Un prêtre plein de sagesse/ professeur à l’Université Notre-Dame, m’a dit récemment que le grand historien catholique Philip Gleason (maintenant professeur émérite à N.-D.) conseillait souvent aux gens de rester calmes : « Souvenez-vous, au moins nous ne sommes pas en 1968. »
Je n’en suis pas si sûr. Nous venons d’entendre un archevêque, responsable de deux conseils pontificaux, louer une méchante Chine communiste avec une imprudence qu’on n’avait pas vue depuis que Jane Fonda avait rendu visite au Nord Vietnam communiste. Nous assistons au retour de prêtres, d’évêques et de cardinaux qui enseignent des choses contradictoires, et qui même parfois proclament que ce qui a été autrefois « intrinsèquement mauvais » était maintenant requis dans certains cas – et ils ont la certitude qu’ils chevauchent une nouvelle effusion de l’Esprit. Des siècles de théologie morale semblent être en danger quand le pape monte dans un avion. Et le message qui vient de Rome n’a jamais été aussi confus depuis Paul VI.
Je viens de tomber sur une remarque d’un prêtre américain connu (pas le Père James Martin) qui m’a ramené à ces jours troublés. Il affirme que la certitude que les êtres humains sont divisés en deux catégories, mâles et femelles, est le produit de nos mentalités « binaires ».
Les autres travaux de ce prêtre ont un certain poids spirituel, et, tant que je n’aurai pas approfondi ce qu’il a voulu dire, je ne donnerai pas son nom. D’ailleurs, mon inquiétude le concerne moins, lui personnellement, qu’ une sorte de réflexion morale qui semble avoir gagné l’Eglise entière, depuis les laïcs ordinaires sur les bancs de l’église, jusqu’à Rome.
En effet, il est important d’être conscient de ce que certaines personnes pensent maintenant que ces affirmations sont une approche chrétienne des conflits sexuels névralgiques. Pendant des années incalculables, le problème n’a même jamais été soulevé ; il était réglé « par inspection ». Dans sa créativité, notre race a produit certaines fleurs exotiques au long des cultures et des millénaires, mais jamais jusqu’à maintenant LGBTQQIAAP…
Hegel, comme Benoît XVI nous l’a souvent rappelé, disait que la raison a un nez en cire qui peut se tourner dans n’importe quelle direction. C’était un type intelligent, mais il était loin du compte.
Dans une perspective religieuse, il suffit de se souvenir du tout premier chapitre du tout premier livre de la Bible :
Dieu créa l’homme à son image
A l’image de Dieu il les créa,
Homme et femme – il les créa. (Gen. I, 27)
Ce ne sont pas des Monsignori rigides ou des théologiens à la morale légaliste – encore moins des cerveaux dont les structures ressembleraient à des dispositifs numériques – qui nous ont donné cette vision fondamentale de la nature humaine.
Toutes les approches de critique historique de l’Ecriture – sans parler des interprétations bizarres que des personnes comme le père Martin tweetent souvent ces temps-ci – ne devraient pas nous distraire. Il y a beaucoup de croyants intelligents avec les références voulues, qui 1) ne sont pas fondamentalistes, 2) comprennent les complexités de comprendre des portions de la Bible, et 3) continuent à croire que, sur ces questions, il nous suffit de lire la Parole.
Contradiction n’est pas développement spirituel. Si la tradition biblique, dès le début, s’est trompée sur quelque chose d’aussi basique que la distinction mâle/femelle, sur quoi a-til pu ne pas se tromper ?
Et si on croit cela, pourquoi ne pas le laisser simplement tomber et construire ce qu’on veut dans une sorte de « nouvelle communauté » ?
