Savoir-vivre et "sens des autres". - France Catholique
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Marie dans le plan de Dieu
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Savoir-vivre et « sens des autres ».

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Je connais un petit café où je m’installe souvent pour travailler ; des chocolats merveilleux sont offerts avec le café (ou, si vous préférez : un bon café y est accompagné de merveilleux chocolats). On l’appelle « Chocolat-Café » — une belle invention, preuve de l’inventivité humaine des temps modernes, qui montre que les-dits temps modernes ne sont pas si mauvais. Un bon espresso accompagné d’un bon chocolat, et libre accès au Wi-Fi. . . un vrai petit coin de paradis.

Et cependant, même dans ce petit coin de paradis, on trouve des traces de la chute originelle. Je ne parle pas des gens qui se gavent de « banana split » ou de boules de glace grosses comme leurs têtes. La vie est trop courte pour se priver de ce genre de gourmandise avec modération. Le problème : le comportement occasionnel de certains en contradiction avec le simple savoir-vivre.

Un exemple : dans ce petit café, les propriétaires mettaient à la disposition des clients une coupe de grains de café enrobés de chocolat, où chacun pouvait picorer à son gré — jusqu’à ce qu’une petite population de clients se mît à abuser de ce privilège. Le personnel m’a raconté avoir vu des gens entrer, vider la moitié de la coupe dans un sachet, puis ressortir.

Un jour, un jeune homme saisit la cuiller avec laquelle chacun pouvait prendre un ou deux grains, la plongea profondément dans la coupe, la remplit, la vida dans sa bouche, puis la remit dans la coupe. Nul besoin de préciser que le personnel a jeté le restant de la coupe.

Il est inquiétant de constater combien de plus en plus de gens en Amérique considèrent comme normal de traiter avec mépris le bien-être de leur prochain. Il en résulte que tous nous trouvons de moins en moins de plaisir au contact avec autrui, et nos échanges sont devenus de moins en moins agréables dans la vie quotidienne. Les entorses aux relations dans le public ne sont généralement pas très graves — un graffiti barbouillé sur un mur, un lampadaire cassé, un bac de fleurs abîmé. . . Mais le sentiment général en est affecté, avec pour effet d’amoindrir gravement la qualité des rapports entre concitoyens.

Tandis que j’écris, un passant de l’autre côté de la rue cherche de la musique sur son ordinateur portable. Une chanson — bien fort — ne lui plaît pas, il reprend sa recherche.

Il y a des gens tenant en public, à haute voix, conversation sur leur portable — parfois sur des sujets strictement privés. Une de mes étudiantes me dit qu’elle a une co-turne prenant des appels téléphoniques sur le coup de 2 heures du matin. De tels individus semblent ignorer la différence entre comportement convenable dans le domaine public et ce qui ne peut se faire qu’en privé.

Il ne s’agit pas d’étiquette victorienne du genre « My Fair Lady ». Il est question de respecter un espace public que chacun puisse apprécier, où chacun se sente à l’aise, en sécurité, et qui demeure beau et accueillant pour tous. Quand les règles élémentaires du savoir-vivre sont malmenées, on peut dire sans risque que la mesure du bien-être de chacun a disparu.

En fait, la notion de bien commun a de plus en plus perdu tout sens dans la culture des individualistes absolus selon qui le sens généralement donné à cette expression n’est que le cumul des biens individuels. Vu ainsi, je ne peux que ricaner, et j’ai envie d’en rajouter. Par exemple, en prétendant qu’au cinéma je peux parler à haute voix, ou pousser des cris, tout le monde en profite mieux. Et pourtant . . .

J’aime les lieux publics. Je ne pourrais me voir écrivant sans la présence d’êtres humains autour de moi. Mais quand quelqu’un massacre notre environnement commun comme si nul autre n’existait alentour, c’est la souffrance pour tous.

On peut bien faire ce que l’on veut chez soi, barbouiller les murs de tags, faire de la musique à tue-tête jusqu’au seuil de tolérance des voisins, y parler avec sa sœur de sa vie sexuelle. Mais le seuil étant franchi, il faut penser à avoir un comportement courtois envers les autres, tout comme il leur faut songer à un comportement courtois envers vous.

Le philosophe Emmanuel Kant a posé les bases de ce qu’il appelait « impératif catégoriel » qu’on peut résumer ainsi : « n’agissez que selon ce principe d’une action pouvant être appliquée en tous cas. » Autrement dit, ne faites quelque chose que si vous pensez que tout le monde devrait pouvoir en faire autant.

Je n’ai jamais trouvé grand intérêt à ce principe de Kant, mais pour ma part je souhaite parfois que les gens se retiennent un instant et s’interrogent sur leur comportement en public. Et si chacun agissait comme je le fais à présent ? Le sympathique environnement que j’apprécie durera-t-il si je brise ce lampadaire ou si je barbouille ce mur avec ma bombinette de peinture ? Ou ce lieu deviendra-t-il aussi affreux que les horribles endroits que je fuyais en venant ici ? Quelles sont les conséquences inévitables de mes actions ? Est-ce que j’aimerais que quelqu’un me fasse cela chez moi ?

Savoir-vivre et courtoisie sont les lubrifiants du moteur social. Un environnement pacifique, harmonieux, civique, varié, quel cadeau magnifique ! Grâce à lui nous pouvons tous nous sentir, en un certain sens, comme vivant en compagnie d’amis et de camarades au lieu de nous battre contre d’intraitables adversaires dans une « guerre de tous contre tous » comme vue par Hobbes.

Si des gens se comportent dans notre espace commun avec dédain et mépris, il serait bon de les réprimander gentiment pour leur enseigner un comportement acceptable. Et s’ils ne retiennent pas la leçon, les pousser dehors — gentiment mais fermement. Les gens incapables d’apprécier un cadeau ne le méritent pas. Et on ne doit pas les laisser détruire le plaisir des autres.

25 avril 2018.

Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/04/25/etiquette-and-the-common-good/

Nighthawks (Faucons nocturnes) par Edward Hopper, 1942 [Institut d’Art de Chicago]