Dernier sondage Gallup… vu ?
Non… Pas vu, cher lecteur ? Pas de souci, vous êtes déjà au courant : le nombre de pratiquants dans les églises catholiques américaines est en chute libre. On a assisté à une dégringolade temporaire avec le “souffle de Vatican II“, mais redressée sous les pontificats réparateurs de saint Jean-Paul II et de Benoît XVI. Rechute, il doit y avoir une raison.
Pour moi, selon ce que je relève de nombreuses sources, les chiffres camouflent un détail significatif. Bien des paroisses adeptes de la Messe “nouvelle“, modernistes, sont en déclin, on assiste chaque jour à des fermetures d églises. Et, pour la plupart, les congrégations attachées fermement à la “Messe d’antan“ ont de plus en plus de fidèles, et de vocations. Ces “dinosaures“ ont aussi beaucoup d’enfants. Il me semble que l’Esprit Saint, après tout, a fait son choix.
Un ami Juif, qui a vécu longtemps à New York me propose une comparaison. Dans les années 1950 il n’y avait qu’une petite minorité de Juifs Orthodoxes, et presque tout le monde prévoyait leur prochaine extinction. À présent, ils constituent une mince majorité, Oh ! Là, là ! Car les Juifs “libéraux“ modernistes sont en voie de disparition. Ils ne fréquentent plus les synagogues, et donc les synagogues ferment. Ils se marient avec des goyim, et n’ont guère de progéniture.
À mon humble — déraisonnable ? — avis le “modernisme“ va échouer.
Mes amis modernistes ne sont pas d’accord, bien sûr. L’un d’eux, qui m’a transmis ce sondage (je l’avais déjà lu), a contredit l’éclairage que j’en donne ci-dessus. Selon lui, les traditionalistes se contentent de changer de paroisse. Mais oui, il y a du vrai, à croire ce que je constate de bonne source. Il y a plein de petits enfants qui déménagent pour aller à la messe dans le Dakota Sud.
En France, ils étaient plutôt choqués lorsque récemment le gouvernement a lancé le mariage gay, et les catholiques de la vieille école avec tous leurs petits ont lâché deux millions de protestataires dans les rues de Paris pour exprimer leur réprobation. Les médias parisiens en étaient retournés : « on n’imaginait pas que tant de dinosaures marchaient encore sur terre. »
Je suis moi-même un vieux dinosaure mais — bravo ! — les jeunes se multiplient autour de moi. En tout, nous ne sommes peut-être pas moins nombreux que ceux du XIIIème siècle, mais la proportion dans la population Chrétienne occidentale a diminué. Effet du modernisme ?
Dieu a bien précisé dans les Écritures qu’Il ne tient pas de comptabilité ; Il considère Son peuple individu par individu. Personnellement, je ne me consacre guère aux statistiques. Nul ne connaît l’avenir. Dieu ne nous réserve pas de surprises — Il n’a jamais annoncé qu’Il changerait au fil du temps — mais les événements peuvent bien nous surprendre.
Car c’est à nous de chercher ou de fuir les vérités fondamentales. Celle qui me soucie à présent, ce matin, concerne l’efficacité de la prière.
« Je prie pour vous ! » peut être une expression agaçante ; j’ai souvenir d’avoir réagi en pensant : « De quoi je me mêle ? » à l’époque où je n’étais pas encore catholique. Et de nos jours on nous rappelle sans cesse, tant dans la vie courante que par la voix de nombreux prêtres, que nous devrions « non seulement prier, mais aussi agir. » C’est un conseil de bon sens, j’en suis persuadé, mais, à mon avis, révélateur de la baisse de la foi. Car, en fait, la prière, c’est bien une forme d’action.
Il y a quelque temps, un catholique âgé me faisait faire en voiture le tour d’Ottawa, me montrant les vieux bâtiments catholiques — tant d’entre eux anciens monastères — à présent convertis “pour d’autres usages“, immeubles de copropriétés ou aires de stationnement.
Explication évidente : abandon et trahison. Une ville naguère bien catholique s’était “réorientée“ sur d’autres centres d’intérêt. De fil en aiguille, la catastrophe survient soudain. On peut consulter les économistes sur les mécanismes de l’offre et de la demande.
Mais mon ami exprima une tout autre idée. Selon lui, le travail essentiel effectué dans tous ces anciens bâtiments monastiques consistait en prières dites alors pour nous par leurs habitants.
Et alors qu’il n’y avait plus de prières nous subissions un effet presque mesurable. Nous aussi, privés de prières, arrêtions de prier. Nos liens avec l’Église étaient rompus, les liens les plus significatifs étant ceux de la prière sacramentelle. Ne demeuraient que les prières invisibles ayant imprégné les murs des institutions.
Que se passe-t-il quand votre propre mère cesse de s’occuper de vous ? Après tout, vous n’êtes qu’un numéro dans une liste de statistiques, vivant votre vie. Non que vous dépendiez financièrement d’elle. En vérité, c’est de ses prières que vous avez besoin. Alors, moines et nonnes — surtout les nonnes — ne prendraient-ils plus souci de nous ? Où est le progrès ?
Bon… Étant notoirement un catholique de la vieille école, qui croit à ce que l’Église a enseigné et enseigne encore par endroits, je prie pour les autres comme j’ai besoin de leurs prières dans ce mystérieux échange de la Divine Économie.
Et il ne s’agit pas pour moi de prière-cadeau mais plutôt d’un procédé d’échange. Ma comparaison terre-à-terre a une limite qu’on pourrait souligner en rappelant l’adage « on n’a que ce qu’on acquiert ». Mais ceci, au sein d’un ensemble d’échanges dans l’amour.
Je n’ai pas à commenter la récente exhortation apostolique, qui nous rappelle entre autres sujets que la sainteté doit s’exprimer par l’action, et rabaisse le silence monastique, sans tenir compte des conseils de S.E. Le Cardinal Sarah. Le pape dit bien ce qu’il dit, à nous de l’entendre.
Mon propos concerne la prière monastique, dans sa forme très spécifique, traditionnelle ; mais également les silences, et les prières monastiques du cœur de chaque catholique. Croyons qu’elles sont efficaces, sinon, toute l’Église continuera à se vider, ne conservant que les vieux excentriques qui croient encore.
13 avril 2018.
Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/04/13/dinosaurs-on-the-move/
— –
Moines carthusiens en prière, Monastère St. Hugh
— unique monastère carthusien postérieur à la Réforme en Grande-Bretagne.
Cowfold, Sussex Occidentel. — photo Roger Bamber.
Pour aller plus loin :
- Le défi du développement des peuples et le pacte de Marrakech - la fuite en avant des Nations Unies
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- LA « MODERNITÉ » : UN CENTENAIRE OUBLIÉ
- La paternité-maternité spirituelle en vie monastique est-elle menacée en Occident ?
- SYRIE : ENTRE CONFLITS ARMES ET DIALOGUE INTERNE