable, hétérodoxe, par ailleurs, en particulier par ses espoirs de voir évoluer la doctrine de l’Église — à part les Écritures, la tradition et les paroles mêmes de Jésus — adaptée au mode de vie actuel en contraste avec le Christianisme historique.
En résumé, lors de ces deux semaines précédant Pâques à Rome, nous avons découvert deux points de vue fort différents pour comprendre la jeunesse. A dire vrai, tous deux ont leurs qualités et leurs défauts.
UNIVFORUM 2018, comme presque tout ce qu’organise Opus Dei, est méticuleusement élaboré, avec un objectif bien net. Il fait appel à une organisation et à des personnes que mon collègue George Weigel aimerait voir pour le Synode d’Octobre, vu leur incontestable succès auprès du clergé consacré à la jeunesse. Le programme de cette année était axé sur la révolte des jeunes en 1968, avec des espérances utopiques, et soulevait des questions sur le résultat, un demi-siècle plus tard, des promesses de liberté et de bonheur de l’humanité.
En contraste, l’assemblée pré-synodiale a réuni un groupe hétérogène (jeunes Catholiques convaincus, jeunes Catholiques perturbés, incroyants, et même quelques Musulmans). Quelques perturbateurs s’y sont infiltrés — exemple : des partisans de l’ordination des femmes réclamant des Cardinaux féminins. En gros, les délégués ont abordé nombre de sujets attendus de la part de jeunes : un désir d’accompagnement mieux marqué pour l’agrandissement de la foi (sans que l’Église soit moralisatrice ni porteuse de jugements), rôle des femmes dans l’Église, justice sociale, et un fouillis de reproches à l’enseignement de l’Église sur le sexe, le mariage, l’homosexualité, le célibat des prêtres. Il y eut également des questions sur l’existence de Dieu et le vœu que l’Église explique mieux la doctrine et les Écritures. Certains souhaitent être mieux accompagnés par l’Église, pour d’autres, un tel accompagnement serait une entrave à leur liberté.
Deux papautés se rencontrent là. Dans la rencontre avec Opus Dei on trouve une touche de l’approche de S.S. Jean-Paul au début de Veritas Splendor où il rappelle le » jeune homme fortuné » de l’Évangile qui demande à Jésus ce qu’il doit faire pour avoir la vie éternelle. La réponse, bien sûr, est de tout abandonner et de Le suivre. L’effort essentiel doit se porter en priorité vers les jeunes déjà impliqués pour les aider à se mieux engager — et alors seulement se consacrer aux autres afin de les convaincre.
L’autre approche, celle de S.S. François, prend pour hypothèse que beaucoup se sont éloignés car n’aimant pas ce que Jésus demande. Pour certains, la question n’a pas encore été posée, ou n’a pas été bien comprise. Ou en raison d’obstacles placés par l’Église sur leur chemin, obstacles à faire sauter.
S.S. François invite fréquemment les gens à parler franchement, sans retenue, sous-entendant « qu’il en a toujours été ainsi ». Cette invitation leur fait sentir qu’ils participent à l’évènement et fait jaillir, naturellement, des questions. Mais on risque alors de contourner la question essentielle. Une bonne part des jeunes du pré-Synode — peu familiers du monde et de Dieu — se sentait moins appelée à changer et plus portée à déclarer : « Si on ne doit pas agir comme avant, c’est d’abord à l’Église de changer. »
Il lui faut changer, comme nous tous, pour continuer à vivre. La question est : « comment ? ». L’illustre Cardinal Newman disait bien : le changement est une preuve d’existence, et la perfection est atteinte par de fréquents changements. Mais il y a une différence entre le changement qui conserve et améliore fidèlement et le changement dont le résultat est radicalement différent. Cette vision joue un moindre rôle dans l’opinion des jeunes. Et ce n’est guère étonnant car ils étaient peu encouragés par les adultes à suivre des valeurs telles que fidélité et vérité. On insistait pour qu’ils s’expriment en leur propre nom — forme d’expression réservée naguère aux poètes et romanciers, alors que trop souvent l’expression des jeunes n’est que l’écho de ce qu’ils ont entendu de leurs anciens.
Les jeunes du pré-Synode ont vagabondé joyeusement dans la ville sainte au cours de leur semaine Romaine, pleins d’énergie et d’espérance. Leur rapport, bref mais dont chaque mot mérite l’attention — le plus important semble être le tableau d’une jeunesse désireuse de se consacrer à un tel événement — est transmis aux Pères du Synode qui se réuniront en Octobre. (À propos, je serai alors à Rme pour couvrir le Synode.)
Il n’y a pas grand’chose susceptible de surprendre les Pères du Synode. Quelques jeunes donnent à leur rapport le nom de « Revue du Jeu ». L’un d’eux a même lancé un Tweet : « si ce document n’entraîne pas un bouleversement dans la façon de guider les jeunes, c’est qu’il n’a pas été bien lu. »
Bouleversement, changement exemplaire — à une époque de médias sociaux, la tentation est forte de tout sur-dramatiser, y-compris le rapport d’une équipe de jeunes, à l’issue d’une brève réunion alors qu’ils ne se connaissaient pas auparavant, et diffusé auprès de 15 000 accros de Facebook.
Mais le fond n’a guère changé, et, de toute façon, l’objectif ne consiste pas simplement en une amélioration de l’encadrement religieux des jeunes. On aimerait toujours savoir si davantage de gens sont guidés vers Jésus-Christ — le seul véritable, à l’aide des Écritures, sous la protection de l’Esprit Saint, dans son corps mystique, l’Église.
« Accompagnement » impliquait famille, paroisse, communauté. Reconnaissons à ces jeunes qu’ils en tiennent compte dans leur rapport — tout autant : crise au sein des familles, tohu-bohu dans nombre de paroisses, hostilité gouvernementale trop fréquente envers la religion en général, et envers le Catholicisme en particulier. Ils voient bien qu’il faut réagir contre la perte des valeurs anciennes, mais ne savent pas bien comment.
Autre problème : peut-on s’appuyer sur la Foi si on fuit en même temps les jugements non des gens mais des vérités et errements appelant à des prises de décision ? Que choisir pour rétablir la famille, la paroisse, la société alors que rien ne peut les remplacer ? Si l’Église ne donne pas une main ferme pour vous guider — si, comme vos parents, vous souhaitez qu’elle soit présente dans vos besoins, mais n’avez guère envie de suivre ses conseils — que peuvent espérer les naufragés ?
S.S. François vient de publier un livre « God is Young » [Dieu est jeune] (traduction à paraître à l’automne) reprenant partiellement la célèbre formule de St. Augustin sur la beauté de Dieu : tam antiqua, tam nova, « Toujours ancienne, toujours nouvelle ». Les jeunes réunis à Rome ont atteint une réussite partielle, mais de grande valeur. Reste à voir si les adultes, adultes responsables, sauront en tirer une bonne conclusion en Octobre prochain.
26 mars 2018
Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/03/26/two-youths/