Quand le Verbe Eternel décida de venir sur terre, Il n’a pas fait de projets, Il n’a pas travaillé à moitié ; mais il est venu pour être un homme comme chacun d’entre nous, pour prendre une âme et un corps d’homme, et pour les faire siens. Il n’est pas venu dans une simple apparence ou une forme accidentelle, comme les anges apparaissent aux hommes ; Il n’a pas non plus éclipsé un homme existant, comme Il le fait pour Ses saints, en lui donnant le nom de Dieu ; mais Il « s’est fait chair ». Il s’est revêtu d’une humanité, et est devenu un homme aussi réellement et vraiment qu’il était Dieu, ce qui fait que désormais il était à la fois Homme et Dieu, ou, en d’autres termes, Il était une seule Personne et deux Natures, divine et humaine…
Les protestants ont rarement une véritable perception de la doctrine de Dieu et homme en une seule personne. Ils parlent d’une manière rêveuse et obscure de la divinité du Christ ; mais, si on passe au crible ce qu’ils veulent dire, on les trouvera très lents à s’engager dans aucune déclaration qui suffise à exprimer le dogme catholique. Ils vous diront aussitôt qu’il ne faut pas enquêter sur ce sujet, car il est impossible d’enquêter dessus si l’on n’est pas technique et subtil. Et puis, quand ils font des commentaires des Evangiles, ils parleront du Christ non pas simplement et systématiquement comme de Dieu, mais comme ayant été fait de Dieu et de l’homme, en partie l’un, en partie l’autre, ou entre les deux, ou comme un homme habité d’une certaine présence divine…
Maintenant, si on devait témoigner contre ces opinions non chrétiennes, si on voulait faire ressortir distinctement et au-delà de toute erreur ou de toute évasion, la simple idée de l’Eglise catholique qui est que Dieu est un homme, pourrait-on le faire mieux qu’en exposant les paroles de Saint Jean : « Dieu s’est fait homme » ? Et, encore une fois, pourrait-on exprimer ceci de façon plus emphatique et sans équivoque, qu’en déclarant qu’il est né homme, et qu’il avait une Mère ? Le monde nous accorde que Dieu est homme ; admettre ceci lui coûte peu, car Dieu est partout, et (si l’on peut dire) Il est Tout ; mais il est réticent à confesser qu’Il est le Fils de Marie…
Et la profession de foi comme quoi Marie est Deipara, ou la mère de Dieu est ce garde du corps avec lequel nous scellons et sécurisons la doctrine de l’apôtre de toute évasion, et qui permettent de dépister toutes les prétentions de ces mauvais esprits d’ « Antéchrists qui sont sortis dans le monde ». Il déclare qu’Il est Dieu ; cela implique qu’Il est homme ; cela nous suggère qu’Il est toujours Dieu bien qu’il soit devenu homme et qu’Il est un vrai homme alors qu’il est Dieu.
En étant témoin du processus d’union, cela garantit la réalité des deux sujets de l’union, de la divinité et de l’humanité. Si Marie est la mère de Dieu, le Christ doit littéralement être l’Emmanuel, Dieu avec nous. Et de ce fait, au fur et à mesure que le temps s’écoule, que les mauvais esprits et les faux prophètes sont devenus plus forts et plus audacieux, et ont trouvé leur chemin dans le corps catholique lui-même, alors l’Eglise, guidée par Dieu, n’a pas pu trouver de voie plus efficace et sûre pour les expulser, que d’utiliser le mot Deipara contre eux ; et d’un autre côté, quand ils ont ressurgi du royaume des ténèbres, et ont comploté le renversement total de la foi chrétienne au seizième siècle, ils n’ont alors pas pu trouver d’expédient plus sûr pour réaliser leur projet haïssable que d’insulter et de blasphémer les prérogatives de Marie, car ils savaient parfaitement que s’ils pouvaient une seule fois réussir à ce que le monde déshonore la Mère, le déshonneur du Fils suivrait rapidement.
L’Eglise et Satan sont d’accord sur le fait que le Fils et la Mère vont ensemble ; et l’expérience de trois siècles a confirmé leur témoignage, car les catholiques qui ont honoré la Mère, vénèrent encore le Fils, alors que les protestants, qui maintenant ont cessé de professer leur foi envers le Fils, ont commencé par se moquer de la Mère.