Il y a des années, j’ai invité un ami juif orthodoxe, correspondant juif à la Maison Blanche, à faire une conférence. (Chaque fois qu’il devait rester tard le vendredi soir, début du sabbat, il vidait ses poches, enlevait sa ceinture afin de ne « rien transporter » et rentrait à pied chez lui comme le prescrivent les règles du sabbat.) Un groupe juif de féministes l’a attaqué après son discours. Je n’oublierai jamais sa réponse : Je discuterai avec vous de tout ce que vous voudrez, mais il faudra d’abord me montrer où, dans la loi, commence la controverse.
Un chrétien aura une vision différente de la loi (tout en se souvenant des paroles de Jésus disant qu’il n’est pas venu abolir la loi). Mais j’étais- et je suis encore – frappé par le jugement sain de ce juif. Si on n’a pas de point de départ commun en tant que juif ou chrétien, on peut affirmer n’importe quoi. Et beaucoup de gens le font de nos jours.
C’est parce qu’ils commencent à réfléchir, non pas à partir de catégories bibliques ou théologiques communes, mais à partir de ce que les gens considèrent maintenant comme étant de bon sens : Qu’être mâle ou femelle est malléable, que tout le monde devrait être libre d’épouser qui il veut, que la seule chose nécessaire est de s’aimer, que les idées d’autrefois sur ces sujets sont des constructions sociales, et des relations de pouvoir – en un mot, mal.
Même dans l’Eglise, les gens maintenant utilisent les affirmations de la culture postchrétienne pour faire croire que les orthodoxes juifs ou chrétiens sont des dissidents. Et remplis de haine. Soyons clairs, ceci n’est pas une accusation envers un petit nombre de gens maladroits qui brûlent pour l’Evangile. C’est une accusation envers toute notre tradition.
Tout ceci n’est devenu possible que du fait du long processus par lequel ce que les gens considéraient comme de bon sens a radicalement changé. On l’a appelé de multiples façons : historicisme, la longue marche à travers les institutions, le marxisme culturel.
Le dénominateur commun était le désir de « libérer » la volonté humaine de ses limites, que ce soit en Dieu ou dans la nature. Un marxiste italien, Antonio Gramsci a écrit le livre (littéralement) sur comment faire cela quand on est dans une prison fasciste. Beaucoup de nos radicaux culturels ont suivi son avis.
Curieusement, Gramsci a reçu une leçon des jésuites de la Contre-Réforme. Ils n’ont pas seulement cherché à balancer les chefs, dans l’Eglise ou dans l’Etat. Ces gains pourraient aisément disparaître si d’autres chefs arrivaient au pouvoir.
Non, dit Gramsci, leur génie a été de créer una cultura capillare, un fin réseau d’institutions et d’opinions qui, comme les vaisseaux capillaires dans notre corps, atteignent tous les coins et recoins.
Vous vous demandez pourquoi la liberté religieuse ou le mariage dépendent d’un simple vote à la Cour Suprême ? La contreculture s’est réfugiée dans l’éducation, les écoles de droit, les media et la culture.
Pendant la Réforme, comme même un communiste italien a pu le voir, les jésuites ont rendu le protestantisme virtuellement impensable pour beaucoup de catholiques. La forme qu’ils ont donnée à ce qui relevait du bon sens formait une barrière inamovible.
Je ne m’attends pas à ce que les jésuites actuels mènent la contreréforme dont nous avons besoin maintenant. Mais quelqu’un doit le faire – avec vigueur, à long terme. Peut-être vous, où que vous soyez. Ou bien nous continuerons à entendre même les chefs chrétiens rejeter les faits les plus simples de la vie comme étant des illusions d’ « esprits binaires ».
https://www.thecatholicthing.org/2018/02/12/1968-at-50/
Pour aller plus loin :
- Liste des ouvriers pastoraux, Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laics tués en 2011 et 2010
- LE MINISTERE DE MGR GHIKA EN ROUMANIE (1940 – 1954)
- Jean-Paul Hyvernat
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- Du 2 au 4 août à Lourdes Les catholiques vietnamiens de France fêteront leurs martyrs