Donc, vous voyez mes frères, dans cette situation particulière, la consistance harmonieuse du système révélé, et comment interagissent chaque doctrine ; Marie est exaltée pour l’amour de Jésus. Etant une créature, quoique la première des créatures, il était juste qu’elle doive avoir un ministère. Comme les autres, elle est venue au monde pour réaliser quelque chose, elle avait une mission à remplir ; sa grâce et sa gloire ne sont pas pour elle seule, mais pour son Créateur ; et la garde de l’Incarnation lui est confiée ; voilà le rôle qui lui est attribué – « une vierge concevra, et mettra au monde un fils, et on l’appellera Emmanuel. »
Comme elle a vécu sur terre et a été personnellement la gardienne de son divin fils, comme elle l’a porté dans son sein, porté dans ses bras, et nourri de son lait, maintenant, et jusqu’aux derniers jours de l’Eglise, sa gloire, et la dévotion qu’on lui porte proclament et définissent la vraie foi en ce qui concerne le fait qu’Il est Dieu et homme. Toutes les églises qui lui sont dédiées, tous les autels qui sont dressés sous l’invocation de son nom, toutes les images qui la représentent, toutes les litanies qui la louent, tous les Je vous salue Marie qui font continuellement mémoire d’Elle, ne font que nous rappeler qu’il y en en a eu Un qui, quoique béni de toute éternité, par amour pour les pécheurs « n’a pas reculé devant le sein de la Vierge ».
Ainsi, elle est la Turris Davidica, comme l’appelle l’Eglise, la « Tour de David » ; la haute et forte défense du Roi du vrai Israël ; et c’est pourquoi l’Eglise s’adresse aussi à elle dans l’Antienne, comme à « celle qui a seule détruit toutes les hérésies du monde entier. »
Et ici, mes frères, une nouvelle pensée s’ouvre à nous, qui est naturellement sous entendue dans tout ce qui a été dit. Si la Deipara doit être témoin d’Emmanuel, elle doit nécessairement être plus que Deipara. Considérez : une défense doit être forte pour être une défense…Il n’aurait pas été suffisant, pour faire apparaître, et imprimer en nous l’idée que Dieu est homme, que sa Mère ait été quelqu’un d’ordinaire. Une Mère sans demeure dans l’Eglise, sans dignité, sans dons, en ce qui concerne la défense de l’Incarnation, n’aurait pas été du tout une mère.
Elle ne serait pas restée dans la mémoire, ou dans l’imagination des hommes. Si elle doit témoigner et rappeler au monde que Dieu s’est fait homme, elle doit être dans ce but dans une situation élevée et éminente. Elle doit avoir été faite pour remplir la pensée, pour suggérer la leçon. Une fois qu’elle a attiré notre attention, alors, et non pas jusque-là, elle commence à prêcher Jésus.
« Pourquoi aurait-elle de telles prérogatives » nous demandons nous, « à moins qu’Il soit Dieu ? Et que doit-Il être par nature, si elle est tellement pleine de grâce ? » Voilà pourquoi elle a d’autres prérogatives, à savoir, les dons de pureté personnelle, et de puissance d’intercession, en plus de sa maternité ; Elle est douée personnellement pour pouvoir bien remplir sa mission ; elle est exaltée pour elle-même pour être présente auprès du Christ…
Telle vous êtes, Sainte Mère, dans la foi et dans la vénération de l’Eglise, la défense de nombreuses vérités, la grâce et la lumière souriante de toute dévotion. En vous, O Marie, s’accomplit, comme nous pouvons le comprendre, un dessein originel du Très Haut. Il avait décidé un jour de venir sur terre dans la gloire céleste, mais nous avons péché ; alors il ne pouvait pas nous rendre visite sans danger, excepté avec un éclat atténué et une majesté cachée, car il était Dieu. Aussi est-Il venu Lui-même dans la faiblesse, et non dans la puissance ; et Il vous a envoyée, vous, une créature, à sa place, avec le charme et l’éclat qui convenait à votre état. Et maintenant, votre visage et votre silhouette, chère Mère, nous parle de l’Eternel ; non pas avec une beauté terrestre, dangereuse à regarder, mais comme l’étoile du matin, qui est l’emblème, brillant et musical, respirant la pureté, parlant du ciel, et infusant la paix. O présage du jour ! O espoir du pèlerin ! Conduisez-nous de même que vous avez été conduite ; dans la nuit obscure, à travers la nature sauvage et morne, conduisez-nous à notre Seigneur Jésus, conduisez nous à la maison.
Maria, mater gratiae,
Dulcis parens clementiae,
Tu nos ab hoste protégé
Et mortis hora suscipe
– Extrait des Discours aux Congrégations Mixtes , « Les Glories de Marie pour l’amour de Son Fils » (Discours 17)
Image : Vierge à l’Enfant de Barnaba de Modène, v. 1350 [Musée Städel, Francfort]
https://www.thecatholicthing.org/2018/01/01/the-glories-of-the-mother-of-god/
John Henry Newman (1801-1890) fut nommé cardinal par Léon XIII en 1879 et béatifié par Benoît XVI en 2010. Il fut parmi les écrivains catholiques les plus importants des derniers siècles